Selon les experts étrangers, l’Algérie a des potentialités pour attirer l’investissement étranger, car c’est un pays où l’on peut exporter vers l’Europe, vers les marchés africains. L’Algérie dispose d’une bonne connexion internationale.
L’investissement bilatéral entre l’Algérie et l’Allemagne et les climats des affaires dans les deux pays ont fait l’objet d’un riche et large débat jeudi à Alger, et ce, l’espace d’une rencontre organisée par la fondation Konrad Adenaeur Stiftung Algérie (KAS). L’insécurité juridique, les pratiques bureaucratiques et la politique des changes ont été globalement les griefs qui ont fait presque l’unanimité des différents intervenants pour ce qui a trait au climat d’investissement en Algérie.
Le Dr Christian Steiner, avocat spécialisé dans la pratique juridique privée dans le droit commercial et la recherche juridique a, dans une communication sur les conditions d’investissement dans des pays de la région MENA, longuement fait le comparatif entre le climat des affaires en Algérie et celui de pays comme la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et l’Arabie Saoudite (matière premières, marché, politique et droit, stabilité, réserves monétaires et infrastructures).
«L’Algérie a des potentialités pour attirer l’investissement étranger car c’est un pays où l’on peut exporter vers l’Europe et vers les marchés africains. Elle dispose d’accords commerciaux internationaux, donc d’une bonne connexion internationale», dira d’emblée le Dr. Stainer avant de souligner toutefois que «l’instabilité juridique est l’un des problèmes majeurs dans la région MENA, et en Algérie en particulier».
Les lois, dit-il, «ne doivent pas changer du jour au lendemain. Il y a la loi sur le papier mais la réalité est parfois tout autre. L’investisseur découvre parfois que la réalité est autre que dans le prospectus écrit».
Plaidant pour plus de transparence et moins de bureaucratie dans les pratiques administratives, le conférencier a estimé que le CNRC (Centre national du registre de commerce) complique les choses pour l’investisseur et ne tranche pas sur tous les volets, soulignant que certaines activités n’y figurent même pas dans ses tablettes.
«5 à 17 procédures pour obtenir un registre de commerce. Pour un étranger c’est beaucoup», a-t-il indiqué avant de plaider pour l’allégement des procédures. Le Dr. Steiner n’a pas manqué aussi de soulever plusieurs questionnements relatifs notamment aux financements des grands projets.
L’Algérie exclut les financements extérieurs et dans le cas de l’Allemagne qui veut investir dans les énergies renouvelables, le cadre juridique ne se prononce pas sur ce genre de cas, qu’il faut, dit-il, régler avant de plaider aussi pour l’existence d’organisme de résolution des conflits «qui fonctionnent», selon ses dires.
Il a par ailleurs été question lors des débats de l’exécution des contrats, la discrimination supposée ou réelle entre le national et l’étranger, le rapport des filiales avec la société mère pour ne citer que ceux là.
Un entrepreneur national pour qui l’Allemagne à des besoins en énergie que peut lui procurer le marché algérien et des investissements dans le domaine a estimé que «chaque pays a ses contradictions, mais il faut reconnaitre qu’il y a une volonté politique affichée ces dernières années et le nouveau code sur l’investissement place l’Algérie dans une dynamique prometteuse.»
Et d’enchaîner que cela «ne nous empêche pas de dire qu’il y a un contrôle des changes qui ne permet pas à un Algérien ou un investisseur étranger de prospecter d’autres marchés. On voit petit de ce côté là, et il faut faire bouger les choses», a-t-il asséné ajoutant qu’il faut «un équilibre entre souveraineté nationale et ouverture sur l’investissement étranger» citant l’exemple de loi 51/49 qui garde juste le contrôle sur certains secteurs stratégiques, selon ses dires.
L’intérêt des projets structurants
Aux questionnements et remarques soulevés par le Dr Steiner et des intervenants lors des débats, les communications des juristes Yannil Belbachir, associé directeur du cabinet d’avocats Fares Group et de Mme Hind Enafaa du même cabinet sur le climat des affaires en Algérie, conditions, réglementation et procédures d’investissement ont été d’un grand apport dans la clarification de certaines situations et questionnements soulevés.
Il a été ainsi expliqué que trois régimes d’incitations ont étés mis en place, à savoir le régime des secteurs ( mines et carrières, agriculture, aquaculture et pêche, industrie agroalimentaire, industrie pharmaceutique et pétrochimie, services et tourisme, énergies renouvelables, économie de la connaissance etc.) ; un régime des zones (localités des Hauts Plateaux du Sud et du Grand sud, localités qui nécessitent un accompagnement particulier de l’Etat et localités disposant de potentialités et ressources naturelles à valoriser) et le régime des investissements structurants.
Ces derniers sont des investissements à haut potentiel de création de richesses et d’emplois dans le cadre de l’attractivité des territoires. Les conditions d’éligibilité, a-t-on expliqué est égal ou supérieur à 500 emplois ou supérieur à 10 milliards de dinars. Il bénéficie aussi du soutien de l’Etat par la prise en charge partielle ou totale des travaux d’aménagement.
Les deux juristes, ont tour à tour expliqué que la nouvelle loi sur les investissements offre un cadre transparent et équitable aux investisseurs avec une liberté d’investir et la «transparence et l’égalité» dans le traitement des investissements pour toute personne physique ou morale, investisseurs nationaux ou étrangers. «Aucun seuil n’est requis pour l’investissement», a-t-on indiqué en citant les trois régimes d’incitations, à savoir les zones géographiques spécifiques (régime des zones), les secteurs prioritaires (régime des secteurs) et le régime des investissements structurants.
Comme il a été redéfini les missions des guichets uniques et création d’une plate forme numérique pour accompagner les investisseurs et faciliter l’acte d’investir. Le bénéfice des avantages est conditionné par l’enregistrement du projet auprès de l’agence algérienne de promotion des investissements (AAPI), matérialisé par un certificat d’enregistrement, a-t-on tenu à préciser.
Et de conclure par l’existence d’une réelle volonté politique de traiter les dossiers des investisseurs étrangers de manière plus rapide et sans discrimination aucune. Enfin, et par visioconférence l’avocat et consultant en affaires dans les deux pays Algérie et Allemagne Hakim Ait Amar a abordé les pratiques et les difficultés relatives à l’investissement bilatéral entre les deux pays.
Les entreprises allemandes, dit-il, qui souffrent de la globalisation actuellement liée au climat géopolitique mondial, Covid puis guerre en Ukraine, ont une approche différente car insérées sur le plan mondial dans la politique européenne et en interne dans la politique des régions.
«Chaque pays est un cas particulier. On ne peut pas avoir une approche globale sur l’investissement. Cela dépend de la spécificité à chaque pays», a-t-il indiqué.