Mis en délibéré pour le 7 avril prochain, l’affaire de l’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, a mis la lumière sur une gestion troublante des structures décentralisées de ce département auxquelles des fonds importants ont été accordés pour l’organisation de nombreux évènements culturels durant les années 2006 et 2017.
Lors de ce procès devant le Pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, de nombreux gestionnaires de ces organismes, entendus comme témoins, ont renvoyé la responsabilité du non-respect des procédures de financement des projets, tantôt vers Abdelhamid Benblidia, ordonnateur financier et coordinateur du comité d’exécution des manifestations et tantôt vers la ministre de la Culture alors que durant les confrontations beaucoup ont fait preuve de contradictions, pour ne pas dire de fuite en avant, en revenant sur leurs propres déclarations devant le juge d’instruction et devant le tribunal.
Directeur des équipements, membre du comité exécutif de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe (2007-2008), Abdelhamid Serrai, qui avait signé les ODS et les décisions d’arrêt et de reprise des travaux de réfection de la salle Atlas et du musée Mama, au site des ex-Galeries algériennes, pointait du doigt Abdelhamid Benblidia, qui selon lui, lui demandait de signer, avant de revenir sur ses propos, après insistance du juge, pour accuser la ministre en disant : «Elle me disait : vous signez, sinon je signe et vous exécutez».
Il déclare même que la ministre «m’a demandé de signer les ODS avec l’entrepreneur, à la salle Atlas, et d’aller par la suite au ministère». Ce que l’entrepreneur, témoin dans le procès, a démenti formellement devant le juge, en précisant que la signature de ce document a eu lieu au siège du ministère. Directeur général de l’Office national des droits d’auteur (ONDA), Hakim Taoussar, également témoin, a dégagé toute responsabilité dans le non-respect des procédures, en renvoyant la balle parfois vers la ministre et parfois vers Benblidia.
Le juge l’a d’ailleurs bousculé par plusieurs questions sur le paiement de la somme de 30 000 euros à une société française prestataire de services, pour la prise en charge d’une réception dinatoire d’une soixantaine de personnes, à Cannes, lors du festival du film, en hommage à Lakhdar Hamina.
«Comment pouvez vous donner de l’argent sans aucun document ?», lui demanda-t-il plusieurs fois, mais la réponse était à chaque fois : «Benblidia me disait qu’il faut payer après on régularise avec des contrats».
Ce que Benblidia dément. D’autres témoins, comme les directeurs généraux de l’Office de Riadh El Feth (OREF), de l’Office national de cinéma et de l’information (ONCI) et de l’Agence algérienne de rayonnement culturel (ARC) ont adopté la même logique de contradiction.
La DG de l’OREF, Farida Tahadart, avait du mal à expliquer l’inexistence d’un compte du festival panafricain, pour recevoir la dotation qui lui est due ni le versement de celle-ci dans le compte de l’OREF. Même Benblidia, commissaire et ordonnateur de la manifestation, ignorait l’inexistence du compte et le fait qu’il y ait un reliquat de 340 millions de dinars, reversé en 2021 au Trésor public.
Chacun se renvoyait la responsabilité sur le non- respect criant de la violation de la procédure, qui relève de leurs prérogatives. Autant de contradictions qui suscitent de lourdes interrogations sur la responsabilité de chacun des responsables cités comme témoins dans cette affaire.
Raison pour laquelle, en septembre dernier, le juge d’instruction de la 5e chambre du Pôle financier a demandé au parquet des poursuites contre 58 personnes, une grande partie des gestionnaires des structures cités comme témoins.
Ce n’est que depuis quelques semaines, que le juge a pu avoir des réponses et entamé l’enquête judiciaire, puisque parmi les concernés beaucoup ont vu leur statut basculer de témoins à celui de prévenus.