Le monde culturel et Ghaza : Quand les artistes se mobilisent pour la Palestine

29/02/2024 mis à jour: 23:15
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«Free Palestine», œuvre de l’artiste libanaise Raphaëlle Macaron - Photo : D. R.

Depuis le début de la guerre contre Ghaza, il ne se passe quasiment pas un jour sans que des artistes, des écrivains, des poètes et autres figures du monde de la culture à l’échelle mondiale ne se fendent d’un mot, d’un geste, d’une œuvre, pour exprimer leur soutien au peuple palestinien.

Vendredi 23 février 2024. Paris. Salle l’Olympia. C’est la 49e cérémonie des Césars. La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, auteure du bouleversant Les filles d’Olfa, vient de remporter le César du meilleur film documentaire. 

Emue, Kaouther ne cède pas à l’euphorie et n’oublie pas un mot du texte qu’elle a dû se répéter pour le cas où c’est elle qui serait l’heureuse récipiendaire de la prestigieuse récompense attribuée par le cinéma français. Un mot-clé tourne en boucle dans sa bouche : Ghaza. Aussi, elle n’hésite pas à profiter de la tribune qui lui est offerte au moment de recevoir son prix pour dénoncer les massacres perpétrés à Ghaza. «Nous savons tous que les films ne changent pas le monde, mais ils changent notre rapport au monde.

Et c’est pourquoi je pense qu’on devrait utiliser un peu notre notoriété pour défendre la justice dans ce monde, car on vit dans un monde où les criminels de guerre paradent en toute impunité pendant que quelqu’un comme Julian Assange croupit en prison», martèle la cinéaste tunisienne. Et de poursuivre : «En parlant de journalisme et de liberté d’expression, je ne sais pas si vous le savez, mais il y a 70 journalistes qui ont été ciblés et tués à Ghaza dans l’enclave interdite aux journalistes.

Dire aujourd’hui ‘‘arrêtez de tuer des enfants’’ devient une revendication radicale. C’est complètement hallucinant ! On ne va pas se taire, on ne va pas se laisser intimider. Il faut que le massacre cesse ! Il faut qu’on utilise notre notoriété parce que ce qui arrive là-bas est tellement horrible. Personne ne peut dire je ne savais pas. C’est le premier massacre en Live Stream, en direct sur nos téléphones. Il faut que ça s’arrête !»

Ghaza s’invite à la Berlinale

Il faut dire que depuis le début de la guerre contre Ghaza, il ne se passe quasiment pas un jour sans que des artistes, des écrivains, des poètes et autres figures du monde de la culture à l’échelle mondiale ne se fendent d’un mot, d’un geste, d’une œuvre, pour exprimer leur soutien au peuple palestinien.

Au lendemain de la cérémonie des César à Paris, c’est la soirée de clôture du Festival international du film de Berlin – la fameuse «Berlinale» – auquel a participé notre ami le réalisateur Abdenour Zahzah avec son film sur Frantz Fanon. Et là aussi, le «sujet Ghaza» est en haut de l’affiche. «Samedi soir, lors de la cérémonie de clôture de la Berlinale, plusieurs cinéastes ont exprimé leur soutien aux Palestiniens» écrit Télérama.

Le magazine note que «cette soirée de gala a viré au meeting en faveur de la cause palestinienne». «Sous les projecteurs installés pour les stars, les appels au cessez-le-feu à Ghaza ont été nombreux, de celui qui était glissé timidement, avec l’air de ne pas vouloir déranger, à celui clamé avec une volonté de trouble-fête.

Portant le keffieh, le cinéaste américain Ben Russell (coauteur du documentaire Direct Action) a dénoncé un ‘‘génocide’’», détaille Télérama. Autre tribune de choix : celle des BAFTA (British Academy Films Awards), équivalent des Oscars en Grande-Bretagne, qui s’est tenue le 19 février à Londres. Et cette 77e cérémonie des BAFTA a été marquée là encore par des gestes de soutien à la Palestine de la part de cinéastes de renom, comme Ken Loach.

Ce dernier était nominé avec son film Old Oak (Vieux chêne), et il a profité de l’événement pour appeler à un «cessez-le-feu permanent et durable» à Ghaza. On le voit sur plusieurs photos posant avec son équipe, dont l’un des membres, en l’occurrence le scénariste Paul Laverty, brandit cette pancarte : «Gaza : Stop the massacre».

Même scénario en Espagne où a eu lieu, le 10 février dernier, la 38e cérémonie des Goya, la plus importante cérémonie de remise de prix du cinéma espagnol. Là aussi, plusieurs acteurs et autres professionnels du 7e art ont appelé à l’arrêt des massacres à Ghaza. D’aucuns parmi eux arboraient un autocollant en forme d’une pastèque, ce fruit qui rappelle les couleurs du drapeau palestinien et érigé du coup en emblème de la Palestine. Les autocollants étaient accompagnés de ce slogan : «Arrêtez le commerce des armes, cessez-le-feu maintenant».

L’art contemporain se bouge aussi

Dans le monde de l’art contemporain également, des voix se sont élevées en solidarité avec les Palestiniens. Dès le 19 octobre, Artforum, le grand magazine américain dédié à l’art contemporain, a publié un texte sous le titre : «Lettre ouverte de la communauté artistique aux institutions culturelles». Ce texte a recueilli dès le 23 octobre plus de 8000 signatures évoluant dans les arts visuels.

Ce texte courageux dénonçait «le silence institutionnel autour de la crise humanitaire actuelle à laquelle 2,3 millions de Palestiniens sont confrontés dans la Bande de Ghaza, occupée et assiégée», et mettait déjà en garde contre «l’escalade vers un génocide». En France, le 7 novembre, une déclaration signée par plus de 4000 artistes de toutes disciplines était diffusée sous le titre éloquent : «La scène culturelle française en soutien au peuple palestinien».

Extrait : «Nous, artistes, auteurs et autrices, travailleurs et travailleuses de l’art, appelons à une mobilisation collective pour soutenir l’effort de solidarité envers la Palestine occupée. D’abord, il est urgent que soit prononcé un cessez-le-feu.

Nous demandons la réouverture des passages vers Ghaza et la reprise du réapprovisionnement en eau, nourriture, fuel, électricité, internet, soins et médicaments, ainsi que la levée du blocus de Ghaza, illégal selon le droit international.» Et l’on ne compte pas le nombre de concerts, de rencontres littéraires ou poétiques, de pièces de théâtre, de performances, d’expos, de débats, et autres événements culturels consacrés à la Palestine aux quatre coins du monde, et qu’il serait difficile de recenser ici.

Outre les prises de position directes, de nombreux artistes se sont évertués à travers leur médium (musique, photographie, vidéo, œuvres picturales, poésie…) à traduire la tragédie de la Palestine meurtrie.

Ainsi cette chanson du groupe de rock égyptien Cairokee intitulée «Telq Qadhiya» (Cette cause-là) dont les paroles font immanquablement penser à Ghaza. «La chanson est sortie le 30 novembre 2023, presque deux mois après le début de la guerre génocidaire sur Ghaza.

L’annonce en a été faite sur les comptes officiels du groupe sans fioriture ni discours grandiloquent. Mais la chanson a fait plus d’un million de vues sur la seule chaîne YouTube du groupe, et a été reprise fin décembre par la chaîne libanaise Al-Mayadeen, illustrée par des vidéos de bombardements à Ghaza» écrit Orient XXI avant de relever : «Si les mots ‘‘Ghaza’’ ou ‘‘Palestine’’ ne figurent nulle part dans le texte, tout le monde sait bien de quoi il est question, et quel ordre mondial – mis à nu par la situation dans les territoires occupés – cette chanson vient pointer du doigt.»


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