Israël a ainsi mobilisé des dizaines de véhicules blindés, des bulldozers militaires, des drones et des hélicoptères Apache.
La guerre se déplacerait-elle à Jénine ? A peine les accords de cessez-le-feu mis en œuvre à Ghaza après plus d’une année d’une guerre génocidaire menée par l’armée d’occupation israélienne contre les Palestiniens de Ghaza, que la ville de Jénine, connue pour être l’un des bastions de la résistance, est sous le feu de l’armée sioniste. Dénommée «Iron Wall» (le mur de fer), cette nouvelle incursion mobilise un impressionnant arsenal militaire.
L’intervention a suivi une opération menée par les forces de l’Autorité palestinienne contre les groupes armés qui se battent contre Israël à partir de Jénine, initialement menée pour affermir le contrôle de Mahmoud Abbas en Cisjordanie. Après les affrontements entre des groupes armés et la police palestinienne, l’Autorité palestinienne avait annoncé qu’un accord avait été trouvé avec ces groupes pour mettre fin aux combats. L’opération israélienne survient quatre jours à peine après la conclusion de cet accord.
Israël a ainsi mobilisé des dizaines de véhicules blindés, des bulldozers militaires, des drones et des hélicoptères Apache. Le dernier bilan faisait état de 10 morts et 35 blessés, selon le ministère de la Santé palestinien.
L’armée israélienne a prétendu hier avoir «frappé plus de dix terroristes» au cours de l’opération. Le chaos s’est intensifié lorsque les ambulances, bloquées par les forces israéliennes, n’ont pas pu atteindre les zones touchées. «Il y a trop de blessés pour être comptés, et nous ne pouvons pas les atteindre», a déclaré Fawwaz Hammad, directeur de l’hôpital El Razi.
Les bulldozers ont détruit des routes principales, notamment aux abords des hôpitaux, rendant presque impossible l’acheminement de l’aide humanitaire. Les habitants se trouvent aujourd’hui pris au piège dans un véritable état de siège, sans accès aux services de base.
Le maire de Jénine, Muhammad Jarar, a confirmé que les forces israéliennes ont ordonné par haut-parleurs le déplacement de nombreux habitants. Les résidents des quartiers de la rue Mahyoub, de Jabal Abu Dhahir et d’autres zones ont été forcés de quitter leurs maisons pour rejoindre Wadi Burqin, située à l’ouest de la ville. Des municipalités voisines, comme celles de Burqin, Kafr Dan et Arrabeh, ont mobilisé des véhicules pour transporter ces familles en exil.
Hier encore, pour le deuxième jour consécutif, quelque 200 personnes étaient retenues dans la cour d’un hôpital, selon le gouverneur de la ville. «La situation est très difficile. L’armée d’occupation a rasé au bulldozer toutes les routes menant au camp de Jénine et à l’hôpital», a déclaré à l’AFP le gouverneur de la ville, Kamal Abu Rub. «Il y a des tirs et des explosions.
Un avion survole la zone, et environ 200 personnes sont coincées dans la cour de l’hôpital de Jénine et ne peuvent pas sortir», a-t-il ajouté, précisant qu’environ 20 personnes avaient été arrêtées. Selon l’agence palestinienne Wafa, l’agence de presse officielle palestinienne, les forces israéliennes ont intensifié leurs arrestations dans plusieurs gouvernorats, dont Jénine, Ramallah, Bethléem et Tulkarem.
Plus de 25 personnes ont été arrêtées hier, tandis que des maisons ont été perquisitionnées, endommagées et pillées. La Commission des détenus et ex-détenus a dénoncé des actes de vandalisme et des abus systématiques perpétrés par les forces d’occupation.
L’opération «Iron Wall» semble s’inscrire dans une politique de contrôle total sur la Cisjordanie occupée. Depuis octobre 2023, le nombre de check-points et de portails de fer a augmenté de manière spectaculaire, atteignant 898. Ces barrières, combinées à des restrictions de circulation, transforment les localités palestiniennes en enclaves isolées, restreignant drastiquement la liberté de mouvement des habitants.
Pour les autorités israéliennes, cette opération viserait à protéger les colonies juives (illégales, est-il important de noter) en Cisjordanie. «Nous ne permettrons plus que la vie de nos citoyens soit menacée par des terroristes», a affirmé le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, tout en soulignant que l’opération vise à éliminer les infrastructures hostiles dans la région. Sur la scène internationale, les critiques se multiplient face à ce que beaucoup qualifient de violations flagrantes du droit international.
Le Conseil des relations américaines-islamiques (CAIR) a publié un communiqué t dénonçant des «crimes de guerre». «Tirer sur des enfants à Ghaza, laisser des colons semer le chaos en Cisjordanie et transformer Jénine en une nouvelle Ghaza : ce sont les derniers crimes du gouvernement Netanyahu», a déclaré le CAIR, appelant les États-Unis à intervenir.
«Le camp de réfugiés est déjà presque inhabitable»
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, s’est dit «très inquiet», appelant Israël «à faire preuve d’une retenue maximale et à utiliser la force mortelle uniquement quand elle est absolument inévitable pour protéger des vies».
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, Francesca Albanese, a mis en garde contre la possibilité qu’Israël commette un génocide en Cisjordanie similaire à celui qu’elle a perpétré dans la bande de Ghaza. «Les crimes génocidaires commis contre les Palestiniens ne se limiteront pas à Ghaza s’ils ne sont pas forcés de cesser», a écrit Albanese dans un message publié hier sur les réseaux sociaux dans lequel elle a commenté l’agression lancée par les forces d’occupation contre la ville de Jénine et son camp en Cisjordanie occupée.
Parallèlement, l’UNRWA, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, tire la sonnette d’alarme. Roland Friedrich, son directeur pour la Cisjordanie, a affirmé que les nouvelles restrictions imposées par Israël compromettent gravement les opérations humanitaires. «Le camp de réfugiés de Jénine est déjà presque inhabitable, et les mesures envisagées risquent d’aggraver encore la situation», a-t-il prévenu.
La communauté internationale est appelée à agir, mais les divisions géopolitiques rendent toute intervention concrète incertaine. Pendant ce temps, à Jénine, les cris des familles endeuillées et les échos des bombardements continuent de résonner, rappelant tragiquement le prix humain de la guerre.
Jénine, et en particulier son camp de réfugiés, est régulièrement la cible d’opérations militaires israéliennes contre des membres ou des dirigeants de groupes armés. Ces derniers mois, les opérations se sont succédé, laissant des quartiers entiers coupés les uns des autres, notamment parce que l’asphalte de certaines routes a été éventré par des bulldozers israéliens.
Depuis le début de la guerre contre Ghaza, et même avant, les Palestiniens de Cisjordanie ont été victimes d’exécutions sommaires, de passages à tabac, d’incendies de maison, de destructions de fermes, de saccages de terres, d’arrestations arbitraires… Les colons israéliens n’ont lésiné sur aucun moyen pour chasser les Palestiniens (musulmans et chrétiens) de Cisjordanie.
Entre le 7 octobre 2023 et le 7 octobre 2024, 1654 attaques contre des civils palestiniens, perpétrées par des colons, ont été répertoriées dans les territoires palestiniens, soit presque cinq par jour, selon l’OCHA, le bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires. Au moins 722 Palestiniens ont été tués «dans le contexte de l’occupation» sur la même période à Jérusalem-Est et dans les territoires, précise l’organisme onusien. Profitant du chaos causé par la guerre à Ghaza, les implantations israéliennes ont proliféré à un rythme effréné en Cisjordanie.
Pour rappel, Israël avait annoncé la construction de milliers de logements dans les colonies de peuplement de Cisjordanie. La pratique sioniste consiste à démolir des maisons appartenant à des Palestiniens dans les territoires occupés, selon l’OCHA, environ 95% des démolitions ont eu lieu dans les camps de réfugiés de Jénine, NurShams et Tulkarem, en Cisjordanie occupée.
En tout et pour tout, plus de 100 enfants tombés en martyrs en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre 2023, a indiqué l’OCHA. Mais la situation s’est aggravée ces dernières semaines à cause des frictions entre les Palestiniens eux-mêmes. L’Autorité palestinienne a lancé, il y a quelques jours, une offensive controversée, baptisée «Opération pour protéger la patrie», contre les Brigades de Jénine.
Cette action, qui vise à instaurer son autorité face aux factions armées, a conduit à des arrestations massives. Il y a même des accusations de torture et d’abus ternissent l’opération et l’image de l’Autorité palestinienne. Selon les analystes, cette initiative trouverait ses racines dans les craintes de l’Autorité palestinienne de subir un scénario similaire à la chute du régime syrien, tombé sous les coups de Hayat Tahrir Al Sham.
A l’intérieur du camp, plusieurs manifestations ont été organisées en soutien aux factions rebelles, selon Al Jazeera. Autre démarche controversée : l’Autorité palestinienne a suspendu les activités de la chaîne Al Jazeera en Cisjordanie, l’accusant de «désinformation» et «incitation à la sédition». La chaîne avait diffusé des reportages critiques à l’égard de l’Autorité palestinienne, notamment sur la mort de la journaliste Shatha El Sabbagh, tuée lors d’une opération des forces de sécurité palestiniennes.
Il est à noter que la Cisjordanie a vu émerger ces dernières années une nouvelle génération de groupes armés autonomes, qui ne sont affiliés à aucune organisation. Ils sont souvent opposés aussi bien au Hamas qu’à l’Autorité palestinienne, discréditée à leurs yeux. Ce sont ceux-là qui sont aujourd’hui dans le viseur de l’armée d’occupation.