Essais nucléaires français au Sahara algérien : «Des crimes imprescriptibles engageant une responsabilité juridique»

30/08/2023 mis à jour: 03:55
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L’opération Gerboise bleue reste encore vivace dans la mémoire des Algériens - Photo : D. R.

Baptisée Gerboise bleue, la première bombe nucléaire française expérimentée en Algérie remonte au 13 février 1960. Elle a eu lieu dans la zone de Hamoudia, à Reggane, dans la wilaya d’Adrar. L’expérience a ouvert la voie à une longue série d’essais nucléaires qui se sont poursuivis jusqu’en 1966. Pendant cette période, la France a réalisé d’autres essaies à flanc de montagne du Taourirt Tan Affela, dans la wilaya de Tamanrasset.

Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) rappelle, à nouveau, à la France officielle l’ampleur de crimes coloniaux commis en Algérie dans les années 1960. Parmi ces derniers, il y a les essais nucléaires au Sahara. Dans un communiqué rendu public, lundi dernier, le CNDH rappelle que les explosions réalisées par la France coloniale avaient entraîné «la destruction et l’annihilation de l’homme, de la nature et de l’environnement». «Ces essaies resteront à jamais des crimes imprescriptibles engageant une responsabilité juridique», insiste le Conseil, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale contre les essais nucléaires, coïncidant avec la 29 août de chaque année.

Ce faisant, le communiqué dément l’argumentaire des autorités françaises qui «prétendaient, à la tribune de l’ONU, que les sites où sont expérimentés les engins nucléaires, à partir de 1960, étaient des zones inhabitées». «Toutes les circonstances ayant entouré ces explosions nucléaires et l’ampleur des effets des radiations qui en ont résulté sur la population de la région ne font aucun doute sur le caractère intentionnel et prémédité de ce crime», affirme le CNDH.

Pour l’organisme consultatif, «il est plus évident que jamais que le dossier de la mémoire doit continuer à être brandi face à quiconque songerait à l’occulter». Et de marteler : «Les essais nucléaires, en particulier, demeureront à jamais des crimes imprescriptibles, dont les séquelles ne sauraient être réparées par une quelconque indemnisation, aussi importante soit-elle.»

Malgré l’ampleur du désastre causé par ces essaies, l’espoir, estime le CNDH, «subsiste quant à l’atténuation des effets de cette catastrophe, à la faveur d’une recherche approfondie permettant de traiter ce phénomène». «Il ne s’agit pas seulement d’octroyer des indemnisations adéquates et d’apporter un soutien psychosocial aux victimes de ces crimes coloniaux odieux, mais aussi d’employer les méthodes scientifiques pour trouver des solutions adaptées aux problèmes environnementaux qui exigent une décontamination totale.»

«Une dette impayée de la France envers l’Algérie»

Baptisée Gerboise bleue, la première bombe nucléaire française expérimentée en Algérie remonte au 13 février 1960. Elle a eu lieu dans la zone de Hamoudia, à Reggane, dans la wilaya d’Adrar. L’expérience a ouvert la voie à une longue série d’essais nucléaires qui se sont poursuivis jusqu’en 1966. Pendant cette période, la France a réalisé d’autres essaies à flanc de montagne du Taourirt Tan Affela dans la wilaya de Tamanrasset.

L’ex-puissance coloniale a effectué, également, 38 expériences, dites «complémentaires» en dispersant du plutonium. «Avant de partir, les militaires et scientifiques français ont creusé des fosses pour enterrer le matériel, installé une clôture et mis quelques panneaux d’interdiction, laissant sur place des quantités de déchets radioactifs dangereux», avaient alerté des experts. En dépit de la confirmation des liens entre ses essais et leurs effets sur la population locale, la France continue, de longues années durant, à fuir sa responsabilité.

Il a fallu attendre l’année 2010 pour que, du bout des lèvres, elle commence à admettre que les essais n’avaient pas été aussi «propres» qu’elle l’affirmait. L’adoption d’une loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, était un premier pas vers la reconnaissance de la responsabilité de la France.

Cependant, cette la loi n’a bénéficié jusqu’à présent qu’à un seul Algérien qui a été indemnisé. Dans le même temps, la France a reconnu sa dette envers la Polynésie française, théâtres d’essais similaires entre 1966 et 1996. «Je ne peux que rappeler que la Polynésie est française alors que l’Algérie ne l’est plus depuis 60 ans, en plus des 132 ans d’occupation. Je veux dire que le peuple algérien n’a jamais accepté la présence française.

J’ignore ce que souhaitent les Polynésiens, mais les responsables français, à mon humble avis, ne peuvent qu’accorder à des citoyens français les indemnisations, les excuses, etc. Qu’ils refusent cela à des citoyens d’un pays étranger, cela est odieux et conforte la politique du ‘‘deux poids, deux mesures’’ de la France à l’égard des Algériens», avait dénoncé l’historien Fouad Soufi dans une déclaration à l’APS en 2022.

Dans une interview accordée à El Watan (édition du 12 février 2022), le directeur de l’observatoire des armements (France), Patrice Bouveret, relève que «l’Etat français a toujours affirmé avoir pris toutes les précautions et que ses essais nucléaires étaient ‘‘propres’’». Selon lui, «la logique voudrait que le président français Emmanuel Macron reconnaisse, enfin, la dette de la France envers l’Algérie pour les 17 essais réalisés dans le Sahara entre 1960 et 1966».

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