La rencontre a été préparée en collaboration avec le Centre d’études maghrébines en Algérie et, à l’origine, elle devait avoir lieu du vivant de l’universitaire Omar Carlier, mais les restrictions liées à la pandémie et le décès du concerné, survenu en 2021 suite à une longue maladie, en ont décidé autrement.
Des témoignages et des conférences en rapport avec l’histoire du mouvement national ont émaillé le colloque international organisé lundi et mardi au Crasc en hommage à Omar Carlier, grande figure de la recherche académique sur l’histoire en Algérie.
La rencontre a été préparée en collaboration avec le Centre d’études maghrébines en Algérie et, à l’origine, elle devait avoir lieu du vivant de l’universitaire, mais les restrictions liées à la pandémie et le décès du concerné, survenu en 2021 suite à une longue maladie, en ont décidé autrement.
«Je suis venu pour enseigner mais je vais commencer d’abord par apprendre», cette phrase rappelée dans son allocution d’ouverture par le directeur du Crasc, Amar Manaa, résume très bien la posture du jeune Omar Carlier qui a débarqué en Algérie, plus précisément à Oran, en 1969 pour enseigner à la faculté de droit dans le cadre de la coopération et en tant que «volontaire du service national actif». Il avait alors 26 ans et n’avait aucun lien et aucune connaissance du pays d’accueil et donc, par la même occasion, aucune espèce d’arrière-pensée.
La soif d’apprendre conjuguée à son audace intellectuelle et sa rigueur scientifique ont fait de lui l’un des grands spécialistes du Mouvement national et de la guerre d’indépendance de l’Algérie. Un pays dans lequel il a décidé de s’installer, de s’y marier en se convertissant à l’islam (d’où le prénom) avant de demander la nationalité, qui lui sera accordée au début de la décennie 1980.
Un homme «courtois et sympathique»
Ces contributions sont diverses et maints intervenants ont souligné ses approches originales en s’intéressant aux acteurs mais aussi aux lieux de socialisation qui ont eu un rôle dans la formation ou la consolidation d’idées favorables à de l’émergence du nationalisme algérien en particulier.
Ses réflexions sur l’évolution de l’histoire de l’Algérie ne se limitent pas à la période coloniale mais débordent pour s’intéresser à l’actualité de son époque. «Un chercheur passionné» doublé d’une «générosité intellectuelle» hors du commun pour sa disponibilité à transmettre le savoir ou a à diriger les jeunes générations d’historiens qui ont voulu se lancer dans l’aventure. Un hommage à titre posthume mais amplement mérité pour cet homme décrit également comme «courtois et sympathique».
Des intervenants se sont penchés sur les apports et les contributions de Carlier pour la compréhension de certains faits pas assez pris en compte à l’instar de «la crise berbériste de 1949» ou «la première Etoile nord-africaine». D’autres ont privilégié l’enrichissement du colloque avec des conférences s’intéressant notamment à diverses associations ayant activé durant la colonisation.
D’autres encore sont venus proposer des thématiques nouvelles et c’est le cas de Eric Savares de l’université de Montpellier, dont la conférence s’intitule «Gouverner par la démographie, l’Algérie coloniale du XIXe et XXe siècles». Le titre est provisoire et le travail de recherche n’est pas encore achevé mais il démontre déjà comment les autorités coloniales utilisaient les recensements de la population par catégories, religieuses notamment, normalement interdites en métropole, pour mieux asseoir leur domination.
Du CNRS (un centre de recherche français de référence), Karima Dirèche s’est intéressée aux tabous liés à la torture et la difficulté pour les historiens algériens d’aborder de telles questions. En tout, six séances, dont la dernière a été réservée exclusivement aux témoignages proprement dit. Auparavant, «Une lecture anthropologique de l’œuvre de Omar Carlier» a été proposée par Giulia Fabbiano de l’université française Aix-Marseille, précisant que c’est cette dimension qu’elle enseigne à ses étudiants à travers des lectures choisies.
Pour elle, «Omar Carlier est le plus anthropologue des historiens ayant travaillé sur l’Algérie, un historien de terrain qui s’est avéré être d’une lucidité troublante». Elle croit déceler une certaine pluridisciplinarité dans les approches et les outils d’analyse de celui qui est passé par des études en «droit et Sciences politiques» avant de découvrir l’Algérie, son histoire, mais tout en continuant à observer son devenir.