Espace culturel Bachir Mentouri à Alger : Regards croisés de deux poétesses

18/03/2023 mis à jour: 13:06
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De gauche à droite, Dalila Ameurline Boumghar, Raouia Yahiaoui et Fouzia Laradi

L’espace culturel Bachir Mentouri, de l’Etablissement Art et Culture, a accueilli, mercredi passé, dans le cadre des Mercredis du verbe et Mars au féminin, deux poétesses à la verve inépuisable.
 

La rencontre a été animée par Fouzia Laradi, poétesse, attachée culturelle auprès de l’Etablissement Art et Culture et présidente du bureau de la poésie de la wilaya d’Alger. Ce regard croisé de ces deux poétesses a permis de découvrir une poésie personnalisée raffinée, suggestive et chargée de sensibilité. 


La première poétesse, chercheur et académicienne Raouia Yahiaoui, a toujours été fascinée par le monde du langage et l’emprise des mots qu’elle a découvert très jeune. Pour la circonstance, elle a présenté deux ouvrages Ana La Ahad  (Je ne suis personne) et El rassa il lem Yahmilouha Sari el Barid (les lettres que le facteur ne portera pas). Elle indique que dans son premier livre, elle a essayé de redécouvrir le monde, contrairement à son deuxième ouvrage qui se décline sous la forme de lettres personnalisés, adressées à ses parents, à douze frères et sœurs, à son époux ainsi qu’à son fils. 

Des lettres qu’elle a écrites durant la période de la pandémie du Covid-19. L’âme de cette poétesse se lance dans la narration en évoquant des détails intimistes sur sa famille. En effet, cette aède à la verve prolifique entraîne le lecteur dans l’intimité du noyau familial, unis par les liens de sang et de cœur. Elle passe en revu certains souvenirs révolus à jamais, oscillant entre la joie et le malheur.

 Il va sans aucun dire que plus d’un se reconnaîtra dans ce passéisme, lié à cette prolifération du sentiment de la nostalgie. L’académicienne Raouia Yahiaoui révèle que l’espace bleu (Facebook) a contribué à faire connaitre la plupart de ses lettres qu’elle publiait en temps réel. 

De là, ont découlé des échanges entre amis et anonymes internautes. Elle avoue que quand elle a terminé la rédaction de ses missives, elle a imaginé qu’elles seront lues par des personnes, appartenant à l’an 3000. «Aujourd’hui, encore, je me pose la question suivante : Est-ce que les familles du futur sauront préserver les valeurs familiales que nous vivons aujourd’hui? Mieux encore, le lecteur sera-t-il différent de notre époque ? Il est clair que j’ai écrit ces lettres pour m’adresser à l’époque du futur. Je demeure persuader que le potentiel lectorat lira ses lettres avec beaucoup de réserve et de retenu.

 Quand j’ai terminé ces lettres, je me suis dis qu’elles allaient voyager. Ces textes resteront pour l’histoire.» Notre oratrice rappelle qu’elle s’est lancée dans l’écriture durant une période assez difficile. Personne ne pouvait imaginer survivre au virus du Covid-19. «Dans ses moments de peur et de stress, je pensais à la mort au quotidien. J’ai écrit ces lettres en pensant à ma famille.

 Pourquoi ? Parce que nous autres frères et sœurs, sommes tous éparpillés à travers le monde. J’ai douze frères et sœurs. Il fallait que je me livre à mes parents et à ma fratrie pour leur témoigner mon amour et mon affection», précise-t-elle. Elle ajoute que ses admirateurs lui ont demandé de s’écrire une lettre. Elle confesse que c’était l’exercice le plus difficile. Comment se mettre en face du miroir et parler de sa personne ?

 Quand elle a terminé la rédaction de toutes ses lettres, elle a décidé de boucler la boucle en écrivant une petite lettre à son époux et à son fils. «A cette époque, atteste telle, je ne pensais pas qu’on allait survivre à la pandémie. Je ne pensais pas, non plus qu’on allait se retrouver, aujourd’hui pour parler des mes lettres.» La poétesse avoue qu’une éditrice jordanienne qui lisait périodiquement ses lettres via le net, avait émis le vœu de les publier. De même qu’un autre éditeur étranger lui a fait la même offre. Mais Raouia Yahiaoui a préféré éditer ses lettres en Algérie. Car ces lettres parlent de la famille et du quotidien algérien. 


D’une voix douce et prenante à la fois, la deuxième poétesse Dalila Ameurline Boumghar rappelle qu’elle a écrit de la poésie et des livres pour enfants. Elle a publié six livres chez Casbah Edition et une poésie pour enfants chez Athéna. 

Poétesse infatigable, elle s’attelle d’ores et déjà à préparer un autre livre de poésie en attendant une éventuelle édition. Elle indique que toute écriture découle des tripes. «Cela, dit-elle, vient du fond de l’âme. Quand, j’écris un poème cela dépend des circonstances. Je pense que j’écris pour libérer des mots qui me viennent tout naturellement. Tout m’inspire : Une scène dans la rue, quelque fois un documentaire à la télévision ou encore la mort d’un être cher. Tout ceci a un impact sur notre vie et ressenti. Sur ce que nous avons envie d’exhumer.» 

Dalila Ameurline Boumghar considère que la poésie est, en fait, un exécutoire pour le poète et une thérapie pour celui qui l’a ressent. «Lorsque l’on veut bien recevoir ce que l’on nous donne et essayer de comprendre les termes qui arrivent. 

Ce sont des messages lourd de sens qui en découlent», ajoute-t-elle. C’est l’écriture qui est venue vers elle sous forme de poésie. Chemin faisant, elle se plaisait à raconter aux enfants des contes imaginés avec une certaine morale. Dans certains de ses poèmes, elle tente de décrire un monde parallèle où l’humain est exclu. La poétesse gratifie l’assistance en déclamant quelques vers, exhumés de son recueil de poésies Dans la tourmente du monde : «Rime inutile prose sauvage ou poésie du naufrage de l’avenir. Tant de siècles t’ont ternie, tant de poètes rajeunies.

 A poésie d’amour répondait poésie de guerre et tu passais de vers en vers, de rime en rime pour retomber dans ton abîme ... le parchemin.» Suivra la lecture d’un autre poème poignant intitulée Maternelle absence – extrait de son recueil de poésie Parfum de mots sur sa regrettée maman, décédée en 2016. La poésie de Dalila Ameurline Boumghar aborde des thèmes aussi variés que divers : façon singulière de mieux aborder les problèmes et les travers de la société algérienne.
 

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