Pourparlers entre la Russie et l'Ukraine : Moscou et Kiev évoquent des progrès

30/03/2022 mis à jour: 00:15
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Les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine mardi à Istanbul ont été «substantiels», ont annoncé les négociateurs

L’Ukraine acceptera d’être neutre si elle obtient un «accord international» pour garantir sa sécurité, dont seraient signataires plusieurs pays agissant en tant que garants. C’est ce qu’a indiqué hier le négociateur en chef ukrainien David Arakhamia à l’issue des négociations avec la délégation russe à Istanbul en Turquie, selon des propos recueillis par l’AFP. «Nous insistons pour qu’il s’agisse d’un accord international qui sera signé par tous les garants de la sécurité», a déclaré David Arakhamia lors d’un point de presse informel. «Nous voulons un mécanisme international de garanties de sécurité où les pays garants agiront de façon analogue à l’article 5 de l’Otan et même de façon plus ferme», a-t-il ajouté. 

Cette disposition de l’Alliance stipule qu’une attaque contre l’un de ses membres est une attaque contre tous. Il a cité, parmi les pays que l’Ukraine voudrait avoir comme garants, les Etats-Unis, la Chine, la France et la Royaume-Uni (membres du Conseil de sécurité des Nations unies) la Turquie, l’Allemagne, la Pologne et Israël. «L’Ukraine acceptera un statut neutre si le système de garantie de sécurité fonctionne», a-t-il ajouté. Il a aussi estimé qu’après ces pourparlers, les conditions sont «suffisantes» pour une rencontre au sommet entre les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky. Avec de telles garanties, l’Ukraine «ne déploiera sur (son) territoire aucune base militaire étrangère» et ne rejoindra «aucune alliance militaro-politique», a observé un autre négociateur, Olexandre Tchaly. 

Des exercices militaires pourraient néanmoins être organisés en Ukraine avec l’accord des pays garants, a-t-il précisé. Kiev demande également que cet accord international n’interdise en rien l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne (UE), et que les pays garants s’engagent à contribuer à ce processus. Pour que ces garanties puissent prendre effet dans les plus brefs délais, la Crimée et les territoires du Donbass sous contrôle des séparatistes prorusses seraient «temporairement exclus» de l’accord, a précisé D. Arakhamia. Pour résoudre la question spécifique de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, Kiev propose «15 ans» de pourparlers russo-ukrainiens séparés, selon un autre négociateur ukrainien, Mykhaïlo Podoliak. 

De son côté, la Russie a promis de «radicalement» réduire son activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv en Ukraine. «Les négociations sur un accord sur la neutralité et le statut non nucléaire de l’Ukraine entrant dans une dimension pratique (...), il a été décidé, pour accroître la confiance, de réduire radicalement l’activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv», a déclaré à Istanbul le vice-ministre de la Défense russe, Alexandre Fomine, à l’issue des discussions. 

Le chef de la délégation russe et représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, a fait état de «discussions substantielles» et dit que les propositions «claires» de l’Ukraine en vue d’un accord seront «étudiées très prochainement et soumises au président» Vladimir Poutine. Selon lui, une rencontre des dirigeants ukrainien Volodymyr Zelensky et russe Vladimir Poutine, et de représentants d’Etats garants, serait possible en cas d’accord pour mettre fin aux hostilités. «En ce qui concerne une rencontre des deux présidents, nous avons dit depuis le début qu’elle sera possible lorsqu’il y aura un accord (...) La rencontre pourrait être multilatérale, avec la participation d’Etats garants », a-t-il dit. «Après la discussion substantielle d’aujourd’hui, nous nous sommes entendus et proposons que la rencontre se fasse pour parapher l’accord», a-t-il dit. «A condition d’ (effectuer) un travail rapide sur l’accord, et de trouver les compromis nécessaires, la possibilité de conclure la paix se rapprochera», a dit M. Medinski. 

Dans une deuxième déclaration à la télévision russe, il a qualifié l’approche ukrainienne de «constructive», et indiqué que la Russie lui «donnera une réponse». Selon lui, un éventuel accord serait signé par les chefs des diplomaties des deux pays, en présence des chefs d’Etat des deux pays.  Peu après la fin des pourparlers, les Pays-Bas, l’Irlande, la Belgique et la République tchèque ont annoncé successivement expulser des diplomates russes soupçonnés d’espionnage

Méfiance des Occidentaux

De leur côté, les dirigeants britannique, américain, français, allemand et italien ont mis en garde lors d’une conversation téléphonique, contre tout «relâchement de la détermination occidentale» face à l’intervention russe en Ukraine, selon Downing Street. Boris Johnson, Joe Biden, Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi «sont convenus qu’il ne pouvait y avoir aucun relâchement de la détermination occidentale tant que l’horreur infligée à l’Ukraine ne serait pas terminée», a indiqué un porte-parole du Premier ministre britannique dans un communiqué. 

Plus tôt, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a émis des doutes quant à la crédibilité de ces négociations. «Je n’ai rien vu qui puisse suggérer qu’il y a un véritable mouvement parce que nous n’avons pas vu de signes de réel sérieux de la part de la Russie», a déclaré le chef de la diplomatie américaine, en visite au Maroc, lors d’une conférence de presse. «Mais si l’Ukraine considère qu’il y en a (du mouvement), c’est bien et nous soutiendrons cela», a-t-il toutefois nuancé. «Il y a ce que dit la Russie et ce que fait la Russie. Nous nous concentrons sur ce qu’elle fait», a affirmé le diplomate, estimant que les Ukrainiens négocient avec «un pistolet littéralement sur leurs têtes». «Ce que fait la Russie, c’est de continuer à brutaliser l’Ukraine et sa population, c’est le cas au moment où nous parlons», a-t-il poursuivi, exhortant la Russie à «mettre fin à son agression maintenant et à retirer ses troupes». Auparavant, le ministre des Affaire étrangères turc Mevlüt Cavusoglu a salué les «progrès les plus significatifs» enregistrés depuis les débuts de ces pourparlers. 

Pour sa part, le président Poutine a affirmé que les forces ukrainiennes défendant le port stratégique de Marioupol, assiégé depuis des semaines par les troupes de Moscou, doivent se rendre pour permettre de venir en aide aux civils sur place. «Pour trouver une solution à la situation humanitaire difficile dans cette ville, les combattants nationalistes ukrainiens doivent arrêter de résister et déposer les armes», a-t-il indiqué, selon un communiqué du Kremlin un échange téléphonique avec son homologue français Emmanuel Macron.

Washington veut viser encore plus la capacité de Moscou à faire la guerre

Les Etats-Unis, après avoir déjà sanctionné l’industrie de défense de la Russie, envisagent de viser d’autres secteurs participant à l’effort de guerre mené par le Kremlin en Ukraine, a déclaré hier un responsable du ministère américain de l’Economie, relayé par l’AFP. «Nous prévoyons de cibler des secteurs qui sont essentiels à la capacité du Kremlin à faire fonctionner sa machine de guerre», a affirmé le secrétaire adjoint au Trésor, Wally Adeyemo, selon le texte d’un discours qu’il devait prononcer au think-tank Chatam House à Londres. L’idée est de «saper la capacité de la Russie à construire et à entretenir (ses) outils de guerre», a expliqué le responsable. «En plus de sanctionner les entreprises dans les secteurs qui permettent les activités malveillantes du Kremlin, nous prévoyons également de prendre des mesures pour perturber leurs chaînes d’approvisionnement», a-t-il précisé. «Maintenant que nos actions ont émoussé la capacité de la Russie à utiliser les actifs de sa Banque centrale pour soutenir son économie et financer la guerre brutale de Poutine, nous allons de plus en plus concentrer nos efforts sur les secteurs permettant à la Russie de projeter sa puissance (...)», a souligné W. Adeyemo. Les sanctions additionnelles seront prises «en coordination» avec les autres pays mettant aussi en oeuvre des mesures à l’encontre de Moscou, a indiqué le responsable.  R. I. 

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