Les représentants de l’Afrique du Sud, de Cuba, du Yémen, du Venezuela, de la Namibie et du Zimbabwe ont fait front, hier, autour de l’ambassadeur de l’Etat de Palestine à Alger, Fayez Abou Aïta, au Forum d’El Moudjahid, pour exprimer avec force leur soutien au peuple palestinien, tout en saluant avec ferveur l’action sud-africaine devant la CIJ.
Cela prenait les allures d’une conférence internationale du Sud Global sur la Palestine. De fait, les ambassadeurs de pas moins de six pays d’Afrique, d’Amérique latine et du monde arabe se sont retrouvés hier au Forum d’El Moudjahid pour une conférence de solidarité avec le peuple palestiien.
Cette édition exceptionnelle du Forum avait dès lors une saveur particulière, rappelant la grande époque des décolonisations dans les années 1960-1970 et l’effervescence des mouvements de libération qui tous avaient des bureaux à Alger, ce qui vaudra à la capitale algérienne le surnom de «Mecque des révolutionnaires», selon la formule flatteuse d’Amilcar Cabral. Il y avait, oui, un peu de cette ardeur militante hier, au 20 rue de la Liberté.
Et c’était beau à voir, cet aréopage de diplomates du Tiers-monde faisant bloc autour de l’ambassadeur de l’Etat de Palestine, conduits par le représentant de l’Afrique du Sud, pays qui s’impose comme la locomotive de l’action juridique contre l’apartheid sioniste et sa campagne génocidaire à Ghaza.
Dans le détail, il y avait donc dans la salle l’ambassadeur de Palestine à Alger, Fayez Abou Aïta, accompagné du premier conseiller de l’ambassade, Bachir Abou Hatab ; le chargé d’affaires de l’ambassade d’Afrique du Sud, Sello Patrick Rankhumise ; l’ambassadeur de Cuba Armando Vergara Bueno ; l’ambassadeur du Venezuela, Juan Bautista Arias Palacio ; l’ambassadrice de Namibie, Panduleni-Kaino Shingenge ; l’ambassadeur du Yémen, Ali Mohamad Al Yazidi ; l’ambassadeur du Zimbabwe, Vusumuzi Ntonga ainsi qu’un représentant de l’Angola.
Notons également la présence d’un représentant du ministère des Affaires étrangères et un autre de l’APN, sans oublier notre ami Mohamed Abbad, président de l’association Mechaâl Echahid, le précieux et fidèle partenaire du Forum.
«Le siège de Ghaza en soi est un génocide»
Ouvrant solennellement la conférence, l’hôte de cette honorable assemblée, Brahim Takheroubt, directeur général d’El Moudjahid, a prononcé une courte allocution. «Le Forum d’El Moudjahid est honoré d’initier et d’accueillir cette conférence de solidarité avec le peuple palestinien qui subit une guerre génocidaire», a-t-il souligné.
Cette initiative se veut «un soutien au peuple palestinien en lutte pour ses droits et un moyen de pression sur le colonialisme sioniste», poursuit Brahim Takheroubt. Cet événement, insiste le directeur d’El Moudjahid, s’inscrit en droite ligne de la position constante de l’Etat et du peuple algériens «dans leur soutien inconditionnel à la cause palestinienne».
Lui emboîtant le pas, l’ambassadeur de Palestine, Fayez Abou Aïta, attire d’emblée l’attention sur le timing de cette conférence, qui fait suite au «pas historique franchi par l’Afrique du Sud en saisissant la Cour internationale de justice contre l’entité sioniste pour génocide commis à l’encontre du peuple palestinien». «Cette plainte constitue une étape historique pour la cause palestinienne», se félicite l’ambassadeur palestinien.
La CIJ, estime M. Abou Aïta, est devant «un véritable test». Il regrette que les 17 juges de la Cour basée à La Haye ne soient pas allés plus loin. «Nous aurions souhaité que la CIJ ordonne l’arrêt immédiat des massacres», dit-il. Il revient toutefois pour insister sur l’importance des ordonnances d’urgence émises par cette juridiction des Nations unies. «Nous pouvons construire dessus», glisse-t-il.
«Le simple fait d’avoir examiné cette plainte est une reconnaissance qu’il y a des crimes de masse qui méritent d’être étudiés et de statuer à leur égard.» Fayez Abou Aïta appelle la communauté internationale à agir sur la base de ces décisions qui, rappelle-t-on, obligent Israël à «prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide».
La CIJ a ordonné également de «prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent». Il y a en effet urgence à «sauver les civils palestiniens isolés après avoir subi un siège épouvantable de près de quatre mois», alerte le diplomate palestinien.
«Ce blocus en soi est le plus grand crime de génocide», martèle-t-il. «Dans le gouvernorat de Rafah, il y a près de deux millions de personnes entassées au milieu d’un froid glacial. Sans les bombardements et les pilonnages de l’artillerie, rien que le fait de végéter dans des conditions aussi affreuses (…) est un crime de génocide.» «Et cette machine de guerre dévastatrice est soutenue par les Etats-Unis», dénonce Fayez Abou Aïta.
«Punir l’UNRWA, c’est punir tout le peuple palestinien»
L’ambassadeur palestinien a tenu en outre à saluer la position de l’Algérie en déclarant : «Je remercie avec ferveur l’Algérie, ce pays frère, pour sa position immuable et son soutien indéfectible à la cause palestinienne.»
Et de lancer : «Nous apprécions hautement les instructions du président Abdelmadjid Tebboune adressées à la représentation permanente de l’Algérie aux Nations unies en vue de convoquer une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, afin de donner un caractère exécutoire aux décisions de la Cour internationale de justice.» «Les efforts déployés par l’Algérie au Conseil de sécurité apportent une contribution qualitative au service du peuple palestinien», appuie-t-il.
Rendant hommage une nouvelle fois à l’Afrique du Sud, M. Abou Aïta relève la convergence des luttes portées par Yasser Arafat et Nelson Mandela, qui ont défendu avec ardeur, dit-il, «les valeurs de justice et de liberté et ont combattu l’oppression».
A la fin de son intervention, l’ambassadeur de Palestine n’a pas manqué d’évoquer les attaques que subit l’Unrwa et la décision de plusieurs pays occidentaux de couper les vivres à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens.
«Je condamne avec énergie l’attitude de certains pays qui soutiennent de façon criante l’occupant sioniste, à leur tête les Etats-Unis qui ont pris position contre l’Unrwa», assène-t-il. «Mais punir l’Unrwa, c’est infliger une punition collective à tous les Palestiniens alors qu’ils ont cruellement besoin de son aide», plaide Fayez Abou Aïta.
«Une victoire décisive du droit international»
Le chargé d’affaires de l’ambassade d’Afrique du sud à Alger, Sello Patrick Rankhumise, prend ensuite la parole, un keffieh palestinien sur les épaules. M. Rankhumise est revenu sur la démarche sud-africaine en précisant que l’action de Pretoria était fondamentalement mue par le silence et l’inertie de la communauté internationale malgré l’ampleur des violences et des crimes de guerre israéliens dans des proportions génocidaires.
L’Afrique du Sud constatait que le peuple palestinien «est en grand danger», affirme le conférencier, et c’est ce qui l’a poussé à agir. Pour le représentant de l’Afrique du Sud, les mesures d’urgence prononcées par la CIJ constituent «une victoire décisive du droit international».
Et bien qu’il faut encore attendre l’examen sur le fond de la plainte, le fait même qu’il y ait «présomption de génocide» constitue déjà une avancée significative, indique-t-il en substance. «C’est une décision d’une extrême importance» insiste-t-il.
A présent, «le Conseil de sécurité doit agir sur la base de l’article 41, alinéa 2 (de la Charte des Nations unies, ndlr) pour exécuter ces mesures», préconise le diplomate sud-africain. Sello Patrick Rankhumise a attiré également l’attention sur le fait que les Etats qui soutenaient aveuglément Israël sont tenus de reconsidérer leur position à la lumière de cette ordonnance de la CIJ.
C’est qu’il est désormais établi qu’«il y a un réel danger de crime génocidaire qui menace le peuple palestinien». Dès lors, la communauté internationale est dans l’obligation morale et juridique de s’assurer qu’il n’y aura pas violation de la Convention de 1948 sur le génocide, ce traité en vertu duquel elle s’est engagée à ne plus laisser se produire des atrocités de grande ampleur.
«Tous les pays doivent s’abstenir d’aider Israël dans ses crimes», proclame le chargé d’affaires sud-africain, avant de faire remarquer : «Il n’existe aucune preuve documentée fournie par Israël qui montre que son action est conforme au droit international.»
Sello Patrick Rankhumise clôt son intervention par ces paroles de Nelson Mandela : «Notre liberté ne sera complète qu’avec la libération de la Palestine.» Et le représentant de l’Afrique du Sud de formuler ce serment : «Nous allons donc continuer à œuvrer afin de préserver l’existence du peuple palestinien et de l’aider à arracher son droit à l’autodétermination.»