L’hôpital Al Shifa de nouveau visé par Israël : Ghaza, «cimetière à ciel ouvert»

19/03/2024 mis à jour: 02:20
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Photo : D. R.

L’armée d’occupation n’en est pas à sa première offensive contre l’hôpital Al Shifa. Elle l’avait pris d’assaut le  15 novembre, prétendant que le Hamas disposait d’un centre de commandement élaboré en dessous de l’établissement.

Les Palestiniens de Ghaza sont confrontés, en ce mois de Ramadhan,  à une escalade continue d’une violence inouïe et barbare  de l’armée israélienne, sans répit aucun. Alors que des centaines de milliers de Palestiniens risquent de succomber à la famine, l’hôpital Al Shifa, le plus grand établissement médical de la bande de Ghaza, a été, une nouvelle fois, pris pour cible par les forces israéliennes hier.

Tandis que les négociations stagnent, le Premier ministre israélien se prépare pour une offensive à Rafah, suscitant de vives craintes quant à un nouveau bain de sang.

Hier, l’armée a lancé une opération aux abords de l’hôpital Al Shifa, dans la ville de Ghaza, le vaste complexe devenu un refuge pour des dizaines de milliers de déplacés. L’opération en question a commencé peu avant l’aube autour dans l’enceinte de l’hôpital Al Shifa.

Le ministère de la Santé de Ghaza a annoncé que l’armée israélienne tirait des coups de feu et des missiles sur un bâtiment utilisé pour des opérations chirurgicales spécialisées. Un incendie s’est déclaré à l’entrée de l’hôpital.

La même source a indiqué qu’environ 30 000 personnes étaient hébergées à l’hôpital, dont des patients, du personnel médical et des personnes ayant fui leur domicile pour se mettre à l’abri.

Dans le territoire assiégé et confronté à la famine, les hôpitaux sont souvent pris pour cible par l’armée d’occupation israélienne, ce qui constitue un crime de guerre.

L’armée d’occupation n’en est pas à sa première offensive contre l’hôpital Al Shifa. Elle l’avait pris d’assaut le  15 novembre, prétendant que le Hamas disposait d’un centre de commandement élaboré en dessous de l’établissement. Après avoir bombardé le bâtiment et mis l’hôpital hors service, elle était dans l’incapacité de fournir les preuves de ses accusations.

Cette fois encore, l’armée sioniste  a diffusé une vidéo aérienne granuleuse de ce qu’elle a déclaré être des militants du Hamas tirant sur ses forces depuis l’intérieur de l’hôpital, ainsi qu’une vidéo d’une grenade propulsée par fusée frappant un véhicule blindé.

Ce qui est sûr, c’est que l’armée d’occupation a mené des opérations aériennes sur le quartier d’El Rimal où se trouve l’hôpital. Selon des habitants, «plus de 45 chars et véhicules blindés de transport de troupes israéliens» sont entrés dans Al Rimal. L’hôpital ne fonctionne plus qu’a minima et avec une équipe réduite. Moins d’un tiers des hôpitaux de Ghaza sont à présent opérationnels, et ce, partiellement, d’après l’ONU.

Il est à noter, par ailleurs, que dans le sud du territoire, la ville de Rafah qui abrite près d’un million et demi de Palestiniens, selon l’ONU, piégés contre la frontière fermée avec l’Egypte, vit toujours sous la menace d’une offensive terrestre israélienne.

«Aucune pression internationale ne nous empêchera d’atteindre tous les objectifs de notre guerre (...). Nous agirons à Rafah, cela prendra quelques semaines mais cela aura lieu», a répété dimanche le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, en dépit des multiples avertissements de la communauté internationale.

Les négociations dans l’impasse

Force est de constater que les trois pays médiateurs – Etats-Unis, Qatar, Egypte – ne sont toujours pas parvenus à imposer un cessez-le-feu.

Le Hamas s’est dit prêt, dans une nouvelle proposition faite hier, à une trêve de six semaines, pendant laquelle 42 otages – femmes, enfants, personnes âgées et malades – seraient libérés en échange de 20 à 50 prisonniers palestiniens contre chaque otage relâché.

Il réclame aussi «le retrait de l’armée des villes et zones peuplées», le «retour des déplacés» et l’entrée de 500 camions d’aide par jour à Ghaza, selon un de ses cadres.

Oussama Hamdan, un  responsable du Hamas, a évoqué dans le détail un retrait des troupes israéliennes à l’est de la route Salaheddine – qui traverse la bande de Ghaza en son centre, du nord au sud, «14 jours» après le début de la trêve et l’«arrêt total» des combats.

Ce qui permettra aux personnes déplacées de retourner dans ce secteur. Netanyahu a indiqué, selon les agences de presse,  qu’il n’accepterait pas un accord «qui rend Israël  faible et incapable de se défendre».

Néanmoins, l’Etat sioniste, qui n’avait pas envoyé il y a deux semaines de représentants au Caire où les Etats-Unis, le Qatar, et l’Egypte s’étaient réunis avec une délégation du Hamas, a dépêché cette fois le chef de ses services de renseignement à Doha.

Selon une source proche des négociations, il devait y rencontrer hier  le Premier ministre du Qatar et des responsables égyptiens en vue d’avancer vers un accord.

La famine comme arme de guerre

L’ONG Oxfam a accusé Israël d’entraver délibérément l’entrée de l’aide humanitaire à Ghaza, en violation du droit humanitaire international. Des protocoles d’inspection inefficaces et des attaques contre le personnel humanitaire sont dénoncés, ainsi que des restrictions d’accès pour les travailleurs humanitaires.

Ces pratiques ont conduit à une diminution significative de l’aide humanitaire parvenant à la population de Ghaza.

«Malgré sa responsabilité en tant que puissance occupante, les pratiques et décisions d’Israël continuent de bloquer et d’empêcher systématiquement et délibérément toute réponse humanitaire internationale significative dans la  bande de Ghaza», écrit Oxfam dans son rapport repris par l’agence AFP.

L’ONG dénonce notamment des protocoles d’inspection de l’aide «injustement inefficaces», qui créent des délais de «vingt jours en moyenne» pour permettre aux camions d’entrer dans le territoire palestinien, ou encore des «attaques contre des personnels humanitaires, des structures d’aide et des convois humanitaires».

Elle critique aussi le blocage «quotidien» de certains équipements qualifiés d’à «double usage», du matériel considéré comme pouvant être utilisé à des fins militaires.

Oxfam explique ainsi que des poches à eau ou des kits d’analyse d’eau ont été rejetés sans raison d’une de ses cargaisons, avant d’être finalement approuvés ultérieurement.

Certains équipements indispensables pour le travail de ses personnels, comme des équipements de communication, de protection ou des générateurs pour alimenter ses bureaux, subissent également des restrictions.

L’ONG pointe encore des «restrictions d’accès» pour les travailleurs humanitaires, en particulier dans le nord de la bande de Ghaza.

En février, seulement 20% de l’aide quotidienne ont pu entrer dans le territoire, soit une diminution considérable par rapport à avant le début du conflit. Pour pallier cette crise, des parachutages de nourriture ont été effectués, et la communauté internationale s’est engagée à livrer des vivres par la mer.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a publié hier les dernières conclusions de sa classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (IPC), un processus international d’estimation de l’ampleur des crises de la faim.

Selon cette classification, pratiquement tout le monde à Ghaza lutte pour obtenir suffisamment de nourriture, et environ 677 000 personnes, près d’un tiers de la population, connaissent le niveau le plus élevé de la faim catastrophique. Ce chiffre inclut environ 210 000 personnes dans le Nord.

L’organisation a averti que si Israël étendait son offensive à la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Ghaza, comme l’a promis le Premier ministre Benyamin Netanyahu, les combats pourraient plonger près de la moitié des 2,3 millions d’habitants de la bande de Ghaza dans une situation de faim catastrophique.

«Il s’agit du plus grand nombre de personnes confrontées à une famine imminente dans le monde aujourd’hui, et il n’a fallu que cinq mois pour que cela se produise», a dénoncé Matthew Hollingworth, directeur par intérim du Programme alimentaire mondial pour les Territoires palestiniens.

«Il est encore possible de renverser la situation, mais il faut qu’il y ait un cessez-le-feu et que des quantités massives d’aide alimentaire soient acheminées régulièrement, et les gens doivent avoir accès à de l’eau propre et à des soins de santé», a-t-il ajouté.

Le nord de Ghaza, y compris la ville de Ghaza, a été la première cible de l’invasion et a subi des destructions massives. C’est aujourd’hui l’épicentre de la catastrophe humanitaire de Ghaza, avec de nombreux habitants réduits à se nourrir d’aliments pour animaux.

Le ministère de la Santé a déclaré au début du mois qu’au moins 20 personnes, des enfants pour la plupart, étaient mortes de malnutrition et de déshydratation dans le Nord.

Avant la publication du rapport, Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l’UE, a déclaré qu’il incombait à Israël de faciliter l’acheminement de l’aide en rationalisant les procédures. «Israël doit le faire.

Ce n’est pas une question de logistique. Ce n’est pas parce que les Nations unies n’ont pas fourni un soutien suffisant, a-t-il déclaré. Les camions sont arrêtés. Les gens meurent, alors que les points de passage terrestres sont artificiellement fermés.»

Le plus haut diplomate de l’Union européenne a déclaré que la famine imminente était «entièrement due à l’homme», car «la famine est utilisée comme une arme de guerre».

Pour Borell,  la bande de Ghaza, est  un «cimetière à ciel ouvert», après avoir été une «prison à ciel ouvert».
Encore une fois, les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles pour discuter de la situation à Ghaza, mais aucune décision d’envergure n’a été prise.

Seules  des sanctions contre des colons israéliens, accusés d’exactions contre les Palestiniens en Cisjordanie, sont envisagées. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a vivement critiqué hier la situation dans la bande de Ghaza, la qualifiant de «cimetière à ciel ouvert», après avoir été une «prison à ciel ouvert».

Ces propos font écho à la réalité alarmante sur le terrain, où la population fait face à une situation de famine préoccupante.

Selon les déclarations de Borrell lors d’un forum européen sur l’aide humanitaire, Ghaza n’est plus au bord de la famine, mais y est désormais confrontée de manière directe, touchant des milliers de personnes.

Malgré l’existence de stocks de nourriture et d’aide humanitaire, des centaines de camions sont bloqués aux frontières de la bande de Ghaza, faute d’autorisation des autorités d’occupation israéliennes pour y entrer.

Cette situation est jugée «inacceptable» par Borrell, qui dénonce l’utilisation de la famine comme une arme de guerre.

Encore une fois, les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles pour discuter de la situation à Ghaza, mais aucune décision d’envergure n’a été prise. Seules  des sanctions contre des colons israéliens, accusés d’exactions contre les Palestiniens en Cisjordanie, sont envisagées.

 

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