La problématique de l’eau potable qui a connu une embellie indéniable pendant quelques années à Oran commence à montrer des signes d’essoufflement, en attendant la réalisation du nouveau projet de la station de dessalement de Cap Blanc (300 000 m3/j) dont la mise en service est prévue avant la fin de cette année 2024.
Un arrêt technique pour entretien de la station d’El Mactaa, la plus grande en termes de capacité théorique (500 000 m3/j mais jamais atteinte) survenu la semaine dernière, (c’est juste le dernier en date) et c’est tout le système d’approvisionnement qui a été perturbé, touchant la totalité du territoire de la wilaya.
Concernée à des degrés divers, la population ne s’est jamais autant plainte depuis qu’on a considéré dans la décennie 2000 que ce problème était définitivement réglé.
Les besoins ont fortement augmenté et le stress hydrique a fait le reste, poussant les gestionnaires de l’eau, le secteur de l’hydraulique, à privilégier une péréquation à dimension régionale pour plus d’équité dans l’accès à cette ressource vitale pour tout le monde.
N’ayant pas ou très peu de ressources propres, la ville-chef lieu a, depuis des décennies, été contrainte à aller chercher son eau en dehors de son territoire. C’était le cas avant l’indépendance du pays alors même que la ville ne comptait qu’environ 300 000 habitants.
Les projets de transfert d’eau étaient alors dirigés vers l’Ouest, la prise de la Tafna notamment. On a beaucoup investi dans les capacités de transport vers l’Ouest mais avec le temps, cette solution s’est vite avérée inadéquate.
En effet, quelques années après l’indépendance, on s’était rendu compte que la ressource était désormais beaucoup plus importante à l’est de la wilaya, notamment avec la réalisation du barrage de Gargar (construit vers la fin des années 1980 dans la wilaya de Relizane) et plus tard le Cheliff mais que les capacités de transfert n’étaient pas alors aussi importantes.
D’où les pénuries dont ont souffert les habitants d’Oran dans les années 1980 et 1990. A l’aube de la décennie 2000, les besoins étaient estimés à un peu plus de 300 000 m3/j mais aujourd’hui, ils ont quasiment doublé.
Les ressources locales sont insignifiantes, eu égard à l’importance des besoins, et se limitent au captage, à l’instar de la nappe de Bredéah (dans la daira de Boutlélis) dont l’eau était jadis de bonne qualité mais qui a fini, à cause d’une surexploitation, par devenir saumâtre, à cause des infiltrations, notamment à partir de la Sebkha.
La salinité a atteint 7g/l en 1999, selon certaines sources mais cette eau qui a été, dans un premier temps, mélangée avec des apports provenant toujours de la partie ouest du pays, a été consommée, faute de mieux, par les habitants et les citoyens relativement âgés, garde encore un goût amer.
Des canalisations vétustes
Des solutions ont été envisagées (captage en amont) mais au final, on s’est résigné à la doter d’une station de déminéralisation. Au manque d’eau, il faut ajouter la vétusté du réseau urbain des canalisations responsable de l’augmentation du taux des fuites, ce qui a nécessité dans les années 2 000 une opération de rénovation en faisant appel, d’abord pour son étude, à une société étrangère, Saur International, une filiale du groupe français Buygues à l’époque.
Plus récemment, ce sont les autres canalisations de transfert qui sont rendues responsables de la couleur brunâtre de l’eau qui coule dans les robinets, encore un problème de qualité cette fois qui a fini par toucher nombre de quartiers. Quoi qu’il en soit, dans le débat du début des années 1990, une réflexion a été menée par les autorités pour trouver des solutions au manque d’eau à Oran.
Le projet d’augmentation des capacités de transfert côté Est, par extension la multiplication des solutions de captage des eaux conventionnelles, a été posé sur la table en même temps que le recours au dessalement d’eau de mer.
Quand plus tard les moyens financiers l’ont permis, les deux options ont été prises en considération. En effet, en parallèle avec l’avancement du projet de transfert MAO à partir du barrage du Cheliff (livré en 2009), la première station de dessalement Kahrama, d’une capacité théorique de 90 000 m3, a été réalisée à Arzew et mise en service vers le milieu de la décennie 2000.
C’était aussi pour sécuriser l’approvisionnement de la zone industrielle autant en eau qu’en énergie. Mais c’est surtout celle d’El Mactaa mise en service au milieu de la décennie suivante qui allait être d’un grand secours pour Oran. Celle-ci sera suive par d’autres qui contribueront à alimenter Oran dont celle de Chatt El Hillal (wilaya de Ain Témouchent de 200 000 m3 de capacité) et celle de Mostaganem (150 000 m3/j). De moindre importance, les stations de Bousfer et des Dunes présentent une capacité cumulée avoisinant les 10 000 m3/j.
Le stress hydrique qui n’a pas cessé de s’aggraver au fil du temps a en quelque sorte donné raison à ceux qui privilégiaient la solution de dessalement, d’où par ailleurs les autres projets initiés sur le littoral national avant les 5 derniers qui sont en cours de réalisation. Seulement voilà, le risque de dépendre de la pluviométrie s’est déplacé vers celui de dépendre d’une technologie que le pays ne maîtrise pas encore, même si l’option est devenue obligatoire.
Néanmoins, l’expérience acquise jusque-là gagne à être capitalisée ne serait-ce que pour éviter les erreurs du passé et c’est ce qui est mis en avant. En effet, lors de sa dernière visite à l’usine de Cap Blanc dont le chantier de construction est pour la première fois pris entièrement en charge par des Algériens, une filiale de Sonatrach, le premier responsable de la compagnie nationale des hydrocarbures, qui s’est enquis de l’avancement des travaux en mettant en avant la spécificité de cette nouvelle station, a évoqué les contraintes vécues à El Mactaa.
Un arrêt technique pour entretien ou un incident survenu en cours de route ne devrait plus entraîner un arrêt total de la production, a-t-il insisté à dire, avant de revenir sur l’avantage qu’il y a avec les nouvelles stations qui sont conçues pour assurer une production continue même durant les phases d’arrêts techniques ou pour résoudre des problèmes liés à des incidents divers, les opérations d’entretien se faisant par parties avec la compartimentation des processus de production.
Dans sa globalité, le projet comporte également une partie aval avec près d’une cinquantaine de km de canalisation ainsi que deux grands réservoirs de capacité allant respectivement de 30 000 à 50 000 m3. L’équipe appelée à gérer l’usine bénéficiera d’une formation adéquate sur site au fur et à mesure de l’arrivée des équipements.
Des consignes ont d’ores et déjà été données pour gérer l’acquisition des membranes filtrantes qui représentent le cœur du processus de production d’eau potable. Pour Cap Blanc, il en faut 2500 mais si celles-ci peuvent être sujettes à l’entretien, il faut en revanche se préparer à terme à en changer entre 10% à 15% chaque année.
Le marché actuel est tel que les délais de livraison sont de 6 mois, avait-on prévenu. Il faudra donc s’y prendre à l’avance, tout en anticipant la période car le matériel est particulièrement sensible et ne s’accommode pas avec le stockage sinon, au besoin mais pas pour longtemps, pas plus de 22° C, apprend-on.
Une perturbation du marché et les déconvenues seront inévitables. Cet aspect renforce la notion de dépendance et c’est ce que les gestionnaires de la future station gagneront justement à éviter, comme il a été promis encore une fois, de régler définitivement le problème de l’eau potable à Oran.