Moscou contre l’instauration d’un espace exclusif

06/03/2022 mis à jour: 00:25
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Des Ukrainiens fuyant les zones de combat / Photo : D. R.

Mise en garde de Moscou et soutien de Washington aux Européens touchés par l’offensive russe en Ukraine, entrée hier dans son dixième jour. Une situation qui laisse inerte jusque-là la diplomatie quant à trouver une issue à un conflit qui fait de l’ex-République soviétique un terrain d’affrontement entre la Russie et l’Occident.

Le président russe, Vladimir Poutine, a prévenu hier que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, selon des propos recueillis par l’AFP. «Nous entendons qu’il serait nécessaire de mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire ukrainien.

Mais il est impossible de faire cela depuis le territoire ukrainien, c’est seulement possible de le faire depuis le territoire de pays voisins», a-t-il déclaré. Mais toute mesure en ce sens serait considérée par Moscou «comme une participation au conflit armé de tout pays» dont le territoire serait utilisé pour «créer une menace envers nos militaires», a-t-il ajouté.

Kiev a demandé à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) de mettre en place une zone d’exclusion aérienne en Ukraine pour neutraliser les capacités largement supérieures de la Russie dans les airs.

L’Alliance a refusé d’accéder à cette requête au motif que cela entraînerait un risque important de conflit direct avec la Russie, dont des militaires interviennent en Ukraine depuis le 24 février. Décision fustigée par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour qui une telle option signifie «donner le feu vert à la poursuite des bombardements sur des villes et villages ukrainiens».

En visite en Pologne, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a, pour sa part, salué hier l’effort de Varsovie pour accueillir les gens fuyant la guerre en Ukraine. «Le peuple polonais sait combien il est important de défendre la liberté», a-t-il déclaré après un entretien avec le ministre polonais des Affaires étrangères, Zbigniew Rau, à Rzeszow, près de la frontière avec l’Ukraine.

«La Pologne fait un travail vital en réponse à cette crise», a-t-il ajouté. Il a indiqué que la Maison-Blanche cherche à obtenir 2,75 milliards de dollars (2,51 milliards d’euros) pour apporter un soutien aux réfugiés et aux pays qui les accueillent depuis l’offensive russe.

S’exprimant aux côtés du secrétaire d’Etat américain, Z. Rau a déclaré que son pays resterait ouvert à tous ceux qui fuient la guerre en Ukraine. «L’agression russe en Ukraine a provoqué une crise humanitaire d'une ampleur inimaginable», a-t-il affirmé, ajoutant que la «priorité est d’organiser une aide efficace aux centaines de milliers, et bientôt aux millions de réfugiés».

Aussi, il s’est engagé à ne pas faire de discrimination entre les réfugiés de différentes nationalités, suite aux informations selon lesquelles des Africains et d’autres personnes fuyant l’Ukraine ont rencontré des problèmes à la frontière avec la Pologne. Comme il a accusé les forces russes de commettre des «crimes de guerre» en bombardant des zones résidentielles.

Après avoir rencontré A. Blinken à Rzeszow, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, a appelé à des sanctions plus sévères contre la Russie, qui soient «écrasantes, frappant directement la machine de guerre de Vladimir Poutine». Il a demandé que toutes les banques russes soient exclues du système de paiement Swift et que le gel des avoirs soit «aussi étendu que possible».

Le chef de la diplomatie américaine est arrivé samedi en Pologne, première étape d’une tournée auprès des alliés en Europe consacrée à la crise russo-occidentale sur l’Ukraine, afin de démontrer le soutien de Washington à leur sécurité.

Il est attendu en Moldavie, qui connaît également un afflux de réfugiés ukrainiens, et dans les trois Etats baltes (la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie) préoccupés par l’offensive russe. A Bruxelles vendredi, il a rencontré ses homologues de l’Otan et de l’Union européenne (UE) pour discuter de la possibilité d’accroître la pression sur la Russie et de renforcer le soutien aux réfugiés.

L’importance de Marioupol

Sur le plan militaire, les Ukrainiens ont reporté hier l’évacuation des civils du port stratégique de Marioupol, invoquant des violations du cessez-le-feu par les forces russes qui assiègent cette ville et avancent ailleurs dans le pays.

Annoncée dans la matinée, l’évacuation des civils de Marioupol a été reportée «pour des raisons de sécurité», car les forces russes «continuent de bombarder Marioupol et ses environs», a déclaré le maire de la ville, Vadim Boichenko, à la mi-journée. La prise de Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine, serait un important tournant dans le conflit.

Elle permettrait en effet, à l’est, la jonction entre les forces russes venues de la Crimée annexée, qui ont déjà pris les ports clés de Berdiansk et Kherson, et les troupes séparatistes et russes dans le Donbass. Le siège de Marioupol intervient alors que les forces russes se rapprochent de la capitale Kiev.

Le ministre de la Défense ukrainien, Oleksiï Reznikov, a admis que les Russes ont avancé dans plusieurs directions, tout en précisant qu’ils ne contrôlent qu’une «petite portion» de territoire. De son côté, le président Volodymyr Zelensky a annoncé que les forces ukrainiennes ont lancé une contre-attaque autour de Kharkiv (nord), la deuxième ville du pays.

L’armée russe, qui continue de bombarder intensément les alentours de Kiev, au nord-ouest et à l’est notamment, occupe depuis vendredi la centrale nucléaire de Zaporojie (sud), où des frappes de son artillerie, selon les Ukrainiens, ont provoqué un incendie, dont Moscou nie être à l'origine. En dix jours d’offensive, les Russes ont avancé dans le territoire ukrainien, mais n’ont jusqu’ici pris que deux villes clé, Berdiansk et Kherson, sur la côte sud de la mer Noire.

Selon le conseiller de la Présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak, un troisième round de négociations russo-ukrainiennes pourrait se tenir. Mais les chances de parvenir à des progrès paraissent extrêmement minces, le président Poutine ayant prévenu que le dialogue avec Kiev ne serait possible que si «toutes les exigences russes» sont acceptées. Celles-ci portent sur la garantie juridique que l’Ukraine et d’autres voisins de la Russie n’intégreraient jamais l’Otan.

Par ailleurs, la liste des entreprises se désengageant de Russie s’est encore allongée samedi. Le sud-coréen Samsung Electronics a suspendu ses exportations vers la Russie, où il contrôle un tiers du marché des smartphones, après le groupe américain de l’informatique Microsoft la veille.

Côté médias, l’agence de presse espagnole Efe et la chaîne de télévision publique italienne RAI ont déclaré suspendre leurs activités depuis la Russie en raison de la récente loi russe menaçant de lourdes sanctions pour toute diffusion d’«informations mensongères sur l’armée».

Plus tôt, les chaînes de télévision publique allemandes ARD et ZDF ont annoncé la suspension temporaire de leur couverture depuis Moscou, le temps d’«examiner les conséquences» de la récente loi russe. Les deux émetteurs publics «suspendent pour l’instant les reportages depuis leurs studios de Moscou», a indiqué un communiqué. Ils «continueront d’informer le public de manière exhaustive sur ce qui se passe en Russie et en Ukraine» depuis d’autres sites en dehors de la Russie.

Cette décision fait suite à celle d’autres médias internationaux de suspendre l’activité de leurs journalistes en Russie. L’agence Bloomberg News a annoncé vendredi qu’elle compte suspendre temporairement son «travail de collecte de l’information en Russie», selon son rédacteur en chef, John Micklethwait.

La nouvelle loi, signée vendredi par le président Vladimir Poutine, prévoit des peines de prison, pouvant aller jusqu’à 15 ans de détention, pour la propagation d’informations visant à «discréditer» les forces militaires et punit également tout appel à sanctionner Moscou.

La chaîne américaine d’informations CNN a également signalé suspendre la diffusion de ses programmes en Russie «le temps d’évaluer la situation». Un peu plus tôt, les radiotélévisions publiques britannique BBC et canadienne CBC/Radio Canada ont également annoncé la même décision. 

- Le Premier ministre israélien a rencontré Poutine

Le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a rencontré hier à Moscou le président russe, Vladimir Poutine, pour discuter de la guerre en Ukraine, pays envahi par l’armée russe. N. Bennett «vient de terminer une rencontre au Kremlin avec le président russe », a indiqué son porte-parole.

La visite du Premier ministre israélien est la première d’un dirigeant étranger après l’invasion du 24 février. Le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, était en Russie le lendemain de l’invasion, mais sa visite était prévue de longue date. R. I.

- Washington écarte l’idée d’une zone d’exclusion aérienne

Le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a écarté hier en Lettonie l’idée d’une zone d’exclusion aérienne en Ukraine, car cela signifierait «combattre activement» les forces russes, rapporte l’AFP.

«Si une zone d’exclusion aérienne était déclarée, quelqu’un devrait la faire respecter», a déclaré le plus haut gradé américain au cours d'une visite de quelques heures dans cet Etat balte, frontalier de la Russie.

«Il faudrait alors qu’on y aille et qu’on combatte activement les forces aériennes russes», a-t-il précisé à des médias locaux. «Ce n’est pas une chose que le secrétaire général de l’Otan (Jens) Stoltenberg ni aucun haut responsable politique des Etats membres a dit vouloir faire.» «Donc aujourd’hui, je ne suis au courant d’aucun projet d’instaurer une zone d’exclusion aérienne», a ajouté le général Milley, premier haut responsable américain à s’exprimer publiquement sur ce sujet. R. I.

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