Lutte d’influence russo-américaine en Afrique de l’Est : L’équation complexe de la guerre au Soudan

30/04/2023 mis à jour: 00:01
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Les combats depuis le 15 avril ont fait plus de 500 morts et 4 000 blessés, selon des statistiques officielles

L’adjointe au secrétaire d’Etat américain, chargée du Moyen-Orient, Barbara Leaf, a examiné, dans une communication téléphonique la semaine dernière avec Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen et des frontières Sud de la Libye, les moyens de contrer les actions des éléments de la société militaire privée Wagner au Soudan. 

Ces derniers auraient, selon la chaîne américaine CNN, fourni des fusées sol-air aux forces soudanaises de soutien rapide pour se défendre contre les raids aériens de l’armée soudanaise. CNN a dit relayer des diplomates soudanais et régionaux à Khartoum. Un éventuel équilibre des forces provoquerait la reprise des hostilités. Les photos satellitaires relevées par le centre Groningue relevant de l’institut hollandais des recherches spatiales, ont indiqué une petite hausse dans les mouvements des avions Iliouchine  76, utilisés par le groupe Wagner en Libye. 

En effet, cette recrudescence a été observée du samedi 22 au mercredi 26 avril en Libye et même entre les bases russes de Libye et de Syrie. Ainsi, le 13 avril, un avion Iliouchine 76 a observé la trajectoire entre les bases aériennes exploitées par les forces armées et paramilitaires russes, entre Lattaquié en Syrie et El Khadem au Nord-Est libyen. Le lendemain, le même avion a fait le trajet El Khadem – Jofra au Sud libyen. Le même cycle de vols aurait été observé le 18 avril. 

Certaines sources auraient révélé à CNN que l’aviation russe aurait largué des missiles Sol-Air en territoire soudanais à l’intention des forces de soutien rapide de Hamidati. Les actions du groupe russe Wagner sont suivies avec attention par les Américains. 

Ainsi, des photos satellitaires des mouvements des avions Iliouchine 76 ont été analysées par CNN, avec le soutien des experts du groupe All eyes on Wagner (Tous les yeux sur Wagner). Pareilles analyses auraient confirmé ladite recrudescence de l’activité des Iliouchine  76 des Wagner en Libye, en lien avec les combats au Soudan. Ce soutien en armement serait derrière la résistance imprévue des groupes paramilitaires dirigés par Hamidati face à l’armée soudanaise dirigée par El Bourhane. Pareilles manœuvres ont inquiété les Américains, très actifs pour arracher le cessez-le-feu au Soudan. Blinken et son département d’Etat risquent de perdre la face si les armes continuent à affluer au Soudan. 

Haftar joue avec le feu

Depuis le début de la crise au Soudan, les deux clans libyens se sont dits neutres et ont appelé à abriter des négociations de paix. Mais, si le gouvernement de Debeiba à Tripoli ne dispose pas de véritables forces régulières sur le terrain, celui de Bachagha à Syrte bénéficie du soutien de l’armée de Khalifa Haftar et des diverses forces alliées. Et parmi ces dernières, il y aurait un millier de combattants russes de la milice paramilitaire Wagner ainsi que quelques milliers de Soudanais. De là à réfléchir à s’allier le Soudan limitrophe, en crise socioéconomique et y installer un gouvernement favorable, il n’y a qu’un pas que le Maréchal autoproclamé Haftar aurait franchi, avec le soutien des Russes. 

Officiellement, Haftar a affirmé à l’adjointe du Secrétaire d’Etat américain, chargée du Moyen-Orient, Barbara Leaf, qu’il a toujours été neutre dans le conflit soudanais. Haftar et son entourage n’ont pas voulu apporté de précisions ni de commentaire à CNN sur les informations parlant de leur implication au Soudan. Même silence radio du côté du bureau de Evgueni Prigojine, le patron de Wagner. Agissements logiques en temps de guerre. 

Par contre, Najla El Mengouche, la ministre libyenne des Affaires étrangères, ne cesse de crier, haut et fort, que la Libye est neutre dans le conflit soudanais. Toutefois, ni Tripoli, ni Benghazi, ne seraient un territoire idéal pour des négociations de paix. Il faudrait aller sur un territoire plus neutre, comme l’Arabie, voire en Europe.               

Tunis 
De notre correspondant  Mourad Sellami

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