L’information avait fait la «Une» de la presse coloniale dans la journée de dimanche 13 février 1955. Parmi les journaux les plus lus, La Dépêche de Constantine et de l’Est algérien lui a réservé des articles détaillés dans deux éditions successives.
Il ne pouvait pas en être autrement, puisqu’il s’agissait de l’arrestation de Mostefa Benboulaïd, chef de la zone I (Les Aurès) et l’un des chefs de l’insurrection armée en Algérie. En fait, c’est l’arrestation la plus importante jamais réalisée depuis le déclenchement de la lutte armée en Algérie, le 1er novembre 1954, plus connue chez les Français par les événements de la Toussaint. Les circonstances de cette arrestation détaillées dans la presse de l’époque avaient été rapportées dans leur version la plus connue historiquement selon des sources françaises. Une version qui ne fera pas l’objet de recherches plus approfondies pour en connaître la part de vérité, surtout que les services français ont toujours exploité à outrance cet événement pour saper le moral des moudjahidine en faisant croire à la fin de l’insurrection dans les Aurès après cette arrestation qualifiée de capitale par les autorités préfectorales de Constantine. Pour l’histoire, et deux mois après le déclenchement de la Révolution, déjà avec des moyens rudimentaires, les troupes de moudjahidine dans pratiquement toutes les Wilayas, et notamment dans les Aurès, manquaient terriblement d’armes et surtout de munitions.
Chose qui allait mener vers une situation critique. C’est ainsi que Mostefa Benboulaïd avait décidé au courant du mois de janvier 1955 de mener en personne une mission pour ramener des armes acheminées de la Libye à partir de l’Egypte. Si cette mission était conclue avec réussite, le retour de Benboulaïd vers les Aurès n’aura pas lieu comme prévu. D’ailleurs, l’information relayée délibérément par la presse coloniale après cette arrestation n’était pas anodine, surtout que les services de police d’Algérie faisaient croire «qu’ils connaissaient les déplacements de Benboulaïd à la frontière de Tripolitaine et une surveillance avait été établie à ce sujet», comme rapporté par la presse. On ne sait pas exactement si cette arrestation était le fait des services de la police ou un simple fait du hasard.
Un événement qui avait fait la «Une» des journaux
Selon les faits rapportés par La Dépêche de Constantine du dimanche 13 février 1955, tout a commencé le jeudi 10 février à Bengardane, une petite ville située dans le sud de la Tunisie, à quelques kilomètres de la frontière avec la Libye, et à environ 160 km au sud-est de Gabès. A l’arrivée de l’autocar de Gabès, Mostefa Benboulaïd et son compagnon Amar Ben Mohamed Ferchichi, suspectés par un agent au poste de contrôle, furent interpellés pour vérification de leurs identités. Sentant qu’ils allaient être débusqués, et peu avant l’arrivée au bureau des affaires indigènes, l’un d’eux, qui est probablement Benboulaïd, selon des sources françaises, abattit le soldat d’un coup de pistolet et prit la fuite avec son acolyte. L’alerte fut donnée, et les deux fugitifs qui seront poursuivis par des soldats cavaliers seront arrêtés dans la matinée de vendredi 11 février près de la frontière avec la Libye.
C’est le commissaire de surveillance du territoire de Gabès, en possession de renseignements des services français, qui réussit à identifier Benboulaid. Une fois la nouvelle connue dans la journée de samedi 13 février, les autorités judiciaires du département de Constantine ont chargé le commissaire Courrieu de la police judiciaire de Batna de partir aussitôt pour Tunis pour les procédures d’identification. L’information, officiellement confirmée, a fait le tour des rédactions où elle avait fait la Une des journaux de l’époque.
Transféré à Constantine, Mostefa Benboulaïd avait comparu devant le tribunal permanent des forces armées où il avait été condamné à la peine de mort. Il sera incarcéré à la prison du Coudiat dans la même ville où il ne restera que neuf mois. Le jeudi 10 novembre 1955, et après une longue et minutieuse préparation, Benboulaïd réussira à s’évader avec 10 autres condamnés à mort. Une évasion spectaculaire qui marquera l’histoire de la guerre d’Algérie. Benboulaïd réussira à rejoindre les Aurès pour réorganiser la Révolution, avant de tomber en martyr dans la nuit du 22 au 23 mars 1956, suite à l’explosion d’un poste radio piégé parachuté par l’armée française.