Le 17 avril 2024, 01h Gmt, le Brent a été coté à 90,07 dollars (84,82 euros) et le Wit 85,28 dollars (80,30 euros) malgré l’attaque de l’Iran contre Israël, le marché tablant sur une désescalade plus probable qu’un embrasement de la région surtout après la décision américaine, principal allié d’Israël, et les recommandations de la communauté internationale d’éviter toute escalade qui risque de plonger l’économie mondiale vers une turbulence généralisée. Comme les tensions en Iran et Israël ne doivent pas faire oublier, pour la stabilité de la région, l’urgence d’un Etat palestinien.
1.- L’ économie iranienne face aux turbulences régionales
L’Iran compte 88,5 millions d’habitants en 2023, et la superficie est de 1 648 000 km 2, avec comme capitale Téhéran, et les villes principales sont Mashhad, Ispahan, Tabriz, Karaj… L’Iran est bordé au nord par la Mer Caspienne, au sud-est par le golfe d’Oman et au sud par le golfe Persique. Elle partage des frontières avec le Turkménistan au nord-est, l’Afghanistan à l’est, le Pakistan au sud-est, l’Irak à l’ouest, la Turquie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan au nord-ouest. L’économie iranienne est caractérisée par la prédominance du secteur public. Ainsi, en 2021, parmi les 100 premières sociétés cotées du pays par la valeur de la capitalisation boursière, 5 seulement avaient une ou plusieurs personnes privées comme actionnaire majoritaire.
Les acteurs publics et semi-publics bénéficient d’aides substantielles de l’Etat, pour partie financées par emprunt bancaire. Dans son dernier rapport trimestriel, connu sous le nom de Perspectives de l’économie mondiale, le FMI estime la croissance économique de l’Iran à 5,4% en 2023 avec une prévision de 3,8%, en 2024, le produit intérieur brut PIB de l’Iran ayant été de 351 milliards de dollars en 2021 et de 413,5 milliards de dollars en 2022 : 4669,6 PIB par tête d’habitant (source FMI). L’industrie représente 40%, dont 20% pour l’industrie manufacturière ; l’agriculture 12,4% du PIB employant 17% de la population active. Le FMI a estimé que les réserves de change disponibles pour l’Iran fin 2022 à 30,8 milliards de dollars. Un dollar s’échange le 16 avril 2024 à 41 848, 865 IRR, un plus bas niveau historique et en six ans, le rial iranien aura perdu plus de dix fois sa valeur face au dollar, renchérissant d’autant le coût des produits de première nécessité importés.
Quant au taux de chômage, le ministre iranien de l’Economie, citant le rapport du Centre iranien des statistiques, a atteint 7, 6% en 2023 contre 7,90% en 2022, mais avec un taux de jeunes de 20,60% en 2023 contre 20,10% en 2022, et avec une extension de la sphère informelle, avec des données contradictoires au niveau international pour 2023, le FMI donnant 13,5% et l’OIT 8,7%. Ayant instauré un système de subventions ciblées où la part de l’énergie est prépondérante, le revenu mensuel brut par habitant iranien est de 325 dollars contre une moyenne mondiale de 1076 dollars et le revenu mensuel brut par habitant de 3900 dollars contre une moyenne mondiale de 12 911 dollars (source Banque mondiale 2022).
Pour d’autres sources en janvier 2024, le salaire mensuel moyen en Iran se situe autour de 20 à 30 millions de rials iraniens, ce qui équivaut à environ 400 à 600 dollars, ce qui explique avec le taux d’inflation important la forte détérioration du pouvoir d’achat et le nivellement par le bas des couches moyennes avec le risque de vives tensions sociales.
Pour le taux d’alphabétisation (2021), nous avons 89% pour les Iraniens de plus de 15 ans) et l’Indice de développement humain est de 0,774 (76e rang mondial en 2021). Les importations de biens ont été de 49,35 milliards de dollars en 2018, 41,82 en 2019, 38,75 en 2020, 48,97 en 2021, 55,446 milliards de dollars en 2022 et les importations des services pour la même période 17,254, 15, 00, 7,27, 11,07 et 11,158 milliards de dollars en 2022.
Quant au exportations de biens entre 2018/2022, nous avons 103,42 milliards de dollars en 2018, 65,71 en 2019, 46,91 en 2020, 71,64 en 2021, 77,200 en 2022 et pour les exportations de services, nous avons en 2018, 9,90 milliards de dollars, 10,95 en 2019, 4,77 en 2020, 5,76 en 2021, 6,52 milliards de dollars.
Les importations par rapport au PIB ont évolué ainsi : 28% en 2018, 27% en 2019, 24% en 2020, 22% en 2021, en 2022 et les exportations par rapport aux PIB 30% en 2018, 23% en 2019, 19% en 2020, 23% en 2021 et en 2022. La destination des exportations de l’Iran en 2022 est principalement la Chine 32%, la Turquie 17%, Taiwan 6%, Afghanistan 5%, l’Europe 4% et pour les importations, nous avons la Chine 26%, les Emirats 15%, l’Europe 13%, la Turquie 9% et la Russie 7%. Ainsi, avec le primat de la Chine, les EAU, la Turquie, l’Inde et l’Irak représentaient les trois-quarts du total des échanges hors pétrole de l’Iran en 2022 contre moins des deux-tiers en 2017. L’Iran souffre d’une faible ouverture aux échanges internationaux, depuis les vagues successives de sanctions économiques internationales et malgré un tissu industriel varié (pétrochimie, automobile, pharmaceutique, etc.), les nombreux produits interdits à l’importation par les autorités locales et les allocations de devises aux importateurs insuffisantes limitent l’approvisionnement en équipements et technologies nécessaires au maintien et au développement de l’industrie ce qui a amplifié l’inflation.
Pour les autres indicateurs financiers et économiques, selon la commission européenne, la dette publique de l‘Iran a évolué de 121,318 milliards d’euros en 2018), 100,715 en 2019, 82,705 en 2020 et 103,652 milliards d’euros en 2021 ; Selon les agences internationales, le 13 février 2023, l’Iran avait 4,676 milliards de dollars de la dette extérieure, surtout des dettes à moyen et long termes contre 6,904 milliards de dollars en fin septembre 2022, ce qui montre une dette faible en diminution, grâce au recettes des hydrocarbures. Dans les bureaux de change à Téhéran, la monnaie nationale s›est échangée le 11/04/2024, un (1) dollar s’échange à 42.062,50000 IRR, cette dévaluation accélérant l’inflation qui a dépassé les 43% entre 2022/2023, le FMI prévoyant 40% en 2024. Pour le FMI, l’investissement (35 % du PIB) commencerait à se redresser en 2024 avec une légère augmentation de la production de pétrole d’environ 0,5% par rapport à l’année 2023, pour atteindre 3,7 millions de barils par jour, en fonction de la demande de la Chine et d’autres pays asiatiques, pour laquelle l’Iran est en concurrence avec la Russie.
3.-Les tensions géostratégiques au Moyen-Orient et leurs impacts sur la sphère énergétique
Le Moyen-Orient en 2022/2023 représente 32,7% de la production du pétrole et 20% du gaz naturel et pour les réserves 60% de pétrole et 40% de gaz naturel. L’Iran contrôle le détroit d’Ormuz où transitent environ 25/30% des produits d’hydrocarbures qui est bordé par le sultanat d’Oman reliant le Golfe persique à la mer d’Arabie et à l’océan Indien.
Cet étroit passage maritime est l’un des points névralgiques du commerce mondial, ce qui lui confère une haute importance stratégique. Plus des trois-quarts de ces exportations sont destinés aux pays d’Asie, en premier lieu la Chine, l’Inde et le Japon. Si l’Arabie Saoudite et les Emirats ont établi un réseau d’oléoducs pour contourner le détroit, ces voies alternatives comportent en réalité des volumes limités. Face aux sanctions par l’Occident sur son pétrole, Téhéran a menacé de bloquer cette voie maritime. Si le conflit entre l’Iran et Israël et entre Israël et Hamas se propage aux pays voisins, les conséquences tant géostratégiques que pour l’économie mondiale pourraient être particulièrement lourdes, avec comme impact direct des interruptions d’approvisionnement en hydrocarbures renchérissant le coût de l’énergie de toutes les chaînes d’approvisionnement et leurs coûts de production avec un prix qui dépasserait les 100 dollars le baril, des pressions inflationnistes avec à terme une récession économique dont les premières victimes seront les pays les plus vulnérables et paradoxalement les pays producteurs de pétrole du fait de la baisse de la demande.
Il y a lieu aussi de tenir compte les tensions en Mer rouge, où transitent entre 12/15% du commerce mondial de marchandises, jouant un rôle particulièrement important dans les échanges Europe-Asie (40 % des échanges), où selon l’Institut Kiel, un conteneur navigant entre la Chine et l’Europe est passé en moyenne de 1500 dollars à 4000 dollars. Selon le volume exporté et les fluctuations des prix, les hydrocarbures en Iran représentent 85 à 90% des recettes d’exportation, 40 à 50% des ressources budgétaires de l’Etat iranien et 15 à 20% du PIB. Afin de combler ces besoins et faute de pouvoir s’approvisionner en produits occidentaux, l’Iran renforce ses partenariats avec les pays frontaliers et l’Asie, au premier plan, la Chine absorbant près (1,3 MB/j en 2023 souvent à des prix préférentiels comme d’ailleurs la Russie en direction de l’Inde et de la Chine.
Sur le plan énergétique, l’Iran détient 11,5% des réserves mondiales de pétrole conventionnel, la deuxième au Moyen-Orient derrière l’Arabie Saoudite (la première réserve mondiale étant le Venezuela mais pétrole lourd), le quatrième producteur mondial entre 3,5 et 4 millions de barils/j et la seconde réserve mondiale de gaz derrière la Russie 15% des réserves mondiales et sa capacité de production de gaz est de plus d’un milliard de mètres cubes par jour, mais comme pour le pétrole, devant tenir compte de la forte consommation intérieure, le prix largement inférieur au prix du marché international. L’Iran comme d’ailleurs la Russie, confrontés aux sanctions occidentales, fortement dépendante des ventes d’hydrocarbures. La plupart des sites de production iraniens sont concentrés et vulnérables, car principalement situés à proximité de l’Irak ou en off-shore dans le Golfe arabo-persique.
Or deux régions d’Iran (Lorestan et Khouzistan pour le pétrole, South Pars pour le gaz) recèlent 90% de son pétrole et 63% de son gaz. Cependant, le défi majeur est lié à un retour à l’accord sur le nucléaire iranien, bien qu’un retour à l’accord semble difficile à réaliser dans le contexte géopolitique mondial actuel. Les relations de l’Iran avec ses principaux voisins, en particulier l’Arabie Saoudite, Israël, l’Egypte, la Russie, Oman et les Emirats arabes unis, continueront de façonner le paysage extérieur, ainsi que l’avenir de l’Irak, du Liban, de la Syrie, du Caucase du Sud et récemment avec des tensions au Moyen-Orient. Les rivalités actuelles, la concurrence pour l’influence et les luttes de pouvoir régionales des grandes puissances et leurs sous traitants pourraient potentiellement accroître les tensions.
En conclusion, espérons pour le devenir de l’économie mondiale que la raison l’emporte sur les passions par la résolution de tous ces conflits à travers le monde en ébullition, et à devenir incertain et une des solutions pour apaiser toutes ces tensions au Moyen-Orient est la création d’un Etat palestinien fiable supposant une entente entre Palestiniens d’abord cohabitant avec Israël sur des frontières reconnues internationalement permettant la cohabitation des peuples dans la tolérance, l’objectif stratégique, assurer le développement, la paix et la sécurité de cette région berceau des civilisations.
Par Abderrahmane Mebtoul , Expert International
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