La dynamique de la filière boostée par une consommation importante de l’ordre de 36 kg par an et par habitant (kg/an/hab) ne se reflète ni sur les prix de vente ni sur les gains des agriculteurs.
En dépit de la hausse de la production d’agrumes cette année avec plus de 16,5 millions de tonnes cultivées sur 80 000 hectares, selon les chiffres rendus publics, hier, à l’occasion du Salon régional (Centre) des agrumes qui se tient au niveau de la Chambre nationale d’agriculture (CNA), les prix appliqués sur le marché sont loin d’être à la portée des bourses moyennes.
Les agriculteurs, de leur côté, n’engrangent pas de grands bénéfices de cette culture comparativement aux efforts fournis sur le terrain et aux coûts de production. Déjà impactés par le stress hydrique qui engendre des coûts supplémentaires pour l’irrigation des vergers, les acteurs de cette filière subissent de plein fouet les conséquences de la désorganisation du marché avec la multiplication des intervenants dans le réseau de distribution. L’informel porte, en effet, fortement atteinte à l’agrumiculture.
C’est l’un des principaux points faibles de ce segment, comme l’a souligné, hier, Zahra Kemache de l’Institut technique de l’arboriculture fruitière et de la vigne (ITAFV) dans son exposé, faisant remarquer, par ailleurs, l’absence d’étude sur les besoins du marché national en agrumes. Ce qui explique, entre autres, cette désorganisation qui met à mal les acteurs d’une culture qui pourtant recèle de nombreuses potentialités que ce soit à la transformation (au niveau interne) ou à l’exportation.
La dynamique de la filière boostée par une consommation importante de l’ordre de 36 kilogramme par an et par habitant (kg/an/hab) ne se reflète donc ni sur les prix de vente ni sur les gains des agriculteurs.
Outtas Abdelhakim, représentant d’une exploitation agricole collective à Blida, première wilaya dans la production agrumicole (4 millions de tonnes) sur près de 22 000 hectares, confirme ce constat : «Nous cédons en moyenne l’orange Thomson par exemple à 60 da/kg au maximum, la clémentine à 30 da/ kg et le citron à 40 da/kg pour qu’enfin les fruits se retrouvent face aux consommateurs à des prix élevés avec la multiplication des intervenants sur la chaîne de distribution et la prédominance de l’informel».
Et d’ajouter : «Entre les engrais, les produits phytosanitaires avec les maladies qui font des ravages en ces temps de changements climatiques, nous ne gagnons pas grand-chose. Nous sommes finalement au même titre que les consommateurs, les derniers maillons de cette chaîne».
Des opportunités à l’exportation et la transformation
Un autre agriculteur de Chlef (2e wilaya productrice au niveau national) relève pour sa part l’écart entre les prix appliqués entre les différentes régions du pays. «L’orange de très bonne qualité qui se vend à Chlef à 100 da/kg passe à Alger à plus de 300 da/kg. Ce qui est aberrant !», estime-t-il tout en notant que les niveaux de production importants enregistrés permettent d’assurer des prix équilibrés sur le marché.
Cela pour dire qu’au-delà de la nécessité d’oeuvrer pour l’amélioration des techniques de production, il y a lieu de revoir les réseaux de distribution considérés comme un problème commun à toutes les filières agricoles. Mais également de travailler pour le respect des normes de commercialisation. De même qu’il s’agit pour Mme Kemache de se pencher sur la stratégie à mener en matière d’exportation.
«Car, jusque-là, les opérations se font de manière éparse», explique-t-elle, notant l’absence d’une stratégie collective d’exportation au moment où les opportunités s’offrent à l’Algérie. Le développement de l’industrie de la transformation est également à encourager dans cette filière où les perspectives de production s’annoncent prometteuses pour les prochaines années.
«Il est vrai que les changements climatiques réduisent la disponibilité des ressources hydriques, mais les agrumes résistent bien à ces perturbations, étant cultivés dans les régions chaudes.
La production pourrait même se faire en Algérie pendant neuf mois et les surfaces agrumicoles vont augmenter d’ici 2055 à travers le monde avec la hausse des températures», selon la représentante de l’ITAFV. Cela dit, l’accompagnement des agriculteurs s’impose de l’avis de l’expert Hamid Bernaoui pour qui «le problème de l’eau reste posé» suite au déclin des ressources hydriques.
«Le forage ne peut pas couvrir tous les besoins estimés à 12000 mètres cubes par hectare. Si avant, le puits couvrait la moitié de ces besoins, ce n’est plus le cas actuellement. Les eaux d’irrigation proviennent en totalité des forages», expliquera-t-il appelant à recourir aux nouvelles technologies pour réduire l’impact du déficit en pluviométrie.