Dans le monde, la liberté d’informer est de nouveau sérieusement malmenée à la faveur de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Un remake de l’offensive américaine contre l’Irak, il y a 20 ans, qui a vu tous les networks occidentaux surfer sur la vague guerrière créée par la Maison-Blanche pour aller, tous ensemble et main dans la main, à la recherche des fameuses armes chimiques Bush-Blair, le plus gros canular du XXe siècle.
Et aussi, quelques années après, pour rivaliser en propagande dans la diabolisation de Mouammar El Gueddafi, de Hafedh Al Assad, des Iraniens et de tous les peuples ou leaders politiques qui ne sont pas dans les bonnes grâces de l’OTAN, ou tout simplement ne partagent pas l’idéologie occidentale, à l’image de la Chine, du Venezuela, de Cuba, de la Corée du Nord et autres.
Et sans oublier le souci de présenter Israël comme une éternelle victime et ses bombardements sanguinaires de Ghaza comme de simples faits divers. Aujourd’hui, l’ennemi public numéro un est Vladimir Poutine qui a, cependant, la particularité d’être un os dur. Seule son intervention en Ukraine est mise en relief avec fracas, alors que sont superbement ignorées les conditions géostratégiques ayant conduit à l’invasion, dont la plus fondamentale est le non-respect par l’OTAN de l’accord conclu au lendemain de la chute de Berlin entre Moscou et les alliés occidentaux. Ces derniers s’étaient engagés à ne pas étendre leur influence aux frontières de la Fédération de Russie naissante.
Depuis le début des années 1990, en effet, l’OTAN n’a cessé de rallier en son sein les ex-Républiques soviétiques, dont l’Ukraine, depuis le coup d’Etat de 2014 qui a renversé un pouvoir proche de la Russie. Les opinions publiques occidentales ignorent tout cela et ne retiennent que la brutalité de l’invasion avec son cortège de victimes civiles et son lot de réfugiés.
Et voilà que l’Union européenne interdit sur son sol les médias russes, balayant de ce fait son discours sur la sacralité de la liberté de la presse qui fixe qu’aucune expression politique ne doit être entravée, y compris lorsqu’elle dérange et que dans ce cas-là, il s’agira seulement de la contredire, mais jamais refuser qu’elle s’exprime. En bafouant cette règle, au nom d’une guerre déclarée au propriétaire des médias interdits, la Russie en l’occurrence, l’Union européenne se discrédite vis-à-vis des pays en voie de développement, à ses yeux peu respectueux de la liberté de la presse, auxquels elle exige constamment de revoir leur copie.
En outre, un mauvais signal a été adressé à toutes les capitales européennes qui ne se gêneront plus à l’avenir de censurer les médias jugés peu conformes à leurs politiques, quels que soient leurs propriétaires. Même les organes d’information du Vieux Continent se sont engouffrés dans cette voie suicidaire au moment de la couverture de la confrontation entre les deux armées russe et ukrainienne. Une règle de conduite s’est imposée à eux : ignorer au maximum les points de vue politiques et militaires des Russes et médiatiser à outrance ceux de leurs adversaires.
Et pour cela, il a été mis en œuvre un ballet d’experts, d’observateurs et de généraux à la retraite, parlant d’une seule voix, laissant très peu de place aux avis contradictoires, même simplement nuancés.
Souvent fusent des accusations de soutien traître à un Poutine fou, alors qu’est tue la présence de milices pro-nazis en grand nombre aux côtés des soldats ukrainiens. Ainsi donc, dans l’Occident bien pensant et donneur de leçons, sans nuances, l’information bascule vers la propagande. Si l’opinion publique européenne en est la première victime, le sont également, dans la foulée, toutes les populations dans le monde soumises au matraquage des grands médias diffusant à l’échelle de la planète et qui la contrôlent au double plan de la sécurité et du contenu idéologique.
Le nouvel ordre de l’information ? Jamais, cette noble idée ne s’est autant éloignée, comme l’est d’ailleurs son corollaire, la paix universelle.