Un siècle d'Afrique coloniale et post-coloniale, un siècle d'Afrique française, commencé dans la conquête et la tutelle, poursuivi dans une décolonisation, sous forte influence. C'est le moins que l'on puisse penser, si l'on se réfère à l'attitude indigne du président ivoirien, très mal placé pour parler de démocratie, puisqu'il a trituré la Constitution de son pays pour rester au pouvoir. De plus, même s'il n'est pas partie prenante dans cette crise nigérienne, il s'est proclamé, malgré tout, porte-voix des va-t-en-guerre.
Plus royaliste que le roi ! N'est-il pas curieux et étrange qu'au même moment, une autre voix, celle de son ami, le pyromane Sarkozy, pourtant plus près des tribunaux, pour répondre de ses méfaits, que des joutes politiques, décrète (à quel titre !) l'imminence de la guerre ! N'est-il pas échaudé par son rôle criminel en Libye en 2011 ? Ce n'est là qu'un aperçu d'un énième échec de l'empire colonial français aveuglé par sa puissance. Une puissance tracée par le Congrès de Berlin, en 1885, qui l'a bien servi, lui réservant la partie belle, en faisant main basse sur des sous-continents africains (Afrique équatoriale française et Afrique occidentale française).
Nul besoin de revenir sur la cohorte funèbre des événements qui ont marqué le continent durant cette période dominée par des républiques «bananières», voire folkloriques, termes condescendants et de dérision inventés par l'occupant qui se targuait, pourtant, de sa vocation universaliste et civilisatrice. Je me souviens d'une de mes lectures de jeunesse, d'André Gide qui, persuadé des bienfaits de la colonisation, avait changé d'avis, après son séjour en Afrique marqué par une prise de conscience, en dénonçant, à l'époque déjà, au milieu des années vingt, avec vigueur, les graves abus et dérives dont les «indigènes» étaient victimes qu'il fera connaître au monde entier dans son livre Voyage au Congo paru en 1928.
L'ouvrage du futur prix Nobel 1947, selon la chronique, avait fait grand bruit, pas seulement dans les rédactions, mais en Afrique subsaharienne et qui n'a finalement conservé du monde blanc que sa caricature, en faisant l'objet de massacres sempiternels, l'anarchie de ses concentrations urbaines, la famine, les ravages des guerres récurrentes au Mozambique, en Angola, au Soudan, au Rwanda, au Liberia, au Tchad, en Centrafrique, en Sierra Leone, en Côte d'Ivoire, au Congo... sans compter les maladies, dont le sida qui a choisi l'Afrique comme épicentre.
Cette régression n'est guère une fatalité. L'échec est dû à une pénétration politique et économique importée et inadaptée et aux élites dirigeantes corrompues, obnubilées par un pouvoir décadent, souvent miné par des luttes intestines. Négligeant l'émergence de nations bâties sur la combinaison héréditaire des sentiments, des coutumes, d'aspirations communes qui fortifient l'unité et la stabilité.
Comme on le constate en cet été 2023, au Niger, l'Occident n'a pas renoncé à ses volontés premières qui consistent à garder le cap, en défendant obstinément la continuité du franc CFA, en propageant l'influence lézardée, en recourant à des prétextes trompeurs et illusoires, comme la diffusion universelle des droits de l'homme et la sauvegarde de la démocratie.
La voix du peuple nigérien, pris en tenaille, qui crie famine aggravée par les mesures restrictives et punitives prises à son encontre par les grands décideurs, et qui manifeste tous les jours pour le faire savoir, est hélas inaudible. N'est-il pas concerné par les droits de l'homme et n'est-il destiné qu'à la mort, puisque dans l'agression qui s'annonce, il est le premier visé et la première victime.
Les principes d'humanité seraient-ils à géométrie variable ? Tout ceci nous amène à conclure que le réflexe colonial n'a pas changé d'un iota, gardant l'appétit des conquêtes et celui de la sauvegarde «barbouzière» des richesses des concessions «intouchables» du sous-sol nigérien qu'il accapare sans coup férir.