En ce mois allant du 18 avril au 18 mai, consacré à la célébration du Mois du patrimoine, nous avons saisi l’opportunité d’une escale de notre compatriote, le Pr Bouchenaki Mounir, haut cadre au sein de l’Unesco, afin de nous informer sur ce qui se prépare et les actions menées par l’Unesco, pour mieux protéger les sites et monuments culturels à travers le monde, sans pour autant éviter de lui poser la question relative à la situation du patrimoine culturel dans notre pays. Des informations enrichissantes. Pr Mounir Bouchenaki : «2022, nous célébrons le cinquantenaire de la convention de 1972».
- En 2003, je vous ai posé une question sur les mécanismes mis en place par l’Unesco, afin de protéger les sites et monuments culturels et le sort réservé au patrimoine archéologique, littéraire et culturel (musées et bibliothèques) à la suite de l’invasion en Irak. Vous venez d’effectuer une mission à Mossoul au mois de mars 2022. En quelques mots, nous sommes curieux de l’état des lieux des sites culturels irakiens, deux décennies après le début de la guerre…
L’Unesco m’a chargé de plusieurs missions en Irak, notamment depuis 1990, après les bombardements qui ont touché la ville de Baghdad et dont l’une des cibles a eu comme dégât collatéral la mise hors – service du système de ventilation et de l’air conditionné du Musée national.
J’ai pu observer alors, avec les responsables du musée, le développement des termites dans plusieurs salles et les dégâts sur les objets d’art en bois mais aussi sur les murs du musée. La triste ironie de la situation est qu’il n’était pas permis d’envoyer un produit anti-termites suite à l’embargo imposé au pays.
Mais la situation la plus dramatique pour le patrimoine irakien a été celle causée par l’invasion américaine en mars-avril 2003. Je m’y suis rendu à la mi-mai 2003 avec quatre experts internationaux (le directeur du British Museum, Niel Mac Gregor, le directeur du Massachussetts Institute of Art, John Russel, le directeur du Centre italo-irakien et le chef de la mission archéologique japonaise en Irak) et nous avons constaté le vol de plus de 15 000 objets dans les galeries et les réserves du Musée national.
Mais plus encore, nous avons pu documenter l’incendie de la Bibliothèque nationale et les graves dommages causés au Musée des arts et traditions populaires ainsi que le Musée des beaux-arts.
Notre rapport a été soumis à l’Unesco et au Secrétariat des Nations unis. Pour la première fois, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution concernant la lutte contre le trafic illicite des œuvres d’art.
«Le Conseil de sécurité réaffirme la décision qu’il a prise, au paragraphe 7 de la Résolution 1483 (2003), et décide que tous les Etats membres doivent prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels irakiens et syriens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse, qui ont été enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, notamment en frappant d’interdiction le commerce transnational de ces objets et en permettant ainsi qu’ils soient restitués aux peuples irakien et syrien.
Il demande à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture à Interpol et aux autres organisations internationales de faciliter la mise en œuvre des dispositions du présent paragraphe. (Extrait de la Résolution 2199 du Conseil de Sécurité).
Une seconde mission, en juillet de la même année, nous a permis de voir l’état des sites archéologiques victimes de fouilles clandestines et de pillages a Babylone, Umma, Uruk, Ur, etc., et de constater à Bassorah l’incendie de la Bibliothèque régionale, le vol des objets du Musée archéologique mais aussi la dévastation de l’Université de Bassorah.
Avec un groupe d’experts internationaux, nous avons parcouru les villes et sites du nord de l’Irak, de Kirkouk à Erbil, puis de Mossoul à Samarra en passant par les sites de Nimrud, Assour et Hatra. Les dommages de la guerre étaient moindres qu’au sud du pays.
A l’époque (2003), Hatra était le seul site de l’Irak inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Depuis lors, l’Irak renferme les sites suivants inscrits sur la liste du Patrimoine mondial culturel.
- Assour (Qal’at Cherqat) (2003)
- Babylone (2019)
- Citadelle d’Erbil (2014)
- Hatra (1985)
- Ville archéologique de Samarra (2007)
- Les Ahwar du sud de l’Irak : refuge de biodiversité et paysage relique des villes mésopotamiennes (2016)
Ce n’est que plus tard, avec le développement des groupes terroristes tels que Daech que les destructions intentionnelles du patrimoine ont connu une intensité d’une gravite extrême, avec en particulier l’occupation par Daech de la ville de Mossoul, deuxième ville du pays.
C’est la raison pour laquelle dès la libération de cette ville par les forces irakiennes, la directrice générale a lancé un projet de grande envergure «pour faire revivre l’esprit de Mossoul».
L’un des chantiers en cours est celui de la reconstruction/restauration de la Mosquée Al Nouri et de son fameux minaret penche Al Hadba datant du XIIe siècle ainsi que deux églises appartenant l’une à la communauté des Dominicains et l’autre à celle des Syriaques.
Avec le professeur Daniele Pini, de l’Université de Ferrara, nous assurons des missions régulières à Mossoul pour la mise en œuvre de ce projet financé par les Émirats Arabes Unis.
Nous nous sommes déjà rendus trois fois à Mossoul au cours des deux dernières années, et ce, malgré les difficultés de déplacement dues à la pandémie de Covid.
En liaison étroite avec le «State Board of Antiquities» du ministère de la Culture et l’appui constant de mon collègue et compatriote Mohamed Djelid, ancien directeur du bureau Unesco de Baghdad, on peut citer de nombreuses réalisations dont la plus importante est la réhabilitation totale du Musée national à Baghdad.
Il a retrouvé toute sa splendeur et la campagne menée par l’Unesco et Interpol a permis de récupérer un grand nombre d’objets qui avaient été volés. Cependant, la tâche est encore très lourde et il est à espérer que d’autres contributeurs puissent aider les autorités irakiennes à la réhabilitation et la mise en valeur de tout leur patrimoine culturel.
- A l’instar des autres pays dans le monde, l’Algérie célèbre systématiquement le Mois du patrimoine, sans attrait. La particularité en 2022, l’Unesco a décidé de célébrer le 50e anniversaire de la Convention de l’Unesco sur la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. En votre qualité d’expert permanent dans cet organisme planétaire, quel est votre commentaire ?
La Convention de l’Unesco de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel va fêter effectivement le 16 novembre de cette 2022 son 50e anniversaire.
Cette Convention est actuellement ratifiée par tous les pays du monde (194 pays au 23 oct. 2020). Je voudrais commencer par rappeler la participation à la rédaction de cette convention d’un expert algérien, M. Sid Ahmed Derradji, alors délégué permanent de l’Algérie auprès de l’Unesco dans les années 1970.
C’est dire l’importance que l’Algérie a accordé à cette convention qu’elle a ratifiée le 24 juin 1974, c’est-à-dire qu’elle faisait partie des premiers Etats-parties qui ont reconnu l’importance de ce traité international.
Les Etats-parties sont les pays qui ont ratifié la Convention du patrimoine mondial. Ils acceptent ainsi d’identifier et de proposer des biens se trouvant sur leur territoire national et susceptibles d’être inscrits sur la liste du patrimoine mondial.
Quand un Etat-partie propose un bien pour inscription, il doit donner des détails sur la manière dont le bien est protégé sur le plan juridique et fournir un plan de gestion concernant son entretien.
Les Etats-parties doivent protéger les valeurs pour lesquelles leurs biens ont été inscrits sur la liste ; ils sont également encouragés à présenter à l’Unesco des rapports sur l’état de conservation de ces biens.
Cette Convention a été à l’origine de deux concepts majeurs, celui de la liaison entre patrimoine culturel et patrimoine naturel, jusque-là considérés comme deux entités différentes, et d’autre part, la reconnaissance du patrimoine culturel et naturel comme bien commun de l’humanité.
D’ou l’importance d’une célébration de son 50e anniversaire qui aura d’ailleurs lieu à Florence, en Italie, le 16 novembre prochain. Grâce à cette convention, il existe à présent 1154 biens inscrits dans 167 pays, dont 897 culturel, 218 naturels et 39 biens mixtes. L’Algérie, pour sa part, a 7 sites inscrits, avec 6 sites culturels et un site mixte.
La célébration du 50e anniversaire de cette convention devrait être l’occasion de faire un bilan sur la gestion des sites du patrimoine mondial et de relever les défis contemporains auxquels ils sont confrontés tel le changement climatique et l’urbanisation non planifiée.
- Vous étiez présent aux travaux à Monaco, quelles sont les conclusions retenues à l’issue de la 11e édition des dernières rencontres internationales Monaco et la Méditerranée, du moment que notre pays fait partie du bassin méditerranéen ?
Depuis leur création en 2001, les Rencontres internationales Monaco et la Méditerranée, placées sous le Haut Patronage de l’Unesco et de S.A.S. le Prince Albert II, réunissent tous les deux ans de hautes personnalités du monde intellectuel et scientifique, spécialistes de la Méditerranée pour échanger leurs connaissances et leur expertise sur le patrimoine culturel et naturel de cette région, en l’examinant sous les angles du passe, du présent et de l’avenir.
J’ai participé, avec la directrice de la Culture, Mme Elisabeth Breaud, a la création de ce programme des «Rencontres RIMM» lorsque j’étais sous-directeur général pour la Culture à l’Unesco et j’ai continué à y participer tous les deux ans jusqu’à cette année, ce qui m’a valu d’être nomme président d’honneur par le Prince Albert II de Monaco depuis 2016.
Après chaque rencontre, il est procédé à une publication, ce qui fait qu’il y a désormais dix publications sur des sujets aussi divers que ceux mentionnes ci-dessous :
- Mars 2001 - Villes méditerranéennes, Quel devenir ? Les cites fondatrices de la pensée méditerranéenne au fil du temps. Leur passe et leur avenir face au développement urbain et touristique. –
- Mars 2003 - Nouvelles technologies au service de la protection du patrimoine méditerranéen et de la diffusion de sa culture. Le patrimoine méditerranéen en réseau : dimensions culturelles, politiques et économiques. L’image numérique au service du patrimoine et de l’archéologie : de la télédétection à la visualisation. –
- Mars 2005 - Le Patrimoine méditerranéen en question. Sites archéologiques, musées de sites, nouveaux musées. Synthèses nationales sur les politiques culturelles appliquées au patrimoine archéologique. La problématique de l’aménagement des sites archéologiques et de leurs musées. Musées du XXIe siècle.
- Mars 2007 - Patrimoine culturel, naturel et subaquatique pour un développement durable en Méditerranée. Le Patrimoine maritime : les ports du littoral méditerranéens. Quel avenir ? Projets d’aménagement et de développement durable. Le Patrimoine maritime culturel : les zones archéologiques côtières.
Quel futur ? Projets d’aménagement et de développement durable. Le patrimoine naturel : Les parcs naturels et les aires maritimes : anticiper ou guérir ? Le patrimoine subaquatique : la sauvegarde du patrimoine subaquatique : réalité ou utopie ? –
- Mars 2009 - Gestion durable et équitable de l’eau douce en Méditerranée. Mémoire et traditions, avenir et solutions L’héritage : la gestion de l’eau de l’Antiquité a la civilisation arabo-musulmane.
-Mars 2011 - La Méditerranée peut-elle rejouer un rôle civilisateur ? Regards croisés sur les héritages et les défis futurs. Les héritages. Les villes phares d’aujourd’hui et de demain. Les réseaux : défis culturels majeurs.
-Mars 2013 - La puissance du feu : du mythe de Prométhée aux défis futurs en Méditerranée. Récits des origines et symboliques du feu. Les réveils erratiques de la Méditerranée. Relever les défis politiques et énergétiques.
-Mars 2016 - Demain la Méditerranée, comment habiter le monde autrement ? Penser l’anthropogenèse en Méditerranée. Le temps des utopies concrètes. Méditerranée, visage d’avenir.
-Mars 2018 - Artistes et Intellectuels en Méditerranée. Leurs places, leurs rôles, leurs défis.
-Mars 2020 – Agir pour le Patrimoine en Méditerranée.
- Mars 2022 – Les îles de la Méditerranée. Ombres et Lumières.
Dans un esprit pluridisciplinaire, les RIMM sont ouvertes au public et ont pour vocation de réunir, tous les deux ans, des experts de tous horizons pour réfléchir aux grands enjeux contemporains du pourtour méditerranéen.
Des experts arabes venant de tous les pays méditerranéens sont régulièrement invités à ces Rencontres. Parmi eux des experts algériens ont aborde le problème des incendies, celui du dessalement de l’eau, celui de l’émigration, etc. Tout est publié.
- Vous revenez d’une mission effectuée au Cambodge. Quel est le but de votre déplacement ?
Il s’agit d’un projet qui a été lancé. Il a commencé par l’inscription du site d’Angkor en décembre 1992, lors de la réunion du Comité du Patrimoine Mondial (CPM) à Santa Fe aux USA.
C’est lors de la même session que le site de la Casbah a été inscrit sur cette liste. J’étais alors directeur de la division patrimoine mondial à l’Unesco. J’ai participé à cette session qui a inscrit pour la 1re fois Angkor sur la liste du patrimoine mondial et en même temps sur la liste du patrimoine mondial en péril. Le Cambodge sortait de plus de 02 décennies de conflit armé, qui a pris fin avec les Accords de Paris en 1991.
La 1re demande que le Prince Norodom Sihanouk a fait à l’Unesco dès la fin de la signature de ces Accords était d’aider son pays à préserver le site d’Angkor, car il considérait que c’était une priorité pour son pays. Il est à noter que les 03 tours du Temple d’Angkor Vat sont sur le drapeau national du Cambodge. Le DG de l’Unesco à l’époque, M. Frederico Mayor a répondu favorablement a cette requête.
Des octobre 1993, deux pays, la France et le Japon ont organisé une réunion à Tokyo qui a décidé de la création du CIC (Comité International de Coordination pour la sauvegarde et le développement du site d’Angkor).
Plusieurs pays ont joint ce comité, en l’occurrence la Corée du Nord et la Coree du Sud, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, Le Luxembourg, la Suisse, les USA, la Thaïlande. En 2023, sera célébré le 30e anniversaire de ce CIC qui est considéré comme un modèle de coopération internationale.
Depuis sa création, le CIC se réunît 2 fois par an. Un groupe d’experts adhoc nommes par l’Unesco composé de 04 professionnels dans le domaine du patrimoine culturel, dont je fais partie et 03 professionnels dans le domaine du développement.
C’est dans ce cadre que j’ai participé dernièrement aux 02 réunions techniques et plénières, organisées à Siem Reap, ville située a 15 km du site d’Angkor, entre le 15 et le 20 mars 2022. Il s’agissait de combler l’absence des missions durant les deux années marquées par la pandémie du Covid, pendant lesquelles nos réunions se sont faites en ligne.
- Revenons à l’Afrique. Nous avons l’impression que l’Unesco envoie ses experts en Asie, les pays arabes, et pas en ce continent. Notre continent ne semble pas être inscrit dans la feuille de route de cette institution internationale ces dernières années, particulièrement notre pays, l’Algérie…
Les rapports et tableaux publiés par l’Unesco montrent qu’il y a une répartition de projets dans toutes les régions du monde. Le continent africain est considéré par l’Unesco comme une région prioritaire.
Il existe un seul secteur à l’Unesco qui s’occupe d’un continent, c’est l’Afrique, à l’image du secteur des sciences, du secteur de la culture, du secteur de la communication et du secteur des sciences sociales. Ce secteur porte le nom de Priorité Afrique.
Il est dirige comme les autres secteurs d’un sous-directeur général. J’ai travaille pendant 25 ans à l’Unesco. Je suis en mesure de vous dire que tous les pays sont considérés comme égaux. D’ailleurs, si ce n’etait pas le cas, les ambassadeurs de tous les pays ont leurs bureaux à l’Unesco.
Ils suivent attentivement toutes les activités menées par les différents secteurs de compétence de l’Organisation. L’Algérie a également sa représentation et les relations sont très étroites avec les ministres chargés des programmes menés en coopération avec l’Unesco.
En ce qui concerne le patrimoine culturel de l’Algérie, et notamment les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco à Paris et son bureau hors siège à Rabat (Maroc) sont en contact permanent et des missions sont conduites, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de 1972.
Cependant, la gestion des sites et leur entretien restent l’objet de la responsabilité de l’État et non celle de l’Unesco, qui ne peut assurer ce type de fonction pour les 1154 sites inscrits sur la liste du patrimoine culturel mondial repartis dans 167 pays de la planète.
- La célébration du mois du patrimoine en Algérie passe inaperçue. Alors, quels axes préconisez-vous, afin de mener les actions de sensibilisation des populations, pour les inciter à s’attacher davantage à la protection de leur patrimoine au pluriel. Vous êtes respecté à travers le monde, grâce à vos diverses missions scientifiques, nos lecteurs seront attentifs à votre réponse, car votre longue expérience depuis la basse échelle en Algérie jusqu’au sommet de l’Unesco et le Comité du patrimoine mondial est grandement intéressante…
Nombreux sont les spécialistes, femmes et hommes, en Algérie qui ont une excellente connaissance du patrimoine culturel national et je ne suis que l’un d’entre eux, en toute simplicité.
Et toutes et tous peuvent répondre à votre question en abordant à l’occasion du «mois du patrimoine», les questions de la gestion et des bonnes pratiques dans ce domaine.
La gestion du patrimoine culturel est, par nature, directement liée à la politique culturelle de l’Algérie telle qu’elle a été menée après la guerre de libération nationale et le recouvrement de la souveraineté nationale, comme peuvent en témoigner ouvrages et articles de presse qui lui ont été consacrés et qui apportent un éclairage utile pour suivre et comprendre l’évolution de cette politique durant les soixante ans qui viennent de s’écouler.
Il serait très long d’entrer dans le détail pour répondre à votre question qui est d’une importance particulière. Je résumerai donc en quelques mots les axes d’action possibles.
Il s’agit, en premier lieu d’apprécier l’importance du patrimoine national qui couvre des millions d’années si on prend comme on doit le faire toutes les époques depuis la Préhistoire à nos jours.
Il faudrait sensibiliser tous les publics et les familiariser avec la nécessité de prendre en compte, valoriser et faire connaître le patrimoine national, un prestigieux patrimoine culturel, et bien entendu rappeler sa riche diversité et son extension sur le plan territorial. C’est cette richesse qui est également à la source des défis et des enjeux qu’il s’agira de relever.
- Notre pays est pourvu d’une richesse archéologique terrestre et subaquatique immense. Un atout encore inexploité. Depuis votre bureau à l’Unesco, que préconisez-vous pour une meilleure protection des monuments algériens classés sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’Unesco ? Le rôle de la culture dans le développement économique est pourtant prometteur, si la volonté y est…
En 1968, j’ai écrit un article sur l’histoire du port antique de Tipasa dans la Revue d’histoire et de civilisation du Maghreb, et ce après d’une part, la visite en Algérie du célèbre commandant Jacques – Yves Cousteau et, d’autre part, de deux plongeurs de l’Université d’Oxford, M. Yorke et M. Davidson qui ont effectue un relevé au sonar du littoral de Tipasa.
C’est grâce au résultât de ce sonar que l’on a enfin identifie l’emplacement du port antique.
Des contacts ont été pris avec les pays qui, des les années 60 du siècle dernier, ont lancé de manière significative la recherche archéologique sous-marine, à savoir la France, la Grèce, l’Italie, la Turquie et la Tunisie.
Il s’est avéré qu’il fallait beaucoup de moyens techniques et surtout une formation d’archéologues plongeurs pour engager un véritable programme dans ce domaine, et ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que le Centre National de Recherche Archéologique a obtenu les moyens pour mettre en œuvre un programme dédié à la connaissance du patrimoine subaquatique, lorsqu’il est bien connu que nous avons plus de 1300 kilomètres de littoral marin.
Durant mes fonctions à l’Unesco, j’ai eu à travailler à la préparation puis à l’adoption par la Conférence générale, en 2001, de la Convention concernant la protection du patrimoine culturel subaquatique que l’Algérie a ratifiée le 26 février 2015.
C’est le professeur Toufik Hamoum, expert du patrimoine subaquatique, qui a été reconduit récemment à la tête du Conseil consultatif scientifique et technique (STAB) de la convention de l’Unesco pour la protection du patrimoine culturel subaquatique.
Il n’y a pour le moment que 71 pays qui ont ratifie cette convention qui est moins populaire que celle du patrimoine mondial culturel et naturel ou encore celle de 2003 sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Avec le Japon, l’Algérie a été le premier pays à ratifier la Convention de 2003, le 15 Mars 2004.
Cette convention qui a connu un grand succès est actuellement ratifiée par 180 Etats-parties. Je laisserai pour le moment la question cruciale concernant «Culture et Développement», qui mérite un article à part.
- Il y a une guerre qui se déroule en Ukraine. Personne ne semble évoquer ni s’inquiéter de la protection des monuments culturels. L’Unesco est-elle intervenue pour mettre en garde les belligérants sur des dégâts que peut provoquer la guerre sur les sites culturels et naturels dans ces pays ?
Je pense que ce récent conflit en Ukraine est au premier rang des préoccupations de toutes les institutions culturelles dans le monde, et au premier rang l’Unesco. Je cite un communique de l’Unesco du 19 Mars 2022 : «L’organisation des Nations unies appelle ses États membres, dont fait partie la Russie, à respecter le droit international en ne ciblant pas les sites culturels. Au risque de voir disparaître à jamais des pans entiers de l’histoire de l’Ukraine et de l’humanité.
Comme cela a été le cas au cours de précédents conflits, au Mali, en Irak ou en Syrie, la guerre en Ukraine fait craindre la destruction de monuments et de collections inestimables. L’Unesco constate déjà grâce aux remontées du terrain et aux images satellites des destructions et dégradations de plusieurs centres villes historiques et de musées à cause de bombardements, incendies ou dommages collatéraux.
L’Unesco aide à distance les autorités et directeurs de musée avec des conseils techniques et recommandations pour préserver les sites, classés ou non. L’organisation nous affirme que toutes les options sont prises localement pour cacher, évacuer et mettre à l’abri des œuvres. Des opérations qui se déroulent dans le plus grand secret afin de ne pas fournir d’informations aux forces militaires russes.
Autre action actuellement déployée : le marquage des bâtiments avec le «bouclier bleu», un symbole bleu et blanc qui peut être apposé sur des murs, des toits ou des portes.
Le but est de signaler les monuments qui ne doivent pas être cibles puisque protèges en cas de conflit armé par la Convention de la Haye de 1954 et ses deux Protocoles de 1954 et de 1999 ».
Le Directeur du Centre du Patrimoine Mondial, mon ami Lazare Eloundou, est sur toutes les télévisions qui souhaitent savoir ce que fait ce Centre, notamment pour les 7 sites de l’Ukraine inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial.