Le site https://histoirecoloniale.net, dont Fabrice Riceputi est l’un des animateurs, avec notamment Gilles Manceron et Malika Rahal, cite, dans une récente recension en ligne (mars 2025), l’auteur Martin Lefranc, agrégé d’histoire et doctorant en histoire contemporaine à l’université d’Orléans, qui travaille une thèse sur «Les pratiques mémorielles de l’extrême droite française : entre construction d’une identité collective et offensive culturelle (1962-2022)».
Il note que «dans la propagande et l’action du Front national (devenu Rassemblement national, ndlr), la filiation entre présence musulmane en France et persistance d’une mémoire coloniale, héritage d’un Sud perdu dans les guerres de décolonisation, joue un rôle décisif».
ANCIEN OAS ET ÉLUS EN FRANCE
Ce qui est aujourd’hui le Rassemblement national, explique le chercheur, regroupait, à sa création en 1972, de nombreux jusqu'au-boutistes de l’Algérie française et pour certains anciens SS du régime nazi. Beaucoup des premiers membres du FN qui étaient adultes entre 1954 et 1962 se sont engagés volontairement pour combattre les indépendantistes algériens.
On pense évidemment au «séjour» algérois de Jean-Marie Le Pen, officier tortionnaire à Alger au début de l’année 1957. Et un certain nombre de cadres du FN ont été, dans leurs jeunes années, des activistes de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), organisation terroriste qui fit plus de 2700 victimes en métropole et en Algérie.
Le site histoire coloniale donne les noms, on ne peut pas les nommer tous. Au hasard, citons Guy Macary, longtemps trésorier de la fédération FN du Vaucluse, tête de liste FN aux régionales de 2004. Membre de l’OAS, il en était l’un des dirigeants dans la région algérienne de Mostaganem. Ou encore, Gérard de Gubernatis, ami personnel de Le Pen, était avocat de profession. Lui aussi ancien de l’OAS, il devient conseiller municipal de Nice sous les couleurs du FN de 1995 à 2008.
En 1986, lorsque le FN à la faveur d’élections législatives à la proportionnelle le FN récolte 32 députés, parmi ces parlementaires autour de Jean-Marie Le Pen, 6 ont connu l’exil ou la prison pour leurs activités terroristes, soit 19%.
LA RANCŒUR SE PERPÉTUE
Par ailleurs, rapporte histoire coloniale et postcoloniale, le député RN José Gonzalez, en 2022, avait déclaré n’être «pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes». Aujourd’hui, estime le site, «le FN cultive une mémoire nostalgique de l’Algérie française : Louis Aliot a récemment été désavoué par la justice dans sa tentative de nommer une esplanade de la ville de Perpignan du nom de Pierre Sergent. Quant à Marine Le Pen, elle a récemment dit considérer que ''la colonisation de l’Algérie n’avait pas été un drame''»…
Les pratiques des continuateurs de l’OAS pour honorer les leurs se sont multipliées ces dernières années dans des villes acquises à leur cause. Il n’a pas lieu de citer ici leurs actions ignobles, mais c’est cette mouvance là qui a nourri la volonté de s’en prendre à l’Algérie, coûte que coûte, et ses idées infusent dans la droite française et même au-delà. Le ministre de l’Intérieur, qui veut prendre la tête du parti de la droite dite républicaine LR, n’a pas sa carte au RN, mais il en est le parfait soldat.
Et le plus inquiétant, c’est qu’aucun parti politique ni média télévisuel – toutes chaînes confondues – ne crie «halte au feu», comme un militaire désespéré le lança à l’armée française en 1962 en face de la Grande-Poste, au début de la rue d’Isly… Lors de cette historique tuerie de manifestants – français – désarmés, activée par l’OAS pour le maintien de l’Algérie française.
Les revanchards nourrissaient la rancœur et avaient le goût du sang et de la terre brûlée. Ils l’ont gardée et ils ont contaminé l’opinion publique de leurs tristes pensées destructrices.
France
De notre correspondant Walid Mebarek