A propos des voies de transport du gaz pour atteindre l’Europe, au cas où la production augmenterait de manière significative, le ministre insiste sur les capacités algériennes en matière de transport de GNL et de projets en cours de discussions pour relier l’Europe via des pipelines.
Alors que le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, cherche à travers plusieurs sorties médiatiques, en Espagne et à l’étranger, à désamorcer la crise avec l’Algérie par «le dialogue et la diplomatie», en vue d’avoir «la meilleure relation possible» avec notre pays, le rôle de l’Algérie, en tant qu’important fournisseur en gaz de l’Europe, est de plus en plus mis en exergue à travers plusieurs pays européens. Un rôle qui a été explicité par le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, dans un entretien accordé au magazine allemand Der Spiegel.
Les potentialités énergétiques de l’Algérie, ses relations avec ses clients traditionnels en Europe du Sud, mais aussi les attentes de son département en matière d’investissement, en vue d’exploiter les énormes réserves gazières du pays et satisfaire la demande de nouveaux clients en Europe, tel que l’Allemagne, ont été également mis en relief, ainsi que le potentiel solaire, dans le cadre de la transition énergétique à laquelle le pays aspire.
Mohamed Arkab a ainsi souligné que l’Europe a toujours été le marché traditionnel du gaz naturel de l’Algérie. «La majorité de nos exportations passent par deux pipelines vers l’Espagne et l’Italie. De plus, nous fournissons du GNL. Nous avons intérêt à étendre nos activités avec l’Europe et pouvons augmenter considérablement la production de gaz naturel en peu de temps. Environ la moitié de nos réserves de gaz n’a pas encore été exploitée», indique le ministre.
«La nouvelle loi sur les hydrocarbures encourage l’investissement»
A une question sur la possibilité de livraison de gaz algérien à l’Allemagne, Mohamed Arkab répond : «Si l’Allemagne veut nous acheter du gaz, alors investissez dans de nouveaux gisements avec nous. Comme les Italiens avec le groupe ENI. Nous avons un programme ambitieux de 39 milliards de dollars pour accroître la production dans le secteur pétrolier et gazier d’ici 2026. Sonatrach lèvera la majorité des investissements, et nous recherchons des partenaires pour le reste.»
A une question sur la législation liée à l’investissement en Algérie, le ministre de l’Energie souligne qu’en 2020, «une nouvelle loi sur la production de pétrole et de gaz naturel est entrée en vigueur. Nous y avons inclus des normes internationales pour les contrats, le partage de la production et les contrats à risque. Avant, les investisseurs devaient passer par diverses agences gouvernementales et c’était un peu opaque. Ils ont maintenant un interlocuteur clair et des processus simplifiés. Avec notre partenaire italien ENI, nous avons signé les premiers contrats dans le cadre de cette nouvelle loi».
Répliquant à une remarque sur des contrats en Algérie du russe Gazprom, Arkab relève que Gazprom est l’une des nombreuses entreprises étrangères présentes dans le pays, soulignant que «la société n’est actuellement engagée dans aucune production autre que l’exploration». Arkab ajoute que «l’Algérie est l’amie de tout le monde. Nous sommes un fournisseur fiable et sûr. Nous sommes libres de contracter avec des entreprises européennes, si c’est dans l’intérêt des deux parties. Bien sûr, nous ne pouvons pas servir toute la demande européenne, mais nous avons des capacités qui ne sont pas encore utilisées du tout. Nous voulons inviter les entreprises européennes à investir dans cette production».
A une question sur le conflit entre l’Algérie et l’Espagne dans le sillage du virage espagnol sur la question du Sahara occidental, et ses implications sur les contrats gaziers entre les deux pays, Mohamed Arkab déclare : «Nous avons prolongé les contrats avec l’Espagne et il n’y a eu aucun problème. L’Algérie honore ses obligations conventionnelles et les honorera toujours. Nous avons toujours été un fournisseur fiable pour l’Europe, même lorsque notre pays était en guerre (contre le terrorisme).»
S’agissant de la possible augmentation des prix du gaz pour l’Espagne, le ministre indique que «les contrats d’approvisionnement sont réévalués tous les trois ans, tant en volume qu’en prix. Nous avons récemment renouvelé les contrats avec l’Italie et augmenté la capacité. C’est maintenant au tour de l’Espagne. Le prix mondial du gaz suit le prix du pétrole, et lorsque le prix du pétrole augmente comme il le fait actuellement, le prix du gaz fait de même. Il est donc évident qu’une augmentation est en cours de discussion».
«Le gazoduc transsaharien, une autre voie de liaison avec l’Europe»
A propos des voies de transport du gaz pour atteindre l’Europe, au cas où la production augmenterait de manière significative, le ministre insiste sur les capacités algériennes en matière de transport de GNL et de projets en cours de discussions pour relier l’Europe via des pipelines, dont le Transsaharien.
«Nous avons des capacités d’exportation de GNL, et il y a aussi un projet de deuxième pipeline vers l’Italie qui est actuellement en attente. Le deuxième projet sur lequel nous travaillons actuellement est le pipeline transsaharien de 4000 kilomètres reliant le Nigeria, via le Niger, à l’Algérie. De nombreuses infrastructures ont déjà été créées en Algérie. Le gazoduc peut être achevé en trois ans et nous pouvons transporter 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz depuis le Nigeria.»
A propos du gaz de schiste, dont l’Algérie détient le troisième plus grand gisement au monde, et des possibilités de son extraction, Mohamed Arkab affirme : «Nous n’en sommes qu’à la phase d’évaluation. Pour l’instant, nous travaillons toujours sur du gaz conventionnel, 50% de nos réserves sont intactes. Il existe encore de nombreux gisements de gaz conventionnel inutilisés dans l’Ouest algérien, jusqu’à présent, nous avons travaillé presque exclusivement dans l’Est. Et nous avons deux grands gisements inexploités au large.»
Concernant la stratégie de l’Algérie en matière de transition énergétique, Mohamed Arkab indique : «Nous ne ferons pas l’erreur que nous avons commise il y a 10 ou 15 ans. Nous voulons investir les revenus de la vente de gaz dans la transition énergétique, qui est notre priorité. Mais pour les dernières technologies, nous avons besoin de partenaires. Nous avons construit le premier système photovoltaïque avec une participation allemande dans le sud de l’Algérie.
Et nous aimerions travailler avec l’Allemagne sur la production d’hydrogène vert. Nous pouvons devenir un partenaire dans les énergies renouvelables. L’Algérie a 3000 heures d’ensoleillement par an et nous avons l’espace nécessaire pour le photovoltaïque. Avec des lignes électriques sous-marines traversant la mer Méditerranée, nous pourrions fournir à l’Europe une énergie propre et renouvelable.»
La presse espagnole s’inquiète du rapprochement de l’Algérie avec l’Italie, l’Allemagne et la France
Dans la presse espagnole, la question du gaz et les relations tendues de l’Espagne avec l’Algérie font encore la une, avec en prime une mise en relief du rapprochement de nombreux pays européens de l’Algérie, à l’image de l’Italie – qui a refusé une approche commune avec l’Espagne sur la question du gaz, insistant sur une nécessaire relation bilatérale de chaque pays avec son fournisseur – ou encore de l’Allemagne et de la France.
Le média espagnol Puplico estime que la «politique étrangère européenne est un désastre» lorsqu’il s’agit, entre autres, de «l’Afrique du Nord». Il souligne qu’alors que l’Espagne a beaucoup à perdre en Algérie, en matière économique, «Berlin et Paris font passer leurs intérêts nationaux avant ceux de l’Europe dans son ensemble».
Pour le média qui fait allusion au coup de téléphone du président français à son homologue algérien et à la récente visite de membres du gouvernement allemand en Algérie, «la grave erreur commise par Pedro Sánchez sur la question le Sahara occidental» a donné le coup d’envoi à d’autres pays pour se préparer à prendre la place de l’Espagne (en Algérie).
«Ces dernières semaines, de nombreuses capitales européennes ont commencé à prendre position en Algérie (…), parmi elles, en plus de Rome voisine, se trouvent Berlin et Paris, ce qui n’est pas une simple coïncidence», écrit Publico.
Le média estime qu’au lieu d’aider le partenaire espagnol à surmonter la crise avec l’Algérie, «l’Allemagne et la France sont parties à la chasse et à la capture des contrats que les entreprises espagnoles détenaient jusqu’à présent (...). Vendredi, le président Emmanuel Macron a téléphoné à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune justement pour ‘‘développer les relations’’ entre les deux pays, il est entendu que ce sera avant tout dans le domaine économique, compte tenu de la décision d’Alger de geler les relations avec l’Espagne».