Le Cercle algérianiste a poussé la comparaison un peu loin en faisant une exposition qui confond les victimes de la Guerre d’Algérie avec celles du Hamas en octobre dernier. Sans comparer la violence coloniale française et la barbarie génocidaire israélienne.
A Perpignan, 13 associations et partis politiques ont manifesté contre une exposition proposée par le Cercle algérianiste avec le soutien de la ville dirigée par le maire Rassemblement national Louis Alliot, à l’occasion du 19 Mars. Cette exposition assimile le FLN et le Hamas sous le titre «60 ans après, l’histoire se répète.
FLN et Hamas : mêmes méthodes, même stratégie». Faisant au passage un mauvais décompte car cela fait 62 ans… l’expo mêle des photos de victimes des attaques du Hamas à l’automne dernier avec des clichés de victimes de la guerre d’Algérie présentées en miroir.
Pour l’extrême droite, cet amalgame entre dans sa politique de «dédiabolisation». De falsification plutôt. Le parti le plus antisémite de France s’offre comme un ange rédempteur envers les «juifs»… En surfant sur l’intoxication médiatique qui consiste à faire passer les musulmanset donc les Algériens «antisionistes» pour des antisémites…
Et toujours avec le même refrain sur le déni de la violence anticoloniale légitime. Par des gens qui ne considèrent toujours pas, 62 ans après la fin de la guerre, que le combat a été porté par un peuple qui se battait pour se libérer de ses chaînes.
En 2021, était inauguré ce lieu «de mémoire et de recueillement aux victimes oubliées de la guerre d’Algérie», en fait très orienté sur certaines victimes et négligeant les Algériens.
Suzy Simon-Nicaise, la vice-présidente nationale des Cercles algérianistes en charge du Centre de documentation des Français d’Algérie à Perpignan, précisait alors : «Nous avons mis à disposition de la municipalité de Perpignan une partie de notre fonds photographique et des journaux de l’époque. Des documents très durs à regarder.
Mais regarder la barbarie ne peut qu’éveiller les consciences. Il faut reconnaître toutes les souffrances. Il n’y en a pas de bonnes ou de mauvaises. Il faut regarder toutes les vérités en face.»
Justement, la vérité «en face», c’est que le peuple palestinien est privé de ses droits et de sa terre depuis 1948 et se bat pour sa dignité et pour pouvoir vivre dans des territoires de plus en plus réduits.
Et que les moyens employés par le Hamas, tout tragiques qu’ils soient, ne sont rien face au rouleau compresseur de la barbarie de l’armée génocidaire israélienne qui s’est abattue sur les femmes et enfants de Ghaza depuis le 7 octobre.
Tout comme les moyens utilisés par le FLN ne sont rien face aux décennies de meurtres, de spoliation et d’inhumanité de l’armée coloniale en 1830 au moment de l’invasion, puis de 1954 à 1962. Sans parler de l’intervalle entre ces deux dates.
Malgré tout, les associations progressistes ont vivement réagi à Perpignan. La colère a été forte chez l’Association de solidarité avec tous les immigrés (ASTI), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), la Ligue des droits de l’homme, l’Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis, l’Alternative, le Comité pour la mémoire, Contre l’oubli, la Fédération franco-algérienne, le Mouvement pour la paix et les partis politiques Générations, Europe écologie Les Verts, France insoumise et le Nouveau parti anticapitaliste NPA.
«Ce genre d’exposition ne peut faire qu’une seule chose, c’est remettre de l’huile sur le feu et attiser encore plus la haine des Algériens et en même temps alimenter le racisme.
Il faudrait plutôt apaiser les esprits. Il y a encore des gens qui souffrent de cette guerre», estime Jacky Mallea, membre du collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée.
«C’est une mémoire mobilisatrice qui permet de dire aux gens qu’il y a un ennemi commun et de ramener le FLN dans la question de l’indépendantisme par rapport à la France à une continuité avec le terrorisme islamiste et djihadiste.
C’est quelque chose qui, depuis une vingtaine d’années, fait partie des thèmes à bas bruits dans les milieux d’extrême droite», précise sur France 3 Occitanie Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite.