Les précipitations enregistrées ces dernières semaines pourraient ramener le taux de remplissage des barrages à environ 42%. Avec ce volume, c’est encore le scénario des perturbations récurrentes dans la distribution d’eau potable de l’année dernière qui pourra se reproduire cet été, selon Mekki Messahel, professeur à l’ENSH de Blida et expert en ressources en eau. Dans cet entretien, il explique que la solution demeure dans la réalisation, dans les plus brefs délais, des Stations de dessalement d’eau de mer (SDEM), notamment au Centre et à Oran.
- Malgré des précipitations du mois de mars, le taux de remplissage des barrages reste moins important comparativement à la même période de l’année passée. Comment qualifiez-vous la situation ?
Actuellement, le taux de remplissage des barrages est de 39,5%, contre 44,26% durant la même période en 2021, et ce, bien que nous ayons enregistré des précipitations appréciables durant le mois de mars, très bénéfiques par ailleurs pour les agriculteurs. Malheureusement, le taux global de remplissage des barrages reste toujours assez faible pour certains bassins versants, exceptés ceux de la région Centre. Une nette amélioration est constatée par rapport au volume stocké au niveau des barrages de la région Centre, et ce, durant la même période de la saison précédente notamment.
Pour le Grand Alger, nous avons enregistré une nette amélioration : par exemple pour le barrage Taksebt (Tizi Ouzou), avec une capacité actuelle exploitable de 50,96 hm3/ 29,0 hm3, soit une augmentation de 7% par rapport à la même période de l’année dernière. Même situation pour le barrage de Keddara (Boumerdès), qui enregistre un volume appréciable de 40,19 hm3, une augmentation 23% pour les barrages de Boukourdane (Tipasa), Bourroumi (Blida) et Ghrib du Chelif, les augmentations restent assez faibles, ne dépassant pas les 10% par rapport à la même période de l’année précédente. Globalement, les taux de remplissage par région sont en augmentation de 15% pour la région Ouest et de +6,5% pour celle du Chelif. Par contre, les barrages des régions du Centre et de l’Est enregistrent respectivement une diminution de l’ordre de 6,5% et 20,5%.
- A ce volume s’ajoutent les capacités des usines de dessalement d’eau de mer, mais qui tardent à être opérationnelles…
La gestion rationnelle de la ressource demeure primordiale tant que les cinq stations de dessalement d’eau de mer prévues dans le programme initié par le président de République ne sont pas mises en service. Ajouter à cela, le programme d’urgence de réalisation des trois autres stations pour Alger (Bateau-cassé et El Marsa) et pour Boumerdès (Corso) ainsi que le programme de réhabilitation des stations de dessalement de Souk Tléta (Tlemcen), à l’arrêt depuis 2019, et El Mactâa (Oran) est un impératif pour la sécurité hydrique et subvenir aux besoins en eau de milliers de personnes de plusieurs communes.
- Comment voyez-vous alors la gestion et la distribution pendant cet été ? Le scénario de l’été dernier risque-t-il de se reproduire ?
Si la réalisation et la mise en service des stations de dessalement se fera en temps voulu, la situation sera résolue, sinon le scénario de 2021 se reproduira et ce sera peut-être pire. Les précipitations que nous sommes en train d’enregistrer, puisque l’on parle d’un avril relativement pluvieux, pourraient ramener le taux de remplissage des barrages à environ 42%. Cela reste des estimations, mais même avec ces estimations, c’est encore le scénario de distribution d’eau potable de l’année dernière qui se reproduira ou éventuellement pire. Car, il ne faut pas oublier la pollution des barrages qui s’ajoute à cette situation inquiétante. Nous devons réfléchir à des solutions réalistes et réalisables sur le terrain.
- Vous évoquez aussi la situation d’Oran. Une ville qui abritera, à partir du 25 juin prochain, la 19e édition des Jeux méditerranéens (JM). Comment peut-on répondre aux besoins de la population ?
Effectivement, ce qui m’inquiète c’est la ville d’Oran pour les Jeux méditerranéens. Le scénario dit «03» présenté par le ministre – selon lequel la station El Mactaâ, qui produit actuellement 250 000 m3 par jour, devra augmenter sa production, après la fin des travaux de réhabilitation, à 350 000, voire 370 000 m3 par jour – ne pourra pas, à mon avis, satisfaire Oran en été, particulièrement si cette station ne sera pas fonctionnelle, sachant que ces travaux de réhabilitation ont pris du retard. On pourrait satisfaire en eau la wilaya Oran à condition d’en priver Aïn Témouchent, Relizane et Mascara, mais ça c’est du bricolage !
Techniquement, même si le plan de transfert ou de réglage d’approvisionnement de ces wilayas vers Oran venait à être adopté, il faudrait d’abord penser à la réalisation de conduites et de station de relevage, chose qui ne peut être réalisable dans l’immédiat. C’est crucial comme problématique.
Propos recueillis par Nassima Oulebsir