Les victimes de l’OAS sont nombreuses. Leur mémoire reste vivace chez leurs familles. Il y aurait eu quelque 3000 victimes de cette sinistre organisation. Saïd Chellouche, employé algérois originaire de Boumahni (Tizi Ouzou) fut l’un d’eux.
«Il a été assassiné le 21 février 1962 sur son lieu de travail situé à l’actuelle avenue du 1er Novembre à Alger, pas loin de la place des Martyrs (anciennement place du Gouvernement). Saïd Ali, autre nom de mon défunt oncle, est tombé au champ d’honneur lors d’une attaque menée par une horde de cette organisation criminelle qui l’avait d’abord repéré puis exécuté froidement de plusieurs balles dans le dos», raconte Saïd Chellouche, son neveu, qui s’est déplacé à la rédaction d’El Watan.
Cultivant la mémoire de son jeune parent, il précise que Le Journal d’Alger a fait écho à cet horrible attentat. Pour le jeune Saïd, la mémoire familiale retiendra qu’une semaine avant la funeste date, Saïd Chellouche était rentré dans son village pour rendre visite à sa famille, et avant de retourner à Alger, il rassembla les villageois pour «les rassurer et les encourager à rester forts et unis mais surtout vigilants car la guerre allait bientôt se terminer».
Né le 22 novembre 1943 au village Ichellouchene du aârch de Boumahni, commune de Aïn Zaouia, daïra de Draâ El Mizan (Tizi Ouzou), le chahid était le frère de deux sœurs et cinq frères, précise son parent. «Accompagné de son frère aîné Mohamed, lui aussi maquisard, Saïd avait fréquenté assidûment l’école dès son plus jeune âge, malgré les 9 km qui séparaient son village de la localité de Boghni qui, en cette période de fin des années 1940, offrait l’une des rares écoles de la région», détaille-t-il.
Et d’ajouter : «Son instruction, son intelligence et sa vivacité lui ont permis de se distinguer parmi les jeunes de sa génération et l’ont propulsé vers le militantisme clandestin, au service de l’ALN et du FLN. Le défunt faisait la liaison entre les membres de l’ALN de sa région natale, autour de Boumahni, Boghni et Maâtkas, et le bureau politique central du FLN à Alger. Son destin prit un tournant tragique à l’âge de 19 ans, à quelques mois seulement de la proclamation de l’indépendance le 5 Juillet 1962».
Le destin a voulu que le jeune Saïd ne voit jamais ce jour de gloire. «Notre héros fut ravi à la fleur de l’âge, à moins d’un mois du cessez-le-feu d’une période sombre où des forces hostiles et occultes s’opposaient à la libération de l’Algérie. Sa mort brutale plongea sa famille, notamment sa mère déjà veuve de son époux mort sous la torture, dans un silence assourdissant et incompréhensible. Un événement d’une telle injustice a laissé des cicatrices profondes dans sa famille et dans son entourage.
Soixante ans après ce drame, les langues commencent enfin à se délier. «Il a fallu du temps, mais aujourd’hui, la mémoire de Saïd Chellouche et d’autres héros tombés pour l’indépendance est honorée», se réjouit celui qui portera le nom de ce fier oncle.
En février 2022, à l’occasion du 60e anniversaire de son assassinat, la tombe du chahid a été rénovée et une cérémonie d’hommage solennel a été organisée par sa famille et les citoyens de son village, en présence des autorités locales de la commune de Aïn Zaouia.
«Lors de cet hommage, plusieurs personnes qui ont connu ou côtoyé le héros ont pris la parole et témoigné de son courage, de sa bravoure et de son parcours hors pair dans la lutte pour la libération du pays du joug colonial.
Mieux vaut tard que jamais, cette occasion, bien que douloureuse, offre une reconnaissance longtemps attendue à celui qui a payé le prix fort pour que l’Algérie soit libre et indépendante», note Saïd, précisant que la bibliothèque de son village porte également son nom. Un bémol toutefois : sa famille regrette qu’aucun édifice public ne porte son nom : «Les autorités publiques sont interpelées pour dédier un édifice, une rue ou un boulevard à sa mémoire et à son sacrifice».