Gel de taxes et impôts, suppression d’autres et suspension de mesures prévues par des textes de loi… L’Exécutif multiplie depuis quelques semaines ce genre de décisions qui suscitent, au-delà de leur utilité, moult interrogations sur l’état de la gouvernance du pays.
Les dernières en date sont celles prises, dimanche dernier, par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, en ordonnant le gel, jusqu’à nouvel ordre, des taxes prévues par la loi de finances 2022 sur certains produits de consommation et la suppression pure et simple des taxes et impôts sur le matériel informatique et les téléphones portables à usage individuel.
Cette annonce a été précédée, en janvier dernier, par la suspension du retrait du permis de conduire, qui est une disposition contenue dans un texte de loi en vigueur, à savoir le code de la route. Hier encore, le gouvernement a décidé d’annuler un décret exécutif portant sur le déclassement d’une parcelle du parc zoologique de Ben Aknoun à Alger pour la construction d’une Cité du cinéma, publié tout récemment au Journal officiel.
Dès leurs publications, ces réajustements ont suscité des réactions et des critiques. Celles-ci concernent notamment le respect des formes en matière de révisions de textes de lois, examinés et votés par l’institution législative, qui est le Parlement.
Le pouvoir exécutif a-t-il le droit de revoir le contenu des lois sans produire des textes justifiant leurs amendements ? Les constitutionnalistes restent dubitatifs. Interrogé sur ce sujet, l’ancien député et ex-enseignant de droit constitutionnel à l’université de Béjaïa, Ahmed Betatache, précise : «Je n’ai pas lu la nouvelle loi de finances.
Mais il y a un principe clair. Si les articles ayant institué ces taxes et impôts gelés ou supprimés renvoient à des textes réglementaires pour leur application, l’Exécutif dispose alors d’une marge de manœuvre. Il peut renvoyer leur application jusqu’à la promulgation de ces textes réglementaires. Mais dans le cas où les articles évoquent une mise en œuvre automatique de ces dispositions, le gouvernement doit passer par un amendement de la loi de finances.» Dans une déclaration au quotidien El Khabar, Khaled Chebli, spécialiste en droit constitutionnel, estime que «désormais le gouvernement est contraint de préparer une loi de finances complémentaire pour mettre en conformité ces mesures».
Car, selon lui, «il n’y a pas dans la loi ce que l’on appelle gel des taxes et des impôts, synonyme du gel de la loi elle-même». Dans le même contexte, d’anciens parlementaires affirment que «l’Exécutif est tenu de préparer une loi de finances complémentaire, sinon les impôts en question seront toujours réclamés par les services chargés de leur recouvrement».
Selon eux, la LFC devient une nécessité car «la révision du système fiscal tend à s’élargir, surtout après la contestation des avocats, des notaires et des médecins». Le Premier ministre, ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane, avait, rappelons-le, ouvert une première brèche vers la révision du régime fiscal imposé aux professions libérales.
C’était suite à sa rencontre avec les responsables de l’Ordre national des avocats où, selon un communiqué du syndicat des robes noires, il a été décidé «d’installer une commission mixte chargée d’élaborer un nouveau système qui prend en considération les spécificités de cette profession».