La consommation de drogue, dans notre pays prend des proportions alarmantes et aucune catégorie sociale n’est épargnée par ce fléau, considéré, aujourd’hui, comme un «problème social». Face à cette situation, l’Etat a décidé de sévir à travers une nouvelle approche juridique et une action répressive. Il s’agit d’un avant-projet de loi modifiant et complétant la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.
Ce texte de loi est en débat actuellement au Parlement après sa présentation hier dans l’après-midi, en séance plénière, par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Abderrachid Tabi. La loi de 2004 a montré, selon le ministre, ses limites sur le terrain et a montré «plusieurs lacunes et vides juridiques», d’où l’urgence d’un nouveau projet de loi pour la prise en charge de ces insuffisances, notamment celles relatives à la classification des drogues et des psychotropes, l’émergence de certains actes non incriminés qui s’ajoutent à l’absence de dispositions relatives à la coopération internationale, alors que ces crimes sont souvent transfrontaliers.
Le nouveau texte de loi prévoit la révision des dispositions relatives aux mesures thérapeutiques à travers «un suivi particulier» des prévenus mineurs qui observent une cure de désintoxication, à l’encontre desquels les poursuites judiciaires seront abandonnées s’ils suivent ce traitement avant la mise en mouvement de l’action publique.
Le nouveau projet plaide également pour une classification de certains produits pharmaceutiques, dont la Pregabaline, médicament utilisé habituellement dans le traitement des douleurs neuropathiques et que les jeunes consomment comme drogue.
Dans ce sillage, le texte de loi instaure un calendrier national électronique des notices médicales concernant les drogues et les psychotropes. Ce dernier sera mis à la disposition des services judiciaires, des praticiens de la santé et des structures du ministère de la Santé et des Douanes afin d’en faciliter le contrôle.
Aggravation des sanctions
Le projet stipule, à cet effet, que le ministre de la Santé se doit de fixer la liste des centres de désintoxication. Les services judiciaires peuvent mettre l’intéressé sous contrôle sanitaire pour une durée d’une année, et ce, après finalisation du traitement de la dépendance à ces substances psycho actives. La prévention ne concerne pas uniquement les toxicomanes, mais aussi les pharmaciens qui devraient bénéficier d’une protection particulière afin qu’ils ne soient pas victimes de menaces ou d’agressions.
Parmi les dispositions pénales sévères contenues dans le projet de loi, figure une peine de prison allant jusqu’à 30 ans si l’auteur est un agent public dont la fonction a facilité le crime. La peine sera portée à la perpétuité si de tels actes sont commis par un groupe criminel organisé.
Cette mesure de sanction concerne également ceux qui occupent des postes législatifs, exécutifs, administratifs ou bien membres des Assemblées populaires locales sans se référer à son statut. Toutefois, l’exposé des motifs du projet de loi présenté à l’APN indique que ce texte devrait être adapté à la convention des Nations unies de 1988 relative à la commercialisation illicite des drogues et des stupéfiants.
L’objectif visé est de faciliter les enquêtes en ce sens, surtout quand les infractions ont un caractère transfrontalier. L’article 17 dudit projet de loi dispose qu’une peine allant de 10 à 20 ans de prison et une amende de 5 000 000 à 50 000 000 DA seront infligées à celui qui d’une façon illicite produit, commercialise, met en vente, stocke, distribue ou transporte des drogues ou des psychotropes. Un emprisonnement de 20 à 30 ans sera requis aussi contre tout fonctionnaire, qu’il soit praticien de santé publique, pharmacien ou agent de soins dans les centres de désintoxication qui a commis ce genre de crime.
L’article 20 va plus loin en réservant une peine capitale à celui qui cultive des plantes desquelles on extrait des drogues sédatives et euphorisantes. La nouvelle loi protège également les «lanceurs d’alertes» sur les questions liées aux crimes en rapport avec la drogue et autres stupéfiants (consommation, vente…), et ce, avant le passage à l’acte. Pour renforcer les mécanismes d’investigation, le projet de loi donne au procureur de la République ou au juge d’instruction «les prérogatives d’autoriser la police judiciaire de localiser la position géographique des mis en cause, des coupables, l’élément du crime ou n’importe quelle marchandise ou autres ayant trait au crime et ce, à travers l’utilisation des technologies de l’information et de la communication via le système informatique ou la mise en place de moyens techniques destinés à cet effet».