Lutte contre le blanchiment d’argent : Les responsables politiques dans le viseur des compagnies d’assurances

21/03/2024 mis à jour: 04:34
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Photo : D. R.

La Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) a saisi les établissements financiers, banques et compagnies d’assurances, en vue de se conformer aux textes liés à la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme. Le GAFI a émis quelques observations à l’issue de sa visite en Algérie l’été 2023.

Les compagnies d’assurances se doivent de garder désormais un œil vigilant sur les responsables politiques et les hauts cadres de l’Etat ; bref, sur les clients considérés, selon le jargon, comme du «personnel politique exposé». Une nouveauté, s’il en est, qui devrait amener les assureurs à s’intéresser davantage au patrimoine, aux avoirs et, pourquoi pas, à l’origine des fonds de cette clientèle.

Il s’agit là, d’ailleurs, d’un des points phares qu’a évoqués cette semaine le secrétaire du Conseil national des assurances (CNA), Abdelhakim Benbouabdellah, alors qu’il exposait les grandes lignes de loi nouvelle loi sur les assurances en préparation actuellement.

Il a, à l’occasion, fait observer que «le projet prévoit une vérification approfondie de l’origine des fonds utilisés par ces sociétés, renforçant ainsi la transparence financière».

Les compagnies sont ainsi sommées de se mettre au diapason des textes relatifs à la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le terrorisme, en ce sens que le management de ces entreprises devrait donner plus d’importance à cet aspect de contrôle et de vérification dont elle semble n’avoir pas tellement tenu compte.

Le GAFI (Groupe d’action financière) a déjà émis quelques observations à l’Algérie sur l’effort à fournir, en vue de se mettre en conformité avec les recommandations favorisant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) a saisi les établissements financiers afin de prendre en charge ce dossier.

Le Conseil national des assurances a, le 14 mars, annoncé sur son site web que «la Commission de supervision des assurances (CSA) appuie les instructions de la CTRF à destination des institutions financières».

«Le ministère des Finances, par le biais de la Commission de supervision des assurances, appuie les efforts de mise en conformité des acteurs du marché et des institutions financières, en général, aux dispositions en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, ainsi qu’aux obligations des assujettis à l’égard des personnes politiquement exposées», pouvons-nous y lire.

Et de poursuivre : «Dans ce cadre, la CSA contribue à la large diffusion des informations y afférentes, en recourant au portail Web du marché national des assurances (Assural), édité par le Conseil national des assurances), via lequel elle rappelle les deux instructions émises par la Cellule de traitement du renseignement financier (…).»

Il s’agit, en l’occurrence, ainsi que mentionné sur le site, de «l’instruction n°2 du 4 décembre 2023 relative aux obligations des institutions financières, en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive» et de «l’instruction n°3 du 5 décembre 2023 relative aux obligations des assujettis à l’égard des personnes politiquement exposées».

La CSA exerce, faut-il le rappeler, le contrôle de l’Etat sur l’activité d’assurance et de réassurance. Ainsi, comme expliqué plus haut, cette structure de supervision des activités du secteur vient de saisir, dans une espèce de rappel à l’ordre, les compagnies d’assurances à l’effet de se conformer à la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, mais également aux obligations des assujettis à l’égard des Personnes politiquement exposées (PPE). Les instructions citées ci-dessus en précisent la teneur.

Ces instructions sont signées par le président de la Cellule du traitement et du renseignement financier. L’instruction n°3 du 5 décembre 2023 affirme, dans son article 1er, que «la présente instruction vise à définir les obligations des assujettis à l’égard de la clientèle parmi les personnes politiquement exposées».

Les personnes politiquement exposées sont définies dans l’article 2 du texte en question. «(…) tout Algérien, étranger, élu ou nommé, ayant exercé ou exerce en Algérie ou à l’étranger de hautes fonctions législatives, exécutives, administratives ou judiciaires, et les hauts responsables des partis politiques, ainsi que les personnes qui exercent ou ayant exercé des fonctions importantes auprès ou pour des organisations internationales».

Les assujettis, quant à eux, sont «les institutions financières, les établissements et professions non financières désignées ainsi que leurs annexes opérant à l’étranger, dans la mesure de ce qui est autorisé par les lois et réglementations en vigueur dans les pays dans lesquels ces annexes opèrent». La CSA rappelle ainsi aux compagnies d’assurances leurs obligations au sens desdites instructions vis-à-vis de leur clientèle qui se recrute parmi les personnalités dites politiquement exposées.

Obligations des assujettis

Autrement-dit, une surveillance doit être de rigueur. En effet, au sens de l’article 3 de ce texte, «les institutions financières et les entreprises et professions non financières désignées sont tenues d’identifier et de comprendre et d’évaluer les risques et d’appliquer une approche basée sur les risques dans les procédures de vigilance à l’égard des clients des personnes politiquement exposées, qui représentent les risques prévus par la loi n° 05-01 susmentionnée, modifiée et complétée, ainsi que ses textes d’application, notamment les instructions émises par la Cellule de traitement du renseignement financier CTRF, et mettre en place des politiques, stratégies et procédures nécessaires à cet effet».

Toute une batterie de mesures est prévue pour cette catégorie de personnes. Les compagnies d’assurances ne sont pas les seules concernées par ces textes. Les banques et établissements financiers aussi.

Selon des sources au fait du dossier, le ministère des Finances, à travers la CTRF, ne demande rien moins aux compagnies d’assurances que d’élaborer une sorte de cartographie des risques de blanchiment et de mettre en place des dispositifs de prévention de ces risques.

De même qu’un registre de personnalités politiques exposées qui se recrutent parmi les hauts cadres de l’Etat, le personnel politique, les hauts postes de responsabilités devant être soumis à une surveillance accrue.

La responsabilité des «assujettis» est toute désignée. L’Algérie est membre observatoire du GAFI Moyen-Orient et Afrique du Nord (GAFI MOAN). Le GAFI a effectué une visite en Algérie du 24 juillet au 10 août 2022.

Un rapport d’évaluation mutuelle de l’Algérie a été effectué et «présente un examen complet de l’efficacité du système de LBC/FT du pays et de son niveau de conformité avec les 40 recommandations du GAFI au moment de la visite sur place».

Selon l’évaluation mutuelle de l’Algérie 2023, un rapport publié le 12 juillet dernier sur le site du GAFI, il ressort que sur le chapitre des Personnalités politiques exposées, les examens ont conclu à la «non-conformité».

Sont considérés aussi comme «non-conformes», «l’évaluation des risques et application d’une approche basée sur les risques», «l’organisation à but non lucratif», «correspondants bancaires», «nouvelles technologies», «virements électroniques», «transparence et bénéficiaire effectif des personnes morales». Des notes sur le caractère conforme ou partiellement conforme ont été constatées également.
 

 

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