Six mois après cassation par la Cour suprême du verdict de la chambre criminelle près la cour d’Alger, le procès du général-major à la retraite Ali Ghediri a été enfin fixé au 16 mai prochain.
Placé en détention depuis le 13 juin 2019 pour «démoralisation de l’armée» et «réunion de documents et d’informations à la disposition d’agents étrangers», puis condamné le 21 janvier 2020 à une peine de 4 ans de prison ferme, il comparaissait avec un autre coaccusé, Hocine Guasmi, condamné à 10 ans pour «faux et usage de faux», «usurpation d’identité» et «intelligence avec l’étranger».
Des condamnations confirmées en janvier 2022 par la chambre pénale près la cour d’Alger, alors que la Cour suprême avait suscité un espoir en requalifiant les faits, qui se basent sur un entretien paru sur le journal El Watan, en date du 25 mars 2018.
Lors de ses deux procès, l’ex-candidat à l'élection présidentielle avortée de 2019 et ancien directeur des ressources humaines au ministère de la Défense durant 15 ans, jusqu’à 2015, où il a pris sa retraite, n’a pas cessé de déconstruire l’accusation de «participation en temps de paix à la démoralisation de l’armée» à travers un entretien accordé à El Watan, publié le 25 décembre 2018.
«Avant l’interview, j’avais publié trois contributions dans le même journal. J’ai assumé pleinement la responsabilité du contenu dans le fond et la forme. J’ai exprimé des opinions personnelles», affirme-t-il, en précisant n’avoir jamais appelé à intervenir sur le terrain politique.
«Partout dans le monde, les armées n’obéissent qu’aux instructions de leurs chefs et non à des appels. Pour ce qui est du défunt Gaïd Salah, je n’avais aucun problème personnel avec lui, même si nous n’avions pas été sur la même longueur d’onde concernant le 4e mandat de Bouteflika. Et en 2015, c’est moi qui ai demandé à quitter l’armée (...). Tous les présidents de l’Algérie indépendante, de Ben Bella à Bouteflika, sont issus de l’ALN ou de l’OS. Quand il fallait défendre l’armée, je l’ai fait avec dignité. Je suis fils de moudjahid qui est un invalide de guerre. Mon fils et ma fille sont des hauts gradés de l’ANP, et mes frères aussi sont dans l’armée. Et après ça, ils viennent m’accuser d’atteinte à l’armée.»
Pour Ali Ghediri, c’est sa candidature à l'élection présidentielle avortée d’avril 2019, qui «est à l’origine de ses déboires» avec la justice. «Des éléments des services m’avaient dit que la haute hiérarchie est mécontente de ma candidature. Ils m’ont conseillé de me retirer. J’ai refusé, parce qu’on ne m’a pas appris à faire marche arrière», relève-t-il.
Des déclarations qui avaient fait tache d’huile sur la scène médiatique, mais n’ont pas fait fléchir la justice.
Créé en 2021, un comité de soutien au général-major, composé d’anciens compagnons, de journalistes, d’universitaires, d’hommes politiques et militants, a exhorté dans une lettre ouverte aux hautes autorités à «lever le voile sur le paradoxe du cas Ali Ghediri, qui suscite la perplexité et l’incompréhension de tous et déroute les professionnels de la justice».
Pour le comité, M. Ghediri «a effectué toute sa carrière au sein de cette même armée, et servi loyalement son pays durant 42 ans. A la date du 16 décembre 2020, la Cour suprême, à travers un arrêt, avait conclu qu’il n’y avait aucun élément ou fait qui aurait contribué à affaiblir le moral de l’armée (…). Le verdict de la Cour suprême a été remis en question par la chambre d’accusation en date du 21 février 2021, puis par la chambre criminelle près la cour d’Alger».
Au mois d’octobre dernier, la Cour suprême a cassé le verdict de la chambre criminelle près la cour d’Alger, et renvoyé l’affaire devant la même juridiction autrement composée.
Ce n’est que jeudi dernier que le procès a été fixé au 16 mai prochain, alors que Ali Ghediri purgera totalement sa peine de 4 ans le 13 juin de l’année en cours, soit moins d’un mois après.