Le site histoire coloniale et postcoloniale : Rétablir la vérité historique

06/03/2025 mis à jour: 23:59
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Histoirecoloniale.net écrit, dans sa dernière édition en ligne, qu’une de ses équipes d’historiens, qui a visité la Cité de l’Histoire à Paris, a constaté que «sa présentation de l’histoire coloniale française est particulièrement éloignée de la vérité historique». 

Et de signaler que «c’est toute l’histoire de la France, notamment son histoire coloniale, qui y est relatée dans une version aussi inexacte qu’insidieuse relevant purement et simplement d’un discours d’extrême droite». 

Et de rappeler que «nous avons déjà écrit dans notre édition précédente que la Cité de l’histoire  – installée dans la grande Arche de la Défense, qui avait accueilli le 26 août 1989 la commémoration solennelle du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ! – colporte des contre-vérités chères à l’extrême droite, notamment sur la Guerre d’Algérie».


Quelques extraits de l’article d’histoire coloniale.net.

Il faut aller à l’Arche de la Défense visiter la Cité de l’histoire, quitte parfois – souvent – à esquisser un rictus. 

Le slogan du site n’a rien d’original, mais il a le mérite de la clarté quant à son ambition : «Plongez au cœur de l’histoire». Le grand public, trois générations, est invité à «remonter le temps» et à «découvrir les plus belles pages de l’histoire de l’humanité (…) grâce à des spectacles et animations technologiques et ultra-immersives». «Petits et grands» pourront ainsi «revivre les grands événements du passé, rencontrer les figures emblématiques de l’histoire de France et vivre de nouvelles émotions !» 

Bien. Mais, comme en toutes choses, il faut garder en éveil permanent son sens critique. Et notre équipe, qui a l’ambition de connaître – et de faire connaître – le mieux possible l’histoire coloniale et postcoloniale, vient de subir un choc en visitant ce lieu.

Des panneaux truffés de contresens

Les (trop rares) panneaux qui évoquent nos pôles d’intérêt sont affligeants, truffés de contresens, d’affirmations agressives jamais démontrées, jamais référencées….

Nous citons ici in extenso trois panneaux directement liés à notre thème de travail. Nos commentaires sont en italiques. 

Premier panneau : «1843. Prise de la Smala d'Abd el-Kader. La France renforce son implantation en Algérie»

«Au début du dix-neuvième siècle, Alger, capitale de la régence ottomane d’Alger, était le centre méditerranéen de la piraterie. 

De nombreux navires barbaresques en partaient pour aller piller navires et côtes européennes puis y revenaient pour écouler leur butin et vendre comme esclaves les prisonniers faits. (La piraterie «barbaresque» (pourquoi, au passage, reprendre ce terme désuet du vieux vocabulaire colonialiste ?) était un fait… mais elle avait pour pendant une piraterie européenne, qui pratiquait exactement de la même manière, pillait et faisait des esclaves. Il y avait au XIXe siècle plusieurs centaines d’esclaves musulmans, en particulier dans le sud de la France). 

Devant l’incapacité ottomane à maîtriser le phénomène, la France monta une expédition et s’empara d’Alger. (Pourquoi ne pas évoquer les vraies raisons de cette invasion : la volonté de contrecarrer l’influence britannique en Méditerranée par la conquête d’un point d’appui sur la côte nord de l’Afrique ; le projet proprement colonial de conquérir des terres, volées aux «indigènes» pour les attribuer aux colons ; enfin, pourquoi taire le vol pur et simple du Trésor de la Casbah ?). 

Son regard se porta alors sur le reste du territoire. Devant le danger que représentaient les Français, une résistance se monta, l’un de leurs chefs (en bon français, on aurait dû écrire : l’un de ses chefs) les plus talentueux étant Abd el-Kader. Harcelant les troupes du général Bugeaud, il leur mena la vie dure (le rédacteur a-t-il eu conscience de l’horreur de cette formule : en fait, ce furent les 100 000 soldats du général Bugeaud qui «harcelèrent» les populations algériennes, et leur menèrent non pas «la vie dure», mais la mort violente, par centaines de milliers). 

Mais après une campagne difficile, l’armée française réussit à prendre sa smala, son campement itinérant servant de base logistique. Abd el-Kader vaincu (petite leçon d’histoire : la prise de la smalah datait de mai 1843, la défaite finale, dans l’honneur, de l’Emir survint en décembre 1847), la résistance algérienne déclina et la France sortie vainqueur du conflit.» 
Second panneau : «1975. Prise de Saigon. La défaite des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam aura marqué un tournant et renforce le monde communiste»

«Après l’agression du Sud-Vietnam républicain par le Nord-Vietnam communiste (Première phrase de mise en condition : l’historien de garde qui a rédigé ce texte a «oublié» l’unité multiséculaire du Vietnam, qui dut subir une division entre Nord et Sud du seul fait de l’intervention américaine, avec l’accord tacite de la diplomatie française, après la signature des accords de Genève de juillet 1954, division qui fut à l’origine de la guerre américaine du Viet Nam), et plus de deux décennies d’affrontements entre eux, l’un soutenu par la Chine et l’URSS et l’autre soutenu par les Américains, Saigon, la capitale du Sud, tomba entre les mains des communistes. La guerre du Vietnam se terminait dans le sang (elle avait commencé trente ans plus tôt «dans le sang» par la volonté française de réimposer la domination coloniale, puis s’était poursuivie, par la plus longue intervention américaine du XXe siècle). 

Les USA avaient pourtant engagé des moyens colossaux, ils avaient déployé des troupes dans le pays et bombardé absolument massivement le territoire (jolie formule : les épandages de défoliants font aujourd’hui encore des victimes, des centaines d’enfants nés avec des déformations, des cancers innombrables, etc.)  

Mais, après huit années de guerre, l’impopularité de leur intervention fut telle qu’ils avaient dû se retirer du conflit (perpétuation du révisionnisme : si «l’impopularité» de leur intervention fut loin d’être négligeable, voir les protestations aux USA et dans le monde entier, le facteur premier fut la farouche résistance du Viet Nam, qui bouta hors du pays les «moyens colossaux»). Eux partis, plus rien ne retenait l’avancée des communistes qui prirent Saigon et le renommèrent Ho Chi Minh-ville. Trois millions de Vietnamiens s’enfuirent du pays et des centaines de milliers furent massacrés ou mis en camp de concentration.» 

(La fuite des Boat People et la répression contre les Vietnamiens pro-américains furent de tristes et évidents faits d’histoire, que nul ne conteste. Mais où diable ledit historien de garde a-t-il été pécher ces chiffres. Même le Livre noir du communisme n’osa pas à ce point amplifier jusqu’à la déraison ces statistiques).

Troisième panneau : «1962. Accords d’Evian. A l’issue d’un conflit meurtrier avec la France, l’Algérie accède à l’indépendance»

«Après huit ans de guerre, le 18 mars 1962, les accords d’Evian sont signés, la France et le FLN sont en paix, après 130 ans de présence française en Afrique du Nord, l’Algérie devient indépendante. 

La guerre qui y mena fut jalonnée d’attentats du FLN aussi bien en Algérie qu’en métropole (elle fut surtout «jalonnée» par des ratissages, des épandages de napalm, l’usage de la torture et des enlèvements et assassinats d’Algériens et de Français indépendantistes, comme le président Macron l’a récemment reconnu),  d’affrontements sanglants avec l’armée française, ainsi que de sabotages de la part des communistes en France (qu’est-ce que c’est que ce délire, jamais rencontré dans les ouvrages d’histoire ?

 Peut-on avancer toutes les sottises – nous pesons nos mots – dès lors qu’il s’agit de salir une force politique détestée ? Oui, il y eut des «sabotages», mais ils furent le fait de la sinistre OAS, qui sema la terreur chez les Algériens et les Français partisans de la paix), l’armée avait malgré tout réussi à s’imposer, mais sans solution politique et sociale, la situation était restée intenable, le général De Gaulle décida alors d’octroyer son indépendance au territoire (de Gaulle «n’octroya» rien : après une arrivée au pouvoir portée par les partisans de l’Algérie française, et sous la menace d’un raid de parachutistes en mai 1958, il évolua certes vers une position de conciliation, puis vers l’acceptation douloureuse mais raisonnable de l’indépendance. Si l’on veut absolument employer ce verbe, suggérons : ''Le peuple algérien s’est octroyé sa propre indépendance'').» 
 

 

 

Le site Histoire coloniale et postcoloniale a été créé en 2017, prolongeant et élargissant une version antérieure ouverte dès 2004. Ses animateurs, des historiens reconnus, dont notamment Gilles Manceron, Fabrice Riceputi, Alain Ruscio, le présentent comme un site qui «propose en libre accès un vaste corpus de référence, régulièrement actualisé, de documents, études, réflexions et ressources sur l’histoire coloniale de la France, ainsi que sur ses traces dans la société française post-coloniale d’aujourd’hui. Il recense régulièrement les événements et publications relatifs à ce thème». A cette équipe s’adjoignent diverses chercheuses et chercheurs spécialistes de certains pays ou de certaines régions, comme Malika Rahal, directrice de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP), qui suit avec Fabrice Riceputi le site 1000autres.org, «des Maurice Audin par milliers», que l’association Histoire coloniale et postcoloniale a contribué à fonder en 2018. Pour son développement, le site dépend des cotisations des membres de l’association Histoire coloniale et postcoloniale et des dons de tous ceux qui partagent son projet.

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