L’affaire de M’chedallah (Bouira) a fait réapparaître le discours de la haine, notamment sur les réseaux sociaux, devenus un défouloir de toutes les formes de racisme. Des propos haineux rapportés, ou juste partagés par beaucoup de pages ou des personnes identifiées.
Le «communiqué» signé par une supposée organisation de la société civile d’Oran s’en prenant au chanteur Aït Menguellet, qui devra se produire dans cette ville le 21 avril courant, en est la parfaite illustration.
Même s’il s’agit probablement d’une «fake», dans le sens où ladite organisation n’a pas d’existence effective, le document, comportant moult clichés, propos racistes, diffamatoires et attentatoires à l’honneur d’une personne, a largement circulé sur les réseaux sociaux.
Bien entendu, cela ne veut nullement dire que cela aurait des conséquences sur le terrain, les billets du gala que devra animer le chanteur étant déjà épuisés, néanmoins l’acte, survenu au lendemain de la première affaire citée plus haut, qui a été marquée par des attaques sur les réseaux envers une région du pays, cette même région dont est issu le chanteur, peut être porteur de dangers.
«Honteux et révoltant», considère Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), qui relève que «même l’icône de la chanson kabyle Lounis Aït Menguellet n’a pas échappé à la diabolisation et au lynchage, alors que la loi contre les discours de la haine et la discrimination existe bel et bien».
«La situation risque de déraper si la question n’est pas prise sérieusement en charge par les autorités et les gens éclairés et de bon sens», a-t-il alerté. Des militants, journalistes ou acteurs du mouvement associatif sont également allés dans le même sens.
Passivité
Si des jeunes ont été interpellés et poursuivis par la suite pour un «appel à attroupement non armé», il semblerait que l’appareil judiciaire est moins réactif, lorsqu’il s’agit de discours de la haine. Pourtant, un arsenal juridique a été mis en place en 2000 afin d’y faire face.
Il s’agit de la loi n° 20-05 du 28 avril 2020 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine qui prévoit, entre autres, la mise en place d’un observatoire national de la prévention de la discrimination et du discours de haine, qui est placé auprès du président de la République, ainsi que des peines de prison allant jusqu’à dix ans, dans certains cas, pour les promoteurs de ce discours.
Or, très peu d’affaires (on citera à ce titre celle impliquant un jeune de Annaba, condamné par la suite, qui avait lancé des appels à la violence contre la Kabylie dans un contexte marqué par l’assassinat du jeune Djamel Bensmail en août 2021) ont atterri devant les tribunaux.
Deux politiques, l’un ex-député et l’autre ex-sénateur, se sont illustrés également par un discours raciste, stigmatisant toute une région, qu’ils ont épisodiquement tenu pendants de longs mois. Si dans le cas de l’un, en l’occurrence Naima Salhi, une plainte a abouti à une mise sous contrôle judiciaire, Abdelouahab Benzaim lui n’a jusque-là pas été inquiété.
Une passivité vis-à-vis de ce genre de discours qui finalement appelle à d’autres dérapages tout aussi assumés et aux conséquences tout aussi fâcheuses.
Si, bien entendu, le plus gros de ceux qui adoptent le discours de la haine le font d’une manière anonyme, certains s’affichent et assument leurs propos en défiant les lois de la République. La loi n°20-05 a été justement adoptée dans l’objectif de lutter contre le discours de la haine qui peut être porteur de dangers pour l’unité de la nation.
Or, jusque-là, il semblerait que sur ce plan, la situation ne semble pas beaucoup évoluer par rapport à la période d’avant l’adoption de ce texte.
Lexique :
- Discours de haine : Toutes les formes d’expression qui propagent, encouragent ou justifient la discrimination ainsi que celles qui expriment le mépris, l’humiliation, l’hostilité, la détestation ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leurs sexe, race, couleur, ascendance, origine nationale ou ethnique, langue, appartenance géographique, handicap ou état de santé.
- Discrimination : Toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur le sexe, la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, la langue, l’appartenance géographique, le handicap ou l’état de santé, ayant pour but ou pour effet d’entraver ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique.
- Formes d’expression : Paroles, écrits, dessins, signes, photographies, chants, comédies ou toute autre forme d’expression, quel que soit le support utilisé.
(Source : loi 20-05 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine)