Hacène Menouar, président de l’association El Aman, décrypte les tendances de consommation durant cette première semaine de Ramadhan. Il a constaté que malgré la stabilité des prix, l’inflation représente toujours un fardeau supplémentaire à supporter. Il plaide pour l’implantation de grandes surfaces commerciales et exhorte les autorités à réguler la publicité dans le secteur audiovisuel.
- Le comportement et les modes de consommation ont-ils changé en ce mois de Ramadhan ?
Je dirais d’abord qu’il y a un côté positif, on a constaté que beaucoup de foyers et de responsables de famille sont devenus plus vigilants, plus sages quand il s’agit de la consommation pendant le Ramadhan, ce sont des gens qui ont commencé à comprendre que c’est une opportunité qui revient chaque année pour qu’on puisse faire plus attention à la santé, avoir plus de temps pour le travail et consommer moins, donc faire plus d’économies.
Malheureusement, ce qu’on voit, ce qui est apparent dans notre environnement, c’est ceux qui sont dans le désordre, l’anarchie, la surconsommation, le gaspillage de la santé, des denrées alimentaires et du temps de travail. C’est un peu culturel malheureusement.
Mais c’est aussi de l’entêtement, parce qu’on a parfois affaire à des consommateurs qui tiennent beaucoup plus à certaines mauvaises habitudes, loin du fondement de la religion et encore moins de la spiritualité de Ramadhan.
Pour eux, on ne peut pas passer ce mois sans faire tous ces excès, sans une meida remplie de mauvaise nourriture qui fait très mal à la santé, aussi quand il y a beaucoup de plats qui restent, on préfère les jeter. Il y a des gens qui n’acceptent même pas de réchauffer ou de réutiliser les mêmes denrées alimentaires de la veille.
On aimerait réellement, en tant qu’association, arriver à une année où on aurait au moins 80% de notre société qui s’aligne sur cette culture de bonne consommation, de rationalisation, pendant le Ramadhan, avec cette culture de faire des bilans de santé, de se peser, de se contrôler et en profiter pour détoxifier le corps, évacuer tout ce qui n’est pas bien, tout ce qu’on a consommé pendant les 11 mois.
Prendre aussi ce mois comme un jeûne thérapeutique qui est recommandé par beaucoup de médecins dans le monde et c’est là où on va aboutir en tant qu’association Aman à une satisfaction pour dire qu’il est réellement considéré comme un acte religieux, plein de spiritualité, de bonnes actions, de bienfaisance, d’économie et de solidarité.
- Face à l’inflation et au recul du pouvoir d’achat, les producteurs ont de plus en plus recours aux promotions. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Les opérateurs ont ressenti que le pouvoir d’achat ne permet pas à tous les citoyens consommateurs d’être manipulés juste par la publicité ou les annonces.
Donc, ils se préparent toujours bien avant Ramadhan. D’abord, ils commencent à préparer les stocks, multipliant les spots publicitaires, allant jusqu’à faire des remises, des rabais et des ventes promotionnelles, chose qui nous plaît en tant qu’association parce que c’est ce qui devait se faire depuis des années, on avait toujours dit pourquoi à Noël, quand il est fêté dans les pays chrétiens, tous les opérateurs baissent les prix pour avoir un bon état d’esprit, une bonne cohésion, de la joie, de la satisfaction, de la quiétude et de la tranquillité chez les consommateurs.
Et pourquoi chez nous malheureusement, quand Ramadhan approche, tout le monde s’attend à plus des augmentations de prix, de spéculation et non pas à une baisse des prix. Donc, nous voudrions bien que ces opérateurs maîtrisent beaucoup plus le prix de revient d’un produit afin d’aller vers une réalité des prix.
Il faudrait pour cela plus de concurrence loyale entre les opérateurs, plus de transparence, plus de régulation et plus de contrôle des pouvoirs publics. Il va falloir qu’on se dirige très vite vers l’implantation de grandes surfaces commerciales, (hypermarchés, supermarchés).
Et c’est à travers de grandes marques, même internationales, qu’on va instaurer une concurrence au bénéfice de l’économie nationale, mais aussi pour le bien-être du consommateur qui aura des espaces de commercialisation aux normes internationales où les produits sont contrôlés, où les stocks sont permanents.
On n’aurait pas besoin de faire des stocks chez soi. C’est l’hypermarché qui fait des stocks pour nous, il n’y aura plus d’intermédiaires, le seul intermédiaire, c’est l’hypermarché entre producteurs et consommateurs, il y aura le paiement électronique pour assurer la traçabilité et la tranquillité en termes de paiement, cela va nous rétablir dans nos droits et booster l’économie nationale.
Ça va faire éviter la spéculation et la contrebande et nous aider à nous mettre dans un cadre de consommation digne. Il y aura le contrôle sanitaire des aliments sur place ainsi que le contrôle économique. Nous allons devenir une société normale de 2024 dans un pays comme l’Algérie.
- La déferlante de publicités sur les écrans de télévision influence-t-elle réellement l’acte d’achat ?
Il faudrait savoir que les opérateurs économiques ont parfois recours à tout pour mieux vendre. Ils ramènent des experts qui forment leur personnel sur le marketing et comment faire de la publicité pour vendre plus.
Ce sont des professionnels qui arrivent après étude de la société algérienne (côté social et psychologique), c’est à travers ça qu’ils élaborent des plans de marketing et de publicité pour vendre le maximum et même parfois vendre n’importe quoi, à n’importe quel prix, et nous les consommateurs, malheureusement, on n’est pas formé, donc on se laisse aller. On se laisse faire et on rentre dans ce plan de communication en étant passif.
Ce qu’on réclame en tant qu’association, c’est que les autorités, notamment l’Autorité de régulation de l’’audiovisuel, interviennent avec beaucoup de sérénité et d’efficacité pour éviter l’arnaque au consommateur et même à l’économie nationale et réguler ce champ de publicité.
Empêcher les publicités au moment où tous les membres de la famille sont réunis et interdire certaines publicités de certains produits destinés aux enfants, au moment où ils sont à la maison.
Il y a des choses qui se font dans des pays étrangers qui sont très développés sur ces aspects qu’on devrait copier rapidement pour aller vite à des procédures et des mesures qui vont nous protéger en tant que consommateurs, mais aussi protéger l’économie nationale et arrêter ce marasme où seuls ces opérateurs ont la commande pour faire ce que bon leur semble.