Auteur de plusieurs romans, à savoir Parfums d’une femme perdue, Les tranchées de l’imposture et Les rescapés de Pula, l’ex-journaliste et traducteur de l’APS, Saad Saïd, vient de faire paraître aux éditions El Qobia un autre ouvrage intitulé La Gloire des vaincus.
Ce corpus historique, dédié à la révolte d’El Mokrani, invite tout d’abord le lecteur à découvrir avec ravissement la ville d’Alger en 1872 avec son bouleversement du tissu urbain.
Bien documenté, le récit n’est pas moins poignant, note, dans sa préface, Abderrahmane Mekhlef, un ancien journaliste et auteur de nombre de romans, dont Un brin de menthe à l’oreille. Ainsi, à travers une compilation de documents et témoignages consignés dans de rares ouvrages, l’écrivain Saad Saïd s’est laissé aller à dépeindre certaines scènes de massacres de population lors de la révolte de 1871 d’El Mokrani. Ce soulèvement, durant lequel près de cent mille Algériens armés de haches, de couteaux et de pierres ont voulu chasser les chrétiens de leurs terres.
Ces événements, très durs à supporter, arrachent de très forts sentiments de compassion chez le lecteur, en même temps qu’ils exacerbent leur identification au combat des patriotes. L’œuvre romanesque est animée par deux personnages principaux : François, jeune journaliste parisien qui fait ses débuts à Alger et le jeune Amar, dont le rêve était de suivre l’exemple de son père combattant de la première heure contre l’occupant français. La trame, scindée en deux parties, offre une multitude de descriptions de la vie de l’époque, tant du côté des Européens que du côté des campagnards isolés, affamés et réduits à l’esclavage. Pour revenir à la trame de l’histoire, l’auteur retrace le parcours de François Duperey, un jeune Parisien qui, en 1870, débarque à Alger.
Ce dernier découvre La Casbah d’Alger et la ville européenne en plein chantier. Le jeune journaliste fraîchement diplômé est engagé par le journal Akhbar où il fait ses premiers pas. Il couvre avec brio plusieurs événements, comme l’arrivée des colons alsaciens après la défaite de Napoléon III contre la Prusse.
Plus tard, il est envoyé en Kabylie avec un détachement de l’armée pour assister au lancement de la construction d’une nouvelle agglomération coloniale : Mirabeau. Là, loin du faste d’Alger, loin de ses lumières et des discours politiques, il découvre, ahuri, la politique d’extermination menée sans témoins contre les Arabes réduits à la famine. Il s’indigne de la spoliation de leurs terres et surtout du massacre odieux de ceux qui ont osé se révolter.
Comme beaucoup de Français durant l’occupation, François se range du côté des Algériens et aussitôt de retour à Alger, il remet sa démission du journal. Il ne veut plus étaler des contre-vérités de la France coloniale qui lance à la face du monde : La France apporte la civilisation aux indigènes d’Afrique du Nord.
Il entreprend alors d’écrire un manuscrit sur l’Algérie authentique telle qu’observée lors de ses pérégrinations. Ses recherches le mèneront jusqu’à Nouméa. La plupart des chefs qui ont mené l’insurrection ont été envoyés en Nouvelle-Calédonie dans des bateaux prisons où se trouvaient «les communards» de Paris qui connurent le même sort.
Dans les bateaux se nouèrent des amitiés entre révoltés algériens et parisiens qui surmontaient l’obstacle de la langue pour communiquer. La Gloire des vaincus est un roman de 234 pages à lire absolument pour découvrir un pan important de l’histoire de l’Algérie au XIXe siècle. A l’occasion, nous nous sommes rapprochés de l’auteur qui a bien daigné répondre aux questions d’El Watan.