L’histoire de la Révolution algérienne retiendra l’apport et le soutien indéfectible manifesté par des Français qui se sont engagés corps et âme pour défendre la cause algérienne au péril de leur vie. Ils étaient d’un humanisme exemplaire.
L’une des figures, dont le nom restera gravé dans l’histoire de la révolution algérienne, est la militante Raymonde Peschard. Née le 15 septembre 1927 dans le quartier de Saint-Eugène à Alger, Raymonde Peschard avait une relation particulière avec la ville de Constantine, qui l’avait adoptée. C’était l’époque où elle travaillait comme assistante sociale à l’ex-Société Electricité et gaz d’Algérie (EGA), devenue actuellement la direction régionale de Sonelgaz, dont le siège se trouve toujours au quartier du Coudiat dans la rue qui porte actuellement son nom.
Elle était très estimée pour sa bravoure, son humanisme et sa grande disponibilité à aider les malades parmi les anciens travailleurs de l’ex-EGA, dont certains encore en vie lui témoignent leur vive reconnaissance. «Elle se déplaçait en personne jusqu’aux domiciles des travailleurs de condition modeste habitant dans les lieux les plus éloignés de la ville de Constantine pour leur apporter les médicaments et effectuer toutes les démarches auprès des services des assurances, il arrivait même qu’elle prodigue des soins et des injections», témoigne un ancien cadre de Sonelgaz à Constantine. Femme convaincue, elle a milité dans les rangs du parti communiste algérien, avant de rejoindre les rangs du FLN en 1956, avec Fernand Iveton. Après l’arrestation de ce dernier, elle monte en avril 1957 au maquis dans la wilaya III, où elle avait servi comme infirmière dans le service médical, sous le nom de Taoues (Le paon, en raison de sa beauté).
Un parcours atypique
Le 26 novembre 1957, à l’aube, le passage d’un convoi escorté par des soldats de l’ALN dans la région de Medjana à Bordj Bou Arréridj sera vite remarqué par des sources d’information au service des autorités françaises. Le groupe, qui venait de la Wilaya III historique, traversait la région à destination de la Tunisie. Un important contingent de l’armée française sera vite déployé dans une opération menée par le lieutenant-colonel Fagalbe, commandant le quartier nord du secteur Hodna ouest. Vers 10h, un accrochage a eu lieu entre les soldats français et le groupe avec le groupe au lieu-dit Draâ Errih, situé au djebel Tafartas, dans l’actuelle wilaya de Bordj Bou Arréridj. Les échanges de tirs ont duré une demi-heure faisant trois morts et 9 prisonniers. Parmi les victimes, on a identifié le corps du Docteur Belhocine et celui de Si Arezki Oukmalou, commissaire politique du FLN dans la wilaya III, ainsi que le corps d’une femme en tenue militaire morte les armes à la main.
C’était la surprise parmi les militaires français. Mais c’est l’identification de ce corps qui les surprendra encore, car il s’agissait bel et bien de la militante communiste Raymonde Peschard, recherchée depuis plusieurs mois, après avoir rejoint les rangs du FLN, surtout qu’elle est suspectée d’être la complice de Fernand Iveton, accusé d’avoir planifié l’attentat manqué qui a ciblé l’usine à gaz du Hamma à Alger. Dans son édition du 29 novembre 1957, la Dépêche de Constantine a rapporté que la nouvelle de sa mort a été tenue secrète jusqu’à son identification officielle par les experts grâce à ses empreintes digitales. L’opération qualifiée de grand évènement pour l’armée française a été célébrée par de nombreux médias. Ces derniers n’ont pas manqué de rappeler le parcours atypique de Raymonde Peschard.
Une femme d’un grand humanisme
Dans son livre Avoir 20 ans dans les maquis (Editions Casbah 2005), Djoudi Attoumi écrit à la page 142 : «Blessée et capturée, elle ne pouvait supporter de voir ses frères, le docteur Belhocine et Oukmalou Arezki, achevés sauvagement. Devant les corps allongés de ses frères de combat, et malgré ses blessures, Raymonde trouvera le courage de déverser sur les soldats un flot d’injures, les traitant de sauvages, de barbares et de nazis (…). Un officier lui logera alors une balle dans la tête…».
En hommage à cette femme courageuse, et suite à des démarches entreprises par d’anciens travailleurs de l’ex-EGA, une rue a été baptisée en son nom dans le quartier du Coudiat à Constantine. Dans cette rue se trouve encore le siège de l’ex-EGA où elle a travaillé et qui deviendra celui de Sonelgaz. Au mois de juin 2022, la délégation Josette et Maurice Audin s’est rendue à Constantine où elle a honoré la mémoire de Raymonde Peschard au cimetière chrétien de la ville. Autour de sa tombe, l’historien Alain Ruscio a retracé l’engagement de cette grande militante et la délégation lui a rendu hommage.
Par S. Arslan