Au sens général, la veille représente la surveillance de ce que l’environnement apporte comme nouveauté. La vocation donc essentielle de la veille est de surveiller les transformations de son environnement pour mieux concevoir les actifs cachés et convenir les menaces et les opportunités dans le but d’anticiper les évolutions et prendre des décisions éclairées.
On peut définir la veille comme étant une «activité continue en grande partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement technologique, commercial, etc., pour en anticiper les évolutions» (ANFOR, 1998). En conséquence, cette définition met l’accent sur la surveillance permanente et organisée de l’environnement et ses avancées et tendances dans un domaine particulier.
La veille s’adosse à la stratégie d›une entreprise, une organisation, un État, une administration, suivant les cas, elle peut être d’ordre ; 1/commerciale afin de surveiller les pratiques marchandes mises en place sur le marché ; 2/juridique pour tout ce qui concerne les changements des lois, normes, etc. ; 3/marketing afin de surveiller les marchés ; 4/concurrentielle pour surveiller ses concurrents ; 5/sur internet afin de surveiller l’image de l’entreprise ; 6/de l’environnement en général pour surveiller des éléments de la politique, du juridique, du sociale ; ou bien encore qui relève de la culture, ou enfin 7/ scientifique et technologique afin d’anticiper les risques et détecter les avancées en matière d’innovations faites par les autres sur les marchés.
La veille scientifique et technologique concerne les informations scientifiques, techniques (brevets), technologiques (méthodes de fabrication), technico-économiques (capacités, débouchés) ou économiques (statistiques des secteurs ou macro-économiques) (Jakobiak, 1991). Elle requiert l’implication des acteurs internes et externes de l’organisation, et s’inscrit dans la continuité et a besoin d’être actualiser fréquemment. Elle se décline en processus de collecte, d’analyse d’exploitation et de diffusion des informations qui concernent des innovations, des technologies nouvelles... dans le but de satisfaire des objectifs spécifiques de l’entreprise ou pour une prise de décision stratégique.
Nous pouvons aussi définir la veille scientifique et technologique comme un processus permettant de s’informer de manière régulière et systématique sur toute innovation ou évolution technologique et de repérer les nouveautés dans le but de produire ou améliorer un bien ou un service. Par exemple, la veille scientifique et technologique dans le domaine de l’automobile est un dispositif essentiel pour tous les constructeurs de véhicules pour suivre les évolutions qui concernent les voitures électriques, les voitures connectées, les technologies de réduction des gaz à effet de serre et la réglementation environnementale...
Aussi, la veille scientifique et technologique dans le domaine de l’informatique est une question de très grande importance pour suivre par exemple le développement des logiciels, l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les penchants s’agissant des services cloud, de sécurité des données, de virtualisation, etc. Face à l’évolution constante des technologies et ses effets sur la concurrence sur le marché, il est nécessaire pour les entreprises de rester aux aguets vis-à-vis des dernières innovations et progrès technologiques.
Dit autrement, il est essentiel de surveiller les innovations, les connaissances scientifiques et technologiques et les savoir-faire nouveaux dans la branche d’activité de l’entreprise. Cela permet de constituer une base de données informationnelles clés pour identifier et suivre les concurrents, comprendre les technologies ou conserver son avantage concurrentiel et promouvoir la performance de tout processus d’innovation. Que ce soit des produits, des services, des techniques, des procédés de production, etc. la veille scientifique et technologique permet d’identifier au plus vite les transformations récentes sur les techniques industrielles qui peuvent avoir un impact sur l’activité de l’entreprise et renforcer ses capacités de Recherche et Développement (R&D) et d’innovation.
Généralement, la veille scientifique et technologique prend les formes suivantes : étude des plateformes et sites spécialisés, analyse des brevets d’invention et brevets d’innovation, étude des revues techniques spécialisées, étude des publications scientifiques universitaires et thèses de doctorat, audit technologique d’une branche d’activité, étude de marché technologique, visite des foires d’expositions, etc.
Et pour ce faire, elle utilise des techniques d’acquisition, d’analyse et de stockage d’éléments tels que les nouvelles connaissances et technologies, les innovations de ce moment, les informations sur les entreprises leaders et leurs stratégies R&D, l’évolution de l’écosystème technologique, industriel ou commercial de l’entreprise ; avant une diffusion aux différentes parties concernées, grâce à un bulletin de presse. Dans le but de mettre en place une veille scientifique et technologique performante, plusieurs étapes doivent être prises en compte : 1/D’abord il faut élucider les objectifs de la veille scientifique et technologique, 2/ensuite instaurer une action renouvelée pour l’acquisition des informations et des données, 3/puis réunir ces dernières, 4/et enfin faire une analyse de la base de données qui a été constituée avant de 5/faire la diffusion des résultats auprès des parties concernées au sein de l’entreprise.
Comment mettre en place une veille scientifique et technologique au sein d’une entreprise ? l’instauration d’une veille scientifique et technologique nécessite généralement trois étapes importantes : 1/Au préalable, il faut effectuer des recherches visées sur des domaines importants (ex ; nouvelles matières premières d’un produit, intelligence artificielle, nouveaux marchés d’un produit ou service, etc.). 2/Ensuite, ces recherches doivent s’effectuer sur des entreprises concurrentes, un domaine d’activité particulier, des savoirs, des techniques, des technologies ou des innovations, etc.
Enfin, il faut élaborer un répertoire des utilités et mettre en place un schéma pour l’acquisition des informations (ex : mettre en place une veille scientifique et technologique basée sur les brevets obtenus par les entreprises concurrentes). Comment réaliser une veille technologique ? généralement, les outils qui aident à réaliser sa veille scientifique et technologique sont gratuites. Mais, les entreprises peuvent utiliser différents outils selon leur spécificité et leur complémentarité. Il faut souligner que la veille scientifique et technologique peut être active ou passive.
En utilisant des mots-clés distinctifs et en se basant sur des mécanismes d’alerte, la veille technologique active consiste à collecter de l’information de manière active puis faire une analyse des données. En ce qui concerne la veille scientifique technologique passive, elle utilise une méthode pour récolter de l’information de manière automatique. Ce type de veille scientifique et technologique permet d’actualiser l’information sur la toile avant de l’obtenir.
Ces outils de veille scientifique et technologique rassemblent ainsi plusieurs sources de contenu scientifique et technologique tels que : la veille média permettant de veiller constamment sur la presse internationale en ligne, les articles en ligne qui sont publiés sur des blogs et qui concernent le domaine d’activité de l’entreprise, la veille médias sociaux qui permet de suivre concomitamment les échanges et conversations qui se réalisent sur les réseaux sociaux importants (facebook, twitter, instagram..), en plus des discussions sur les forums, les blogs, les newsletters, les alertes Google, les podcasts diffusés sur le web, les agrégateurs de flux RSS, etc. Ces différents types de veille scientifique et technologique permettent de collecter, analyser puis stocker des données informationnelles de façon automatique avant leur diffusion aux parties concernées. Ils permettent aussi de trier et de filtrer l’information selon des critères distinctifs.
Poser une veille scientifique et technologique régulière sur des domaines identifiés permet à l’entreprise de créer une base informationnelle capitale afin d’identifier des technologies et de détecter des innovations faites par les concurrents et s’adapter ainsi aux évolutions du marché. En effet, une entreprise peut innover à partir des innovations. «Une fois définis un champ de surveillance et des stratégies de surveillance, on récoltera un flux plus ou moins important d’informations dont certaines décrivent des innovations ou y font référence.» (Libmann et al, 2011). Si les brevets constituent une source d’informations scientifiques et technologiques, ces derniers restes dans la plupart des cas primaire. En effet, dans la majorité des cas les brevets ne contiennent que le minimum d’informations. L’information essentielle est généralement cachée sous des détails secondaires.
Ainsi, très peu d’informations y sont expliquées avec précision et la description dans le brevet est souvent complexe et/ou incomplète. L’objectif est évidemment d’éviter de divulguer les informations nécessaires à la reproduction des résultats scientifiques ou techniques liés à l’innovation. Dès lors, pour combler l’insuffisance d’un brevet en matière d’informations et connaissances essentielles, il peut être utile de faire un travail bibliographique consistant et mobiliser aussi d’autres brevets dans le domaine, et compléter notamment le travail par une consultation des articles scientifiques ou des articles publiés dans des revues professionnelles.
Dans tous les cas, et en dépit de de la sous-codification des connaissances des brevets, leur analyse apporte des informations pertinentes.
En effet, la veille scientifique et technologique par la surveillance des brevets, notamment les brevets qui sont tombés dans le domaine public après 20 ou 25 ans de protection de l’innovation, peuvent permettre à l’entreprise d’identifier des tendances et/ou apporter des opportunités pour promouvoir le développement des connaissances scientifiques et technologiques et des innovations. Nous terminons par donner un exemple type qui montre les conséquences liées à la négligence d’une entreprise en faveur la mise en place d’une veille scientifique et technologique pour innover et rester informée sur les évolutions du marché. La firme Nokia a été Créée en 1865 dans le domaine de télécommunications finlandaise. Nokia Corporation n’a investi dans la téléphonie mobile qu’à partir de l’année 1987. Entre 1998 et 2010, cette société était le numéro un mondial dans la téléphonie mobile grâce à ses innovations (elle possédait la moitié du marché mondial des téléphones qui possèdent un accès à internet).
L’arrivé des smartphones d’Apple en 2007 (l’iPhones qui a bouleversé l’industrie du téléphone portable) puis de Samsung en 2009, a mis fin au monopole de Nokia. En effet, ces deux multinationales se mettent à dominer le marché mondial.
En 2011, c’est la chute de Nokia. Quelles sont alors les causes de cette chute ? Nokia était trop lente face aux changements technologiques. En effet, au lieu d’innover pour continuer à dominer son marché, Nokia a donné la priorité au Hardware (téléphones robustes avec une longue autonomie) au lieu du Software des téléphones intelligents. Résultat, en 2013, Nokia a fini par vendre sa division mobile à Microsoft. Le rachat était conclu pour 3.79 Milliards d’euros. En 2016, Nokia est vendu au groupe finlandais HMD. Au total, Nokia a manqué sa veille scientifique et technologique pour innover et rester compétitifs sur le marché dans le domaine de la téléphonie.
Par Pr Rédha Younes Bouacida : Docteur en sciences économiques
Bibliographie
Agence française de normalisation (AFNOR). (1998). XP X50-053, Avril, 1998 : Prestations de veille - Prestations de veille et prestations de mise en place d’un système de veille. La Plaine Saint-Denis, Afnor.
Libmann, F., Breesé, P., Versailles, D. & Mérindol, V. (2011). Innover, oui mais comment ? Documentaliste-Sciences de l’Information, 48, 38-49. https://doi.org/10.3917/docsi.481.0038
Jakobiak. F. (1991). Pratique de la veille technologique, Les Editions d’Organisation, 232 pages, Paris.