Le projet de loi relatif à l’industrie cinématographique sera présenté, ce lundi 8 janvier 2024, à l’Assemblée Populaire Nationale (APN), chambre basse du Parlement, un mois après son adoption en Conseil des ministres.
Ce projet prend en charge une grande partie des propositions et des recommandations des assises nationales sur la politique de l’industrie cinématographique, organisées les 29 et 30 avril 2023, au Centre international des conférences Abdellatif Rahal de Club des Pins (CIC). Des assises marquées par la participation de plusieurs professionnels du cinéma entre réalisateurs, producteurs, scénaristes, comédiens, techniciens et investisseurs.
Le projet de loi sera suivi de 13 textes d’application élaborés durant des ateliers spécialisés organisés en décembre 2023 avec la participation de trente experts et professionnels du cinéma. Le projet de loi relatif à l’industrie cinématographique, qui contient 85 articles, précise la signification de cette industrie. Il s’agit de «l’ensemble des opérations de production et de service intégrées et interdépendantes qui concourent à la réalisation des films cinématographiques».
«Les services cinématographiques sont les activités techniques relatives au traitement des enregistrements d’images et du son, leur mixage et montage, l’ajout des effets spéciaux, le doublage et le sous-titrage des films cinématographiques ainsi que le tirage des copies aux fins de leur exploitation et toute prestation techniques notamment celles offertes par les studios et les cités de cinéma», est-il indiqué dans l’article 2.
Le même article donne une définition à tous les intervenants dans cette industrie et aux formats des oeuvres : réalisateur, producteur, producteur délégué, producteur exécutif, producteur associé, distributeur, exploitant, établissement d’exploitation cinématographique, plateforme électronique, visa culturel, coproduction, générique, film amateur, film documentaire, long métrage, court métrage, film et audiovisuel.
«Diversification de la production cinématographique nationale»
Les objectifs de la politique nationale en matière de l’industrie cinématographique sont précisés dans l’article 3 : «le développement économique, social et culturel de l’industrie cinématographique, l’adaptation de l’industrie cinématographique aux évolutions et à l’innovation technologiques, le développement et la promotion de l’investissement dans les industries cinématographiques, l’augmentation de la compétitivité de l’industrie cinématographique algérienne et la diversification de la production cinématographique nationale, la promotion du goût artistique et de la culture cinématographique du citoyen ancrée dans les valeurs nationales et ouverte sur le monde, la valorisation des évènements historiques et des hauts faits de la résistance nationale et de la Révolution, la connaissance de l’histoire et la valorisation de la mémoire nationale, l’accès des citoyens à des contenus cinématographiques diversifiés et de qualité, la protection, la conservation et la valorisation du patrimoine et des archives cinématographiques, la promotion de la destination touristique algérienne, la protection et valorisation des droits de la propriété intellectuelle des œuvres cinématographiques, la sensibilisation environnementale, la sensibilisation aux questions de protection de l’environnement et le développement durable».
Selon l’article 7, les activités relatives à l’industrie cinématographique s’exercent par des personnes physiques de nationalité algérienne et/ou personnes morales de droit algérien, «conformément à la législation et réglementation en vigueur».
L’exercice des activités de production et de distribution et d’exploitation de films cinématographique dans les salles, multiplex de salles de cinéma et espaces de projection publics, sont soumises à l’immatriculation au registre de commerce et «à l’obtention d’une autorisation délivrée par les services concernés sous tutelle du ministère chargé de la culture».
«Toutefois, l’exercice des activités relatives aux services cinématographiques ainsi que les activités d’exploitation cinématographiques à travers les supports d’enregistrement et de diffusion sur les plateformes numériques sont soumises à l’immatriculation au registre de commerce et à déclaration auprès des services concernés sous tutelle du ministère chargé de la culture contre remise du récépissé de dépôt. Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire», est-il indiqué dans l’article 8.
L’article suivant indique que tout refus de délivrance de l’autorisation ou de récépissé de dépôt pour l’exercice des activités cinématographiques, «doit être motivé et notifié à l’intéressé dans un délai de quinze (15) jours de la date du dépôt du dossier et il est susceptible de recours auprès du ministre chargé de la culture dans les délais fixés à la législation en vigueur».
Les distributeurs tenus de présenter tous les six mois la liste des films distribués
Le projet de loi est divisé en plusieurs titres et chapitres. Il s’agit de : production cinématographique,distribution cinématographique, l’exploitation cinématographique, visas, registre public national du cinéma, soutien à l’industrie cinématographique, métiers du cinéma et de la déontologie de l’activité cinématographique, De la constatation des infractions et des sanctions, pénalités administratives.
Les distributeurs de films sont, selon l’article 23, tenus de présenter aux services concernés du ministère de la Culture, tous les six mois, la liste des films distribués au niveau national, la liste des films importés et exportés, les données et statistiques sur l’exploitation commerciale de tout film, les principales actions entreprises pour la promotion publicitaire de chaque film distribué.
L’exploitation des salles, des multiplex de salles de cinéma et des espaces de projection publics de films est soumise à une autorisation et à un cahier de charges (article 25 et 26). Selon l’article 31, un film peut faire l’objet d’une exploitation par tous supports d’enregistrements destinés à l’usage privé du public, après expiration de six mois suivant sa première projection en salles de cinéma en Algérie.
Ce délai peut être réduit ou prorogé sur autorisation délivrée par les services concernés sous tutelle du ministère chargé de la culture «au vue des résultats de son exploitation en salles de cinéma et multiplex de salles de cinéma, après accord du producteur ou du détenteur des droits d’exploitation».
«L’exploitation de films cinématographiques par les plateformes électroniques et chaînes de télévision est soumise à un contrat entre le producteur ou le détenteur des droits de distribution et les responsables des plateformes ou les responsables des chaînes de télévision», est-il souligné dans l’article 35.
Le visa d’exploitation d’une œuvre cinématographique, accordé par la commission du visionnage du ministère de la Culture, est délivré dans un délai n’excédant pas trente jours qui suivent le dépôt de la demande. Sont exemptés du visa d’exploitation les les films produits à des fins de promotion des activités et produits industriels ou commerciaux nationaux, les films produits à des fins éducatives ou d’enseignement ou de formation, les films produits aux fins de sensibilisation sur la santé publique et les films ayant pour but la promotion de la communication institutionnelle.
Introduction d’une classification des films, selon les âges
L’article 38 a introduit une classification obligatoire des films à projeter en salle:» film destiné au large public», « film interdit aux enfants de moins de 12 ans, lorsque son contenu comporte des scènes de violence ou qu’il est susceptible de troubler la sensibilité des enfants», «film interdit aux enfants de moins de 16 ans lorsque le film comporte des scènes d’extrême violence ou qui frisent la sensibilité des enfants», «film destiné aux enfants «.
«Ces mentions doivent être affichées par l’exploitant dans les lieux de projection cinématographique et sur toutes affiches ainsi que dans les annonces publicitaires et dans les génériques de films de manière visible et apparente», est-il indiqué.
Un registre public national du cinéma sera créé au ministère de la Culture. Il s’agit d’un système de suivi de la production et distribution des films cinématographiques algériens. Les modalités de tenue, d’organisation et de fonctionnement du registre public national du cinéma sont fixées par voie réglementaire. L’enregistrement au registre public national du cinéma est obligatoire pour les producteurs et distributeurs des films (article 44 et 45). En matière de soutien à la production cinématographique, le projet de loi prévoit «des avantages et des mesures incitatives prévus par la législation en vigueur» pour les investisseurs.
Les investisseurs dans les domaines relevant de l’industrie cinématographique peuvent bénéficier des biens relevant du domaine privé de l’Etat et du domaine des collectivités locales, à l’effet de réaliser des projets d’investissement conformément aux modalités prévues à la législation en vigueur (...) le bénéficiaire de privilèges accordés au titre de promotion et d’encouragement de l’investissement dans l’industrie cinématographique est tenu de maintenir l’activité pour laquelle les dits privilèges avaient été accordés et ce pour une durée d’au moins dix (10) ans à compter de la date de commencement de son activité», est-il stipulé dans les article 44 et 45.
Dans l’article 51, il est prévu l’installation de la commission d’aide au cinéma : «Il est créé auprès du ministre chargé de la culture, une commission d’aide au titre de soutien public à l’industrie cinématographique, elle est chargé d’étudier les demandes d’attribution d’aide au titre de soutien à l’industrie cinématographique et d’émettre son avis technique. Les normes et les conditions d’attribution d’aide au titre de soutien public à l’industrie cinématographique ainsi que la composition et les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par voie règlementaire», est-il mentionné dans cet article.
«Tout bénéficiaire de l’aide à l’industrie cinématographique tenu de réaliser son projet»
«Sauf cas de force majeure, de situation d’urgence, tout bénéficiaire de l’aide au titre de soutien public à l’industrie cinématographique, est tenu de réaliser son projet pour lequel cette aide avait été accordée, dans un délai de dix-huit (18) mois qui suivent sa signature d’une convention(...)L’intéressé est notifié lors d’expiration des délais (...) et lui accordé un délai de trente (30) jours pour présenter les justifications ayant empêché le lancement effectif de réalisation des projets, sous peine de résiliation de la convention conclue.
Le bénéficiaire d’aide est tenu, après la résiliation de la convention, de restituer les fonds octroyés sous peine des sanctions», est-il noté dans l’article 53.
Le FDATIC ( Fonds d’aide aux arts et techniques de l’industrie cinématographique) a, pour rappel, été dissous, fin décembre 2021, suscitant des inquiétudes au sein des professionnels.
Le FDATIC est l’unique source de financement public du cinéma. Ce Fonds sera rétabli, selon des sources informées. Une réunion s’est tenue entre des représentants du ministère de la Culture et des Finances, en date du 17 décembre 2023, pour étudier les modalités de reprise de ce fonds aux fins de continuer à soutenir l’industrie cinématographique en Algérie. Lors de la même réunion, il a été étudié la possibilité de trouver des formules pour un financement bancaire des productions de films ainsi que des facilités fiscales.
Lors du Conseil des ministres du 10 décembre 2023, il a été annoncé l’engagement de l’Etat à financer les œuvres cinématographiques «jusqu’à 70% à travers des crédits bancaires, tout en aidant les gens du secteur à réaliser des studios de tournage et des villes cinématographiques». Pour rappel, le FDATIC était alimenté, avant sa fermeture, par un taux prélevé sur les bénéfices des opérateurs de téléphonie mobile et par les recettes publicitaires.
Création d’une commission de déontologie
Le projet de loi sur l’industrie cinématographique prévoit aussi, en son article 61, la création d’une commission d’intermédiation, de l’éthique et de la déontologie de l’activité cinématographique. Cette commission élabore «un code de l’éthique et de la déontologie de l’activité cinématographique, veille à son respect et la médiation entre les professionnels du cinéma au sujet des différends découlant de l’exercice de leurs activités cinématographiques». Un texte d’application précisera davantage les missions de cette commission.
Le ministère de la Culture et des Arts prévoit, d’après les mêmes sources, la création d’un Centre national du cinéma. Lors du même Conseil des ministres de décembre 2023, le président Abdelmadjid Tebboune a ordonné la création d’une instance nationale «dont les missions seront attribuées aux gens du secteur afin de superviser l’activité cinématographique et de relancer ce domaine vital, notamment avec la production, ces dernières années, d’excellentes œuvres dramatiques et l’émergence de jeunes talents en actorat et en réalisation».
En matière de formation, l’Institut national supérieur du cinéma sera installé à Koléa (Tipaza). Des dispositions légales et organisationnelles sont en préparation pour permettre son ouverture prochaine, probablement en septembre 2024.
«Les entreprises de production cinématographiques sont tenues d’employer durant les périodes de tournage, dans une proportion d’au moins dix pour cent (10%) de leurs effectifs globaux, des stagiaires des établissements de formation dans les métiers du cinéma, et bénéficient à ce titre des avantages prévus par la législation et réglementation en vigueur», est-il indiqué dans l’article 57 du projet de loi.
Les professionnels du cinéma auront un statut particulier qui sera fixé par voie réglementaire (article 59). «Il est créé auprès du ministre chargé de la culture une commission pour l’étude des demandes de délivrance de la carte professionnelle du cinéma. La carte professionnelle du cinéma est délivrée par les services concernés sous tutelle du ministère chargé de la culture après avis de la commission.
La composition de la commission pour l’étude des demandes de délivrance de la carte professionnelle du cinéma ainsi que les modalités de son fonctionnement sont fixées par voie règlementaire», est-il détaillé dans l’article 60.
Des contrôleurs et des inspecteurs du cinéma sont, selon l’article 63, chargés d’effectuer des visites périodiques ou inopinées dans les salles et multiplex de salles de cinéma et dans tout autres espaces de projection public ainsi que dans les locaux de vente et de location des supports contenant des enregistrements de films cinématographiques destinés à l’usage privé du public et dans les plateformes électroniques.