Frappes américano-britanniques contre les Houthis au Yémen : Nouvelle escalade en mer Rouge

15/01/2024 mis à jour: 02:18
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Des manifestants dénoncent les frappes aériennes lancées par les États-Unis et le Royaume-Uni sur des cibles houthies, à Sanaa, au Yémen, le 12 janvier 2024 - Photo : D. R.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à un arrêt immédiat des hostilités, soulignant les risques d’une escalade qui pourrait mettre en péril la paix et la stabilité en mer Rouge et dans la région. Dans un communiqué, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté toutes les parties à éviter une escalade et à privilégier les solutions diplomatiques.

Les tensions au Yémen ont pris une tournure alarmante, lorsque les armées américaine et britannique ont lancé, vendredi et samedi, une série de frappes contre les positions des Houthis en réponse à leurs menaces contre le trafic maritime international en mer Rouge.

Le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, s’est dit hier «prêt à agir à nouveau contre les rebelles houthis du Yémen si les attaques de bateaux militaires et commerciaux en mer Rouge se poursuivent». Cette escalade met en lumière un équilibre délicat et potentiellement explosif entre les Etats-Unis, les Houthis et leurs alliés iraniens.

«Nous avons envoyé un message sans ambiguïté : les agissements des Houthis sont répréhensibles et nous sommes déterminés à y mettre un terme (...). Nous défendrons toujours la liberté de navigation. Et surtout, nous serons prêts à joindre les actes à la parole», a assuré le ministre des Affaires étrangères britannique dans une tribune publiée par le Sunday Telegraph.

Son commentaire fait écho à celui du président américain, Joe Biden, qui a averti qu’il «n’hésiterait pas» à «ordonner d’autres mesures» si nécessaire pour protéger le commerce international.

Les Houthis, qui détiennent de vastes territoires au Yémen, ont intensifié leurs attaques contre le trafic maritime en solidarité avec les Palestiniens, provoquant ainsi une réaction ferme – voire disproportionnée – des Etats-Unis et du Royaume-Uni, alliés d’Israël.

Le Commandement militaire central des Etats-Unis (Centcom) a confirmé samedi une frappe ciblée contre un site radar au Yémen, soulignant, selon les mots utilisés, «la nécessité» de «protéger» le couloir vital de la mer Rouge, par où transite 12% du commerce mondial.

Les derniers raids ont également impliqué des attaques contre la ville d’Al Hodeïda, à l’ouest du Yémen, en réponse à des tirs de roquettes provenant des Houthis dans cette cité portuaire. Les frappes américano-britanniques ont visé plusieurs sites tenus par les Houthis dans différentes régions du pays, marquant une escalade du conflit.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à un arrêt immédiat des hostilités, soulignant les risques d’une escalade qui pourrait mettre en péril la paix et la stabilité en mer Rouge et dans la région. Dans un communiqué, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté toutes les parties à éviter une escalade et à privilégier les solutions diplomatiques.

Le président américain a néanmoins maintenu la pression sur les Houthis, justifiant les frappes comme des mesures «nécessaires en état de légitime défense». Dans son communiqué officiel, il a omis de mentionner l’Iran, malgré les allégations précédentes des Etats-Unis sur le soutien de Téhéran aux Houthis.

Mais le chef de la diplomatie britannique n’a pas manqué de «dénoncer» le rôle joué par l’Iran, estimant hier sur la chaîne de télévision Sky news qu’il ne faisait aucun doute que Téhéran était, selon ses termes, «l’acteur malveillant» derrière les «intermédiaires» que sont les Houthis dans la région.

Le mouvement des Houthis est considéré comme faisant partie de «l’axe de la résistance» établi par l’Iran, qui réunit dans la région des groupes hostiles à Israël, notamment le Hezbollah libanais et des groupes armés en Irak et en Syrie. L’Iran, soutien clé des Houthis au Yémen et ennemi numéro un d’Israël, a d’ailleurs condamné une «violation flagrante de la souveraineté» du Yémen.

Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés, parmi lesquels l’Australie, le Canada et Bahreïn, ont souligné que leur objectif était la «désescalade» en mer Rouge.

Mais à Moscou, le Kremlin a condamné des frappes occidentales «illégitimes du point de vue du droit international», tout comme le président turc, Recep Tayyip Erdogan, parlant d’une réponse «disproportionnée». Des observateurs internationaux s’inquiètent du délicat jeu d’équilibre entre les Etats-Unis, les Houthis et l’Iran, craignant que chacun ne sous-estime les risques d’une escalade majeure.

Malgré les frappes persistantes, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a déclaré qu’il ne pensait pas que le conflit s’intensifierait, soulignant la gestion prudente des nombreux points de tension.

En réaction aux frappes, l’Algérie a exprimé sa «profonde préoccupation et ses regrets», soulignant que cette escalade risque de compromettre les efforts déployés par les Nations unies et les pays de la région pour trouver une solution au conflit au Yémen.

L’Algérie, peut-on lire dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, «tient à réaffirmer que la question de la sécurité maritime en mer Rouge ne saurait être résolue en ignorant la corrélation, manifestement visible, entre les attaques des Houthis contre la marine marchande et les massacres perpétrés par l’occupation sioniste dans la Bande de Ghaza depuis déjà 3 mois, une provocation éhontée envers les sentiments de tous les Arabes et les musulmans à travers le monde, du fait des frappes aléatoires sur les civils sans défense».

Il est à souligner qu’au cours des derniers mois, le mouvement houthi a attiré l’attention médiatique internationale, ce qui n’avait pas été le cas pendant neuf années de guerre au Yémen. Les actes de soutien aux Palestiniens en mer Rouge ont élevé leur importance à un niveau mondial.

Depuis mi-octobre, les Houthis ont lancé des missiles vers le sud d’Israël, majoritairement interceptés par les forces navales américaines et françaises.

Bien que ces attaques ne représentent pas une menace militaire directe, leur capacité à cibler les navires en mer Rouge a eu des répercussions économiques, notamment sur le commerce international, et ont montré leur capacité de nuisance.

Le contournement de la mer Rouge par l’Afrique provoque des retards de livraison de marchandises de base, affectant plus de 20% des navires empruntant habituellement cette voie. Et la crise a déjà engendré des coûts supplémentaires estimés à environ 3 milliards de dollars pour l’économie israélienne. 

 

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