La politique des USA au Moyen-Orient s’inscrit dans la continuation du jeu machiavélique joué par la Grande-Bretagne dans cette région du monde où elle s’est employée à créer un foyer de tension permanent.
En effet, la politique des USA, dans le conflit du Moyen-Orient, a consisté, avec une singulière constance, sous les différentes administrations républicaines et démocrates, à déstabiliser cette région par un soutien prétendument aveugle à l’Etat d’Israël en favorisant le clan du Likoud (extrême-droite) au détriment de celui favorable à la paix.
Les USA se sont distingués dans ce conflit par un blocage systématique de toute initiative de paix et le maintien d’un abcès permanent par le soutien inconditionnel de la politique annexionniste de l’Etat d’Israël.
Le président Kennedy, qui a payé de sa vie le fait d’avoir ignoré les véritables desseins poursuivis par les USA, déclarait en 1962 : «Ceux qui rendent l’évolution pacifique impossible rendront inévitable la révolution violente.»
Le soutien sans réserve des USA à la politique des colonies
Le feu vert donné par Washington à la décision d’Ariel Sharon, en août 2004, d’accroître les colonies en Cisjordanie ne fait que confirmer leur désir de faire perdurer cet abcès de fixation que sont les colonies, pour rendre la paix impossible.
D’ailleurs l’Israélien Jeff Halper, responsable du Comité contre les démolitions de maisons, confiait à ce propos au correspondant du journal le Monde (25/8/2004) : «Les diplomates américains ont besoin d’un prétexte pour justifier leur politique de soutien aux colonies.
Mais ils ne sont pas dupes. J’en ai souvent rencontré ici comme aux Etats-Unis. Je les ai accompagnés dans des tours en Cisjordanie». Ils savent qu’il ne s’agit pas de «croissance naturelle» ou «d’expansion verticale», ils savent que derrière ces termes, de nouvelles colonies sont en cours de construction.
«Leur attitude est complètement cynique.»
Il est donc clair que le soutien inconditionnel des Etats-Unis en faveur de l’Etat d’Israël durera tant que leur intérêt géostratégique restera une donnée fondamentale de leur politique de domination du monde par le contrôle des ressources pétrolières.
Ceci sans compter que les Etats du Moyen-Orient, Israël compris, sont, du fait de cette instabilité voulue, initiée et encouragée par Washington, les meilleurs clients d’armements du complexe militaro-industriel. Les armes viennent en tête des exportations américaines et représentent plus de 40% du total des ventes américaines.
Au moment où Madeleine Albright était ambassadrice auprès de l’Organisation des Nations unies, elle déclara au Conseil de sécurité : «Nous agirons de façon multilatérale quand nous le pourrons et unilatéralement quand nous le jugerons nécessaire, car nous considérons cette région du Proche-Orient comme étant d’une importance vitale pour les intérêts nationaux des Etats-Unis.»
Les colonies : un abcès de fixation contre la paix
Le problème des colonies constitue aujourd’hui le principal obstacle à la paix. Pourtant, si l’on devait se référer à la légalité, cet obstacle aurait dû être levé depuis bien longtemps, n’eût été la volonté des Etats-Unis de créer un abcès de fixation pour rendre la paix impossible.
En effet, la quatrième convention de Genève interdit à tout pays d’installer ses populations civiles sur les territoires acquis par la force militaire. D’ailleurs, les résolutions 446 et 465 du Conseil de sécurité font obligation à Israël d’évacuer ses implantations.
Bien qu’ayant soutenu ces résolutions, les Etats-Unis se sont toujours arrangés pour en empêcher l’application. Lors du débat public opposant Georges Bush père à Bill Clinton en 1992, ce dernier mit tout son zèle à appuyer la demande d’emprunt de dix milliards de dollars par Israël en affirmant que l’argent prêté irait à des logements pour les immigrés juifs de l’ex-Union soviétique, alors qu’à cette époque, Israël avait en réserve des milliers de logements disponibles. Un an plus tard, lors de la signature des accords d’Oslo, les Palestiniens demandèrent à ce que le problème des colonies soit immédiatement abordé.
Ce sont les Etats-Unis qui firent pression pour que cette question soit reportée. L’Administration Clinton permit, grâce à ce stratagème, d’offrir à Israël un délai de huit années pour lui permettre d’étendre les colonies à sa guise et mettre ainsi les Palestiniens devant le fait accompli.
Bill Clinton et les stratèges de l’Etat profond US étaient parfaitement conscients que ces colonies et leur peuplement (qui est passé de 250 000 à 400 000 colons durant les deux mandats Clinton), allaient constituer le principal obstacle à la paix.
Ce n’est donc pas un hasard si les Etats-Unis encouragent et soutiennent politiquement et financièrement l’extension des colonies dans les territoires palestiniens. Cela fait partie de leur stratégie pour rendre invivable un Etat palestinien et piéger l’Etat d’Israël en le rendant, pour au moins un siècle, dépendant militairement des Etats-Unis.
Dans une lettre adressée le 8 août 1994 à l’Assemblée générale des Nations unies, Madeleine Albright, représentante permanente des Etats-Unis suggéra : «Les textes des résolutions qui se rapportent aux problèmes du ‘statut final’ devaient être supprimés, puisque ces problèmes font actuellement l’objet de négociations entre les parties elles-mêmes. Il s’agit notamment des réfugiés, des colonies, de la souveraineté territoriale et du sort de Jérusalem.»
L’Etat profond US ne veut pas de la paix dans la région
Tirant et coupant à leur guise les ficelles du «processus de paix», les Etats-Unis ont systématiquement rejeté l’idée d’une conférence internationale sur le Moyen-Orient, sous l’égide de l’ONU, dont les discussions auraient pu déboucher sur un accord de paix entre toutes les parties.
Leur jeu a consisté à privilégier les accords bilatéraux dans lesquels ils s’imposent en qualité «d’arbitres» pour mieux influencer, dans le sens qui leur convient, les parties en présence. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient toujours manœuvré pour renforcer le pouvoir des dirigeants israéliens radicaux issus du Likoud.
Il suffit pour s’en convaincre de rappeler l’attitude de l’Administration Clinton lorsque les travaillistes organisèrent, en collaboration avec l’OLP, des rencontres ultra secrètes en Norvège qui aboutirent aux accords d’Oslo en 1993, contournant ainsi la tutelle trop zélée du parrain américain.
Lorsqu’à la surprise générale ces accords furent portés à la connaissance de l’opinion publique internationale, alors que dans le même temps l’Administration Clinton, appuyée par le Congrès s’opposait publiquement à toute participation de l’OLP au processus de paix, le parrain rappela à l’ordre son gendarme régional et fit reprendre les discussions à… Washington où l’accord fut signé le 13 septembre 1993.
Voulant donner une couverture politique conséquente à leur Premier ministre, les négociateurs israéliens demandèrent aux représentants de l’Administration Clinton d’user de leur influence auprès de la droite pour faire accepter le respect des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et le principe de l’existence d’un Etat palestinien à l’intérieur de frontières viables.
L’Administration Clinton refusa net. L’Etat profond US n’est pas intéressé par la paix : il lui faut vendre des armes en gérant une instabilité permanente dans toute la région qui regorge de petro dollars. Maniant d’une main experte la carotte et le bâton pour faire plier les récalcitrants à sa politique d’armement, l’Etat profond US a plus d’un tour dans son sac pour les ramener à la raison.
En novembre 2001, le secrétaire d’Etat Colin Powel en fit les frais pour avoir un peu trop librement exprimé son opinion sur la question. Ainsi, 88 sénateurs signèrent une lettre, adressée au président Bush, lui demandant d’empêcher le secrétaire d’Etat de formuler toute critique à l’égard d’Israël dans le discours qu’il devait prononcer à l’université de Louisville.
Dans ce même courrier, ces sénateurs exigèrent que le président Bush n’empêche pas les ripostes d’Ariel Sharon et qu’il soutienne les attaques israéliennes tout en s’opposant à ce que les Etats-Unis fassent quoi que ce soit en faveur des Palestiniens.
Israël, pièce maîtresse de la stratégie anglo-américaine au Moyen-Orient
La réaction actuelle des USA dans le conflit entre la résistance palestinienne et l’Etat colonial d’Israël va dans le sens de la continuation de la politique menée par la Grande-Bretagne dans cette région depuis le début du XXe siècle.
Il donne un aperçu sur la poursuite de la politique machiavélique menée par la Grande- Bretagne, puissance coloniale et sa totale responsabilité dans la création de ce conflit et celle des USA dans sa perpétuation.
La non-résolution de ce conflit s’inscrit dans le cadre de la stratégie de la tension permanente menée dans un premier temps par la Grande-Bretagne et poursuivie actuellement par son fils aîné, les USA, avec l’approbation de ses autres enfants que sont le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui se définissent comme étant les «five eyes» de la planète.
L’application de cette stratégie de la tension permanente permet d’expliquer la déstabilisation du Moyen-Orient par la création de guerres en Irak, en Syrie ainsi que des conflits interconfessionnels que ce soit au Liban, ou dans la région par l’opposition orchestrée entre sunnites et chiites.
Pour les Anglo-Américains, l’Etat d’Israël constitue la pièce maîtresse de leur politique machiavélique poursuivie dans cette région hautement stratégique. Il faut donc être bien naïf pour croire que la prise de décision au niveau de la politique étrangère des Etats-Unis soit la conséquence de l’influence du lobby juif.
Les véritables maîtres du jeu sont bien les WASP du Complexe Militaro Industriel. Le satirique israélien B. Michael a bien compris ce qu’était l’intérêt stratégique des USA dans la région. Il le résume ainsi : «Mon maître me donne à manger et moi je mords qui il me dit de mordre.
On appelle ça la coopération stratégique.» Pour sa part, le philosophe israélien Yeshayahim Leibowitz va dans le même sens. Il estime : «Dans un sens, les Israéliens sont devenus les mercenaires des Américains. Nous menons des guerres pour défendre ce que les personnes au pouvoir aux Etats-Unis considèrent être les intérêts américains.»
Peu avant son assassinat, Ishac Rabin lançait un avertissement à peine voilé aux dirigeants du Likoud qui explique sa condamnation à mort : «Cette région a donné naissance à de nombreux prophètes, mais je ne conseille pas à certains de prédire ce qui se passera dans une cinquantaine d’années si nous ne faisons pas la paix avec nos voisins…»
Pour les peuples de la région, qui se sont frottés depuis des millénaires aux turbulences de l’histoire, ce ne sera qu’un épisode de plus à mettre dans leur sac à sagesse. En attendant des jours meilleurs, ils continueront à appliquer le vieil adage : «Celui qui dort sur le sable, n’a pas peur de tomber du lit.»
Khelifa Mahieddine