Annoncée en grande pompe par les Etats-Unis, l’opération «Prosperity Guardian» (Gardien de la prospérité) risque d’aller vers un échec, surtout que les attaques des Houthis ne ciblent que les navires en lien avec Israël, le pays le plus touché, qui enregistre une chute de ses activités portuaires, qui avoisine les 85% pour uniquement le port d’Eilat.
L’attaque américaine contre des navires des Houthis, tuant une dizaine d’entre eux en mer Rouge, n’a pas fait fléchir la volonté de ces derniers à poursuivre la guerre qu’ils mènent depuis le 31 octobre 2023, aux navires de commerce, en lien avec Israël, et ce, en solidarité avec le peuple palestinien.
Durant ces dernières 48 heures, de nombreux drones et missiles ont été lancés du Yémen, mais interceptés par les navires américains, britanniques et français se trouvant en mer Rouge, les deux premiers faisant partie de la coalition, US Properity Guardian, créée officiellement avec une vingtaine de pays, dont il ne reste que quelques-uns, sous prétexte de protéger le trafic maritime.
A ce jour, beaucoup d’experts assurent que le trafic maritime, dans ce détroit, n’a pas été impacté par les attaques des Houthis qui ne ciblent, selon leur porte-parole, que les navires en lien direct ou indirect avec l’entité sioniste, les obligeant à contourner le continent africain pour atteindre la Méditerranée et l’Europe.
Seuls les ports israéliens ont été sérieusement impactés, particulièrement celui d’Eilat avec une chute drastique de ses activités, atteignant, selon son directeur, les 85%. C’est ce qu’a révélé, le 22 décembre dernier, une enquête d’un journal israélien, en zoomant sur ce port qui gère principalement les importations de voitures et les exportations de potasse en provenance de la mer Morte.
Ce port, écrit le journal, «jouxte le seul point d’accès côtier de Jordanie, Aqaba, et offre à Israël une porte d’entrée vers l’Est sans avoir besoin de naviguer par le canal de Suez.
Il a été l’un des premiers ports à être touchés par les compagnies maritimes ayant détourné leurs navires pour éviter la mer Rouge après que les Houthis aient perturbé une route commerciale clé à travers le détroit de Bab Al Mandab».
Son PDG a déclaré à l’agence britannique Reuters : «Vous fermez la principale artère de navigation vers le port d’Eilat. Et nous avons donc perdu 85% de l’activité totale. Nous disposons encore d’un petit nombre de navires pour exporter de la potasse, mais je pense qu’avec une destination en Extrême Orient, ils ne voyageront plus dans cette direction.
Cela va donc également diminuer. Malheureusement, si cela continue, nous atteindrons une situation de zéro navire dans le port d’Eilat. Si les pays de la coalition et Israël tardent à trouver une solution pour les Houthis, malheureusement nous devrons probablement mettre des travailleurs en chômage technique.»
Parce que situé à 50 km de la frontière de Ghaza, Ashdod est, avec Ashkelon, à 15 km de la frontière de Ghaza, particulièrement exposé aux attaques des Houthis.
Selon la presse israélienne, il s’est donc mis en «mode urgence», tandis que le port pétrolier d’Ashkelon, par où entre plus de 85% des importations totales de brut du pays, est en principe fermé, mais l’autorisation d’accoster ou de décharger une cargaison amarrée au mouillage du port peut être accordée au cas par cas.
Les mêmes sources relèvent, en citant des opérateurs portuaires locaux et étrangers, que «les navires ne peuvent décharger leurs cargaisons que lorsqu’ils sont amarrés à des bouées, ce qui donne une indication du niveau de risque».
Ashdod applique, pour sa part, ajoute-t-on, des procédures d’entrée strictes pour les navires transportant des matières dangereuses, a précisé la compagnie maritime Hapag-Lloyd aux médias, alors que la compagnie Maersk a déclaré, dans une note adressée à ses clients : «A l’heure actuelle, les opérations portuaires dans les principaux terminaux israéliens continuent de fonctionner normalement et nous ne prévoyons pas d’impact substantiel sur nos principaux hubs d’Ashdod et de Haïfa.»
Le transporteur avait tout aussi promptement réagi à la suite de l’agression russe en mer Noire avant de se résoudre, comme la plupart de ses pairs, à déserter le terrain.
Seul ZIM, compagnie israélienne basée à Haïfa, «a introduit une taxe de guerre sur les voyages à destination et en provenance d’Israël, tout en soulignant le maintien de ses opérations sans perturbations significatives sur les itinéraires à destination et en provenance d’Israël», ont indiqué les médias, précisant que malgré la situation de guerre en Israël, tous les ports locaux, à Ashdod, Haïfa et Eilat, fonctionnent normalement.
Des interruptions de service peuvent toutefois survenir, à court terme, en raison des directives de sécurité imposées par les autorités israéliennes.
Les compagnies attaquées par les Houthis étroitement liées à Israël
Ces compagnies font partie de celles qui ont été le plus impacté en mer Rouge, parce que étroitement liées à Israël. Elles ont été contraintes de contourner la pointe sud de l’Afrique, prolongeant ainsi leurs traversées vers la Méditerranée de deux à trois semaines, si ce n’est pas d’un mois, avec des surcoûts en fin de parcours.
Cela n’est pas le cas pour beaucoup d’autres n’ayant aucun lien avec Israël, qui continuent à naviguer en mer Rouge en passant par Bab El Mandab.
Les experts du secteur de l’énergie assurent aussi que quelques pétroliers transportant du diesel et du carburateur du Moyen-Orient et de l’Inde vers l’Europe évitent la mer Rouge, en prolongeant leur itinéraire, avec des frais et des coûts plus élevés et des retards d’approvisionnement.
Mais beaucoup d’autres, cependant, ont maintenu l’itinéraire le plus court de la mer Rouge par le canal de Suez.
D’ailleurs, selon Reuters, près de 4,5 millions de barils de produits pétroliers et près de 2 millions de barils de pétrole brut ont été chargés sur des navires traversant actuellement la mer Rouge et le canal de Suez à destination de l’Europe, selon les données de Kpler, au 30 décembre 2023, précisant, à titre de comparaison, que les navires détournés, Sti Solidarity, Jag Lokesh, Ps Atene et Karimata, «transportaient au total 2,4 millions de barils de diesel et de carburéacteur autour du Cap de Bonne-Espérance.
Le volume complet pourrait ne pas atteindre l’Europe». Ps Atene a mis à jour sa destination de Gibraltar à Maputo, au Mozambique, le 28 décembre, selon Kpler. Mais les perturbations en mer Rouge n’ont jusqu’à présent pas eu d’impact sur les prix du carburant ni sur les marges de raffinage européennes.
La prime des contrats à terme sur le gazole à faible teneur en soufre du nord-ouest de l’Europe par rapport aux contrats à terme sur le brut Brent était inférieure de 10% le 28 décembre à celle du 1er décembre, ce qui indique que le gazole est relativement bien approvisionné par rapport au brut, selon Callum Macpherson, responsable des matières premières d’Investec.
Pour l’agence, la structure du marché du gasoil s’est également aplatie en décembre, «un autre signe que les commerçants ne s’attendent pas à des pénuries imminentes d’approvisionnement en Europe».
L’agence a rappelé que «le marché européen du diesel était principalement approvisionné par des cargaisons russes jusqu’à ce qu’un embargo de l’UE sur les produits pétroliers russes à partir du 5 février de cette année, à la lumière de la guerre en Ukraine, ait rendu l’Europe fortement dépendante du Moyen-Orient et de l’Asie pour combler sa pénurie structurelle de ce produit.
Selon Kpler, plus de 90% des 14,3 millions de barils par mois de carburéacteur que l’Europe a importés d’autres régions provenaient des marchés à l’est de Suez, et près de 58% de ses importations mensuelles moyennes de diesel de 24,4 millions de barils».
L’analyse déconstruit toute éventuelle menace sur le marché international de carburant ou sur le trafic maritime en mer Rouge par les Houthis.
Une autre expertise, d’une agence de risque Vortexa, a révélé qu’environ «8,2 millions de barils de pétrole et de produits pétroliers traversent quotidiennement la mer Rouge.
Les deux matières premières pétrolières les plus importantes sont le pétrole brut russe. Il coule vers le Sud par le canal de Suez».
La menace pour laquelle la coalition navale américaine, boudée par de nombreux pays, a été créée ne cible qu’Israël et non pas le trafic maritime, comme le démontrent les experts.
Cette coalition n’a pas pour autant dissuadé les Houthis et risque de mettre en danger les nombreux navires de guerre qui sont dans la région, lorsque l’on sait que les Houthis sont dotés de missiles et de drones à grande portée et, de ce fait, peuvent subitement cibler les navires nucléaires qui sillonnent cette zone au trafic maritime très intense. Des menaces qui affolent toutes les boussoles.