Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé, dans une interview accordée à la chaîne Al Jazeera, sur plusieurs sujets et dossiers de l’heure, comme la crise entre l’Algérie et le Maroc, les relations algéro-françaises, la cause palestinienne et le conflit en Ukraine.
Le chef de l’Etat a dit clairement que les relations avec le Maroc «ont atteint le point de non-retour». Regrettant de voir les relations entre ces deux pays voisins atteindre ce niveau de dégradation jamais égalé, le président Tebboune a précisé que l’Algérie n’a fait que réagir à une situation qui lui a été imposée par un régime marocain hostile et expansionniste.
En effet, la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc le 24 août 2021 a été la conséquence directe d’une série interminable d’attaques à l’égard de l’Algérie. Migrants, drogues, terrorisme, atteinte à l’emblème national, agressions de ressortissants algériens, accusations farfelues sur les réfugiés sahraouis, le Makhzen a usé de tous les moyens pour porter atteinte à la stabilité et à la sécurité de l’Algérie.
L’hostilité du régime marocain envers l’Algérie a franchi un nouveau seuil avec l’assassin en novembre 2021 de trois ressortissants algériens dont le camion de transport de marchandises a été pulvérisé par le tir d’un drone aux environs de la région de Aïn Ben Tili, près de la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie.
Dans un communiqué, la présidence de la République avait vivement condamné ce crime barbare, affirmant que «plusieurs facteurs» désignaient «les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental comme ayant commis, avec un armement sophistiqué, ce lâche assassinat».
Aussi, le très sérieux quotidien El Pais avait affirmé, en citant des sources du renseignement espagnol, que «l’attaque a eu lieu avec des drones», tout en mettant en doute l’hypothèse d’une éventuelle bavure. La normalisation du régime marocain avec l’entité sioniste en décembre 2020 a également contribué à l’accélération de la détérioration de ses relations déjà tendues avec l’Algérie.
Depuis son indépendance, l’Algérie a considéré la cause palestinienne comme centrale. Et elle le demeure toujours. «La cause palestinienne est une cause centrale et une question quasi interne pour l’Algérie», a d’ailleurs souligné le chef de l’Etat dans son interview à la chaîne qatarie.
Pas de problème avec l’Espagne, mais avec Sanchez
Sur un autre volet, celui des relations algéro-espagnoles qui ont également connu des tensions depuis plus d’une année, le président Tebboune a assuré que l’Etat algérien n’a pas de problème avec l’Espagne en tant que pays et peuple, mais plutôt avec le gouvernement actuel, à sa tête le président du gouvernement socialiste Pedro Sanchez, qui a renié la position historique de son pays sur le conflit du Sahara occidental.
En effet, le gouvernement Sanchez s’est démarqué de la neutralité espagnole dans le conflit du Sahara occidental en affirmant soutenir le plan marocain d’autonomie à la place du principe onusien pour l’autodétermination des peuples. «Nous considérons la position de l’Espagne vis-à-vis du Sahara occidental comme une position individuelle du gouvernement Sanchez (…)», a affirmé le chef de l’Etat, précisant que le gouvernement Sanchez «s’est aligné avec des attitudes secrètes qui ne le déchargent pas de ses responsabilités» dans le dossier du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole.
Selon le président Tebboune, cette crise entre Alger et Madrid, qui a éclaté en juin 2022 et qui a poussé l’Algérie à suspendre le traité d’amitié avec l’Espagne, n’a pas affecté les échanges commerciaux entre les deux pays. Des échanges, a-t-il précisé, qui se poursuivent et qui s’effectuent essentiellement entre le secteur privé des deux pays.
Fin de la brouille avec la France ?
Le président Tebboune est également revenu sur les relations algéro-françaises qui connaissent une nouvelle brouille. Il a affirmé dans ce sillage que les relations entre ces deux pays sont «fluctuantes». Le chef de l’Etat a annoncé, à l’occasion, le retour prochain de l’ambassadeur de l’Algérie à Paris. Il faut préciser que l’ambassadeur de l’Algérie en France, Saïd Moussi, a été rappelé le 8 février 2023 pour protester contre ce qui convient d’appeler l'«affaire Bouraoui», une militante qui, avec l’aide des personnels diplomatiques et sécuritaires français, a pu, le 6 février, rejoindre la France via la Tunisie, malgré une interdiction de sortie du territoire algérien. L’affaire est entre les mains de la justice.
Interrogé sur la Tunisie, le président Tebboune, qui entretient d’excellentes relations avec son homologue tunisien, a affirmé que ce voisin de l’Est fait face à un «complot» visant sa stabilité, assurant que «l’Algérie sera à ses côtés, n’en déplaise à certains».
«Relations stratégiques» avec l’Italie
S’agissant des relations algéro-italiennes, le président les a qualifiées de «stratégiques, historiques et très solides, remontant à l’époque de la Guerre de Libération». Des relations en développement constant qui ne remettent nullement en cause les engagements de l’Algérie avec ses autres partenaires.
Le président Tebboune, qui a reçu en janvier dernier la présidente du Conseil des ministres italien, Georgia Meloni, a précisé que «l’accord sur l’énergie avec l’Italie couvre l’électricité, le gaz et l’hydrogène, et nous œuvrons à le mettre en œuvre en coopération avec l’Europe».
Médiation dans la crise ukrainienne
Interrogé sur la crise en Ukraine, le chef de l’Etat a considéré que l’Algérie est dans une posture qui lui permet de «jouer un rôle de médiation» dans cette crise qui impacte le monde entier.
M. Tebboune a poursuivi en assurant que l’Algérie fait partie aujourd’hui des «rares pays à jouir de la crédibilité nécessaire pour s’acquitter de cette mission». Il a assuré que sa visite en Russie en mai prochain constituera une opportunité d’aborder cette crise avec le président russe Vladimir Poutine.
L’Algérie entretient d’excellentes relations avec la Russie. Des relations qui remontent à l’époque soviétique.