Dans le cadre des «Mercredis du verbe» de l’Établissement arts et culture de la wilaya d’Alger, l’espace des activités culturelles Bachir Mentouri a accueilli, mercredi dernier, le journaliste, poète et auteur Lazhari Labter pour la présentation de son dernier ouvrage intitulé Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur, publié par les éditions Koukou en 2024.
Au grand bonheur de ses nombreux lecteurs, l’auteur Lazhari Labter est venu parler de son dernier-né, Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur. C’est avec beaucoup d’amour et de passion que Lazhari Labter parle de la poétesse algérienne d’expression française. D’emblée, l’orateur tient à apporter une précision de taille. Anna Greki n’est pas une amie de l’Algérie, mais une Algérienne complètement, à l’image de Maurice Audin, Henri Maillot, Pierre Chaulet ou encore Frantz Fanon. Lazhari Labter confie qu’il a fait la connaissance de l’œuvre de la poétesse quand il est arrivé à la faculté d’Alger en 1974 alors qu’il était étudiant au département de français.
La poésie d’Anna Gréki était enseignée à l’université avec un module complet. Notre orateur indique fièrement qu’il a eu à travailler sur l’œuvre d’Anna Gréki pendant six mois. Mieux encore, il rappelle que ses écrits littéraires figuraient dans les manuels scolaires de l’époque. «En découvrant la poésie d’Anna Gréki, cela a été un véritable choc et un coup de foudre à la fois. Ce coup de foudre, je le garde encore aujourd’hui. Je suis comme ébloui et émerveillé quand je lis Anna Gréki. C’est l’une des voix les plus puissantes et déchirantes à la fois. Pour moi, c’est une étoile éblouissante qui ne s’éteint jamais dans le ciel», dit-il avec admiration.
RÉCIT POÉTIQUE
Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur n’est pas une biographie d’Anna Gréki, mais un récit poétique qui imbrique vérité documentaire et vérité imaginaire. Notre interlocuteur précise qu’il y a eu des écrits sur Anna Gréki, émanant d’auteurs et algériens, dont le poète et auteur Abderrahmane Djelfaoui et la poétesse et traductrice Lamis Saïdi.
A ce propos, il confesse que c’est en lisant l’ouvrage de Lamis Saîdi intitulé Juste au-dessus du silence, publié par les éditions Terrasses créées à Marseille, rassemblant des poèmes issus de deux recueils d’Anna Gréki, accompagnés d’articles de la militante anticolonialiste, qu’il s’est dit que, pour qu’une œuvre naisse, c’est qu’elle «nous habite depuis longtemps».
Ce livre de Lamis Saîdi a été, pour ainsi dire, le déclencheur du dernier livre de Lazhari Labter. Il s’est ainsi attelé à la tâche. Il a commencé à écrire. Mais écrire sur quoi, sachant qu’Anna Greki est l’une des plus grandes poétesses algériennes ? C’est une femme qui s’est engagée corps et âme pour la cause algérienne. Comment faire pour écrire d’une façon politique et poétique ? s’est interrogé au début de la rédaction de son livre Lazhari Labter.
De ce fait, l’idée lui est venue de faire un livre à deux voix, voire à deux narrateurs. Elle et lui. Elle, la poétesse, s’exprime en italique, tandis que «lui» est imaginaire ou encore des faits historiques.
Par ailleurs, au fil de ses recherches, l’auteur s’est vite rendu compte qu’il n’y avait aucune documentation entre 1949 et 1954 sur la flamboyante histoire d’amour entre Anna Greki et le militant et enseignant algérien Sid Ahmed Inal - tous deux âgés de 24 ans à l’époque - décédé le 1er novembre 1956 à Ben Badis, après avoir été capturé et torturé par l’armée française durant la guerre d’Algérie. Même sur le passage d’Anna Greki à Tunis pour se mettre au service du FLN, il n’y a pas grand-chose.
DEUX ANNÉES DE RECHERCHE
Pour Lazhari Labter, il y a des choses connues et des moments vides. Il souligne que ce travail de recoupements des faits historiques a nécessité deux années de recherche. Le fils d’Anna Gréki, à savoir, Laurent, dessinateur, illustrateur et affichiste français, confie à Lazhari quelques précieux documents, trouvés dans une malle qui n’a pas été ouverte depuis 1966 : des photos et quelques notes de sa défunte mère.
La chance sourit une deuxième fois à Lazhari Labter, puisque grâce à Djaffaer Inal, l’un des frères du défunt Sid-Ahmed Inal, elle permet de consulter quelques documents exhumés d’une boîte d’archives. Une fois tous ces documents en sa possession, Lazhari Labter se retrouve avec une énigme : mais où est enterrée Anna Greki ? Après avoir fait les quatre cimetières chrétiens d’Alger… en vain. Par la suite, il entreprend des recherches au niveau des archives du quotidien El Moudjahid. Il trouve un article, mais sans pour autant trouver le lieu du cimetière.
Il écrit même à la mairie d’Avignon (Anna Gréki est native de sa région) qui lui recommande de voir avec la mairie de Toulouse. Au final, il découvre que les cendres et la valise d’Anna Gréki ont été transférées à Avignon, en France, et ce, sur décision de son époux Jean-Claude Melki. L’incipit de Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur commence par la naissance d’une fille, baptisée Houria (liberté).
Un hommage à la poétesse Anna Gréki, sachant qu’elle est morte le 6 janvier 1966 pendant son deuxième accouchement, à l’hôpital Mustapha à Alger.
En résumé, Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur de l’auteur Lazhari est un ouvrage qui fourmille d’informations précises et précieuses sur cette grande poétesse et militante algérienne.
Il apporte un éclairage intéressant sur un des pans de la personnalité de cette femme d’exception. Un ouvrage à lire absolument !