Plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ : Les preuves incontestables d’un génocide en direct avec préméditation

13/01/2024 mis à jour: 06:44
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Durant trois heures, un à un, les six conseillers juridiques constitués par l’Afrique du Sud ont, de manière fluide et irréfutable, accablé Israël d’un chapelet d’accusations, particulièrement des actes de génocide, en demandant à la CIJ (Cour internationale de justice), organe juridique de l’Onu, présidée par la juge Joane Donoghue, devant laquelle ils ont plaidé jeudi dernier  «l’ordre de cesser de tuer et de causer de graves atteintes mentales et physiques au peuple palestinien à Ghaza, de cesser de lui imposer délibérément des conditions de vie destinées à entraîner sa destruction physique en tant que groupe, et de permettre l’accès à l’aide humanitaire». 

Des faits, qui constituent selon les avocats, des crimes de génocide contre lesquels ils ont déposé une requête devant la CIJ, et dont la première étape, qui consiste à y mettre un terme, a suscité la programmation de l’audience pour jeudi et vendredi derniers. Lors de la première audience transmise en direct sur le site de l’Onu et de la CIJ, les avocats constitués par l’Afrique du Sud se sont répartis les tâches et chacun a axé sa plaidoirie sur un thème précis ne laissant rien au doute. 

L’équipe comprend l’avocat principal, Adila Assim, qui a fourni une vue d’ensemble sur «le risque génocidaire dans la vulnérabilité perpétuelle», l’avocat général Tmabergan Gougaitobi qui a axé sur les «intentions génocidaires», l’avocat principal John Duguart s’est étalé sur ce que les Anglais appellent la «Prima facie», qui signifie qu’au premier examen, une affirmation semble évidente à partir des faits, l’avocat principal Mags Duplisses qui a abordé les différents droits actuellement menacés, le conseil du Roi, Blinney Criwell,  qui a plaidé l’argument du préjudice irréparable potentiel, le conseil du Roi Vergan s’est exprimé sur les mesures provisoires. Appuyées par des projections de vidéos, certaines interventions enlèvent tout doute sur la culpabilité d’Israël. 

C’est le cas de la plaidoirie de Me Adila Assim, qui a en 20 minutes passé en revu tous les actes, qui selon elle, constituent les éléments sur lesquels reposent les accusations de génocide, ainsi que défini par la Convention internationale de lutte et de prévention contre ce crime. 

Elle évoque les bombardements sans arrêt ciblant la population, dans les maisons, les mosquées, les écoles, les églises et même sur la route choisie par Israël, comme itinéraire de refuge pour les habitants. 6000 bombes par semaine étaient larguées sur la population (…) Les responsables onusiens ont bien déclaré qu’aucun endroit à Ghaza n’était sûr. 

«De nombreux Palestiniens ont été sommés de quitter les lieux (…) ces actes constituent une ligne de conduite pour tout détruire (…) y compris des hôpitaux (…) et rien que cet ordre est en lui-même un acte de génocide», dit-elle. Pour l’avocate, le fait «qu’aucune aide humanitaire n’a été autorisée» à entrer, à Ghaza, est «calculé  dans le but d’entraîner la destruction de la population». Selon elle,  «la destruction de 350 000 logements a pour but d’empêcher le retour des habitants chez eux (...) C’est un déplacement en masse. Les destructions sont fêtées  par des soldats israéliens qui se filment en train de bombarder, dans les endroits détruits». 

L’avocate précise que 85% de la population souffrent d’un niveau critique de la faim, ce qui représente 80% de la population mondiale en situation de famine et Israël refuse toujours que l’aide humanitaire arrive à Ghaza. Elle rappelle que pour la 5e fois, une mission d’acheminement est bloquée. «Les camions qui doivent passer sont pris d’assaut par une population affamée, ceux qui passent n’arrivent pas à destination. Il n’y a plus d’eau propre pour boire ou se laver. 

Depuis le 7 octobre, les maladies ont connu une hausse de 2000 % et celles qui n’ont pas été traitées ont conduit à la mort.» Me Assim met en garde contre «la violence contre la productivité», qui selon elle, empêche les femmes enceintes sur le point d’accoucher ou ayant accouché  d’accéder aux soins. «Ce sont des actes qui entravent la procréation et empêchent même les nouveau-nés ou les prématurés à vivre, faute de soins nécessaires. Ils constituent une ligne de conduite planifiée et relèvent l’intention génocidaire.» 
 

Israël tue et blesse des enfants

Israël utilise des armes à grande échelle, désigne des zones sûres ensuite les bombarde. «Il détruit, tue et blesse volontairement des enfants (…) cible les convois humanitaires, des abris surpeuplés et  des humanitaires.» Me Assim souligne  aux magistrats que «les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, mais la Cour a 13 semaines de preuves qui justifient le génocide. Les faits sont parlants», puis conclut : «Nous espérons que la Cour n’hésitera pas à prendre des mesures conservatoires. 

Chaque jour, les morts s’accumulent, les destructions s’intensifient. Les images qui nous parviennent sont insoutenables. Mettez un terme  à ces souffrances dues aux pertes humaines qui vont se poursuivre. Le Premier ministre israélien a déjà annoncé son intention de poursuivre au moins pour un an.» Lui succédant à la barre, Me Blinne Ni Ghralaigh affirme d’emblée qu’il «n’y a plus d’espace sûr à Ghaza». «Le monde devrait avoir honte. Ces actes sont diffusés en direct depuis Ghaza sur nos téléphones, ordinateurs et écrans de TV.  C’est le premier génocide de l’histoire où les victimes diffusent leurs propres destructions en temps réel, dans  le désespoir jusqu’à présent, en vain,  afin que le monde puisse faire quelque chose.»

 Pour l’avocat, «Ghaza ne représente rien de moins qu’un échec moral qui a des répercussions non seulement sur les populations mais aussi sur les générations futures qui n’oublieront jamais ces 90 jours d’enfer et d’assaut sur les principes les plus élémentaires de l’humanité. Le monde devrait avoir absolument honte, le monde devrait être absolument indigné». L’avocat rappelle : «Les 75 ans d’apartheid, les 56 ans d’occupation et les 16 ans de siège imposé à Ghaza, décrit par l’Unrwa, agence onusienne,  comme  un silencieux tueur de personnes, les discours de haine et déshumanisants visant les Palestiniens, illustrent l’échec du système international à empêcher le génocide à Ghaza.» 

Le ministre de la Justice sud-africain, Ronald Lamola, affirme que les Palestiniens subissent depuis 76 ans «une opération systématique d’oppression et de violence. Depuis au moins 2004,  Israël continue d’exercer un contrôle sur l’espace aérien, les eaux territoriales, la terre, l’électricité et l’infrastructure civile ainsi que les principales fonctions gouvernementales, l’entrée et la sortie de Ghaza. Israël est toujours considéré par la communauté internationale comme autorité occupante. 

L’Afrique du Sud a condamné les attaques de Hamas, des autres groupes armés palestiniens et la prise d’otages du 7 octobre. Mais aucune attaque même impliquant des crimes d’atrocité ne peut fournir une justification à la réponse d’Israël, au 7 octobre, qui a franchi la ligne et donné lieu à des violations de la convention contre le génocide (…) Ce qui se passe à Ghaza n’est pas un simple différend. La communauté internationale a laissé tomber les Palestiniens pendant longtemps et nous cherchons à mettre fin au génocide. Les hommes, les femmes et enfants de Ghaza appartiennent à un groupe national ethnique et doivent être protégés. Nous exigeons que des mesures temporaires soient prises pour protéger les Palestiniens.  Israël a commis des actes qui s’apparentent à un génocide et le monde est témoin du déplacement de 85% des Palestiniens. 

La situation à Ghaza est sans précédent par son ampleur, sa portée, sa gravité et la rapidité de sa destruction. Cette affaire bénéficie d’un large soutien. 57 pays arabes et islamiques soutiennent le procès de l’Afrique du Sud contre Israël (…) parce qu’Israël n’a pas réussi à empêcher le génocide, mais a plutôt encouragé et incité à le commettre. Pretoria s’engage à prévenir le génocide et à protéger les droits de la population de Ghaza. La guerre d’Israël contre le Hamas ne nie pas son intention d’anéantir massivement la population de Ghaza. 

Le crime de génocide ne devrait pas bénéficier de l’immunité. Nous demandons à la Cour de s’appuyer sur son autorité pour protéger le peuple palestinien (…) Il est urgent de prendre des mesures temporaires pour protéger les Palestiniens à Ghaza (…) Nous espérons que la Cour rendra son verdict dans un délai raisonnable.» 

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