Émeutes en France : Les extrémistes de droite jettent de l’huile sur le feu

05/07/2023 mis à jour: 03:12
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Comme à son habitude, Eric Zemmour a tenu ces derniers jours des propos odieux sur la communauté maghrébine de France

Le calme revenu dans les banlieues, l’extrême-droite continue de s’exciter. Ils ne sortent pas un vulgaire pistolet mais l’artillerie lourde. Ses têtes de file clament qu’ils avaient prédit cet embrasement sauvage, au travers nombre de livres et d’articles. 

N’oubliant pas la candidature de Zemmour en 2022 qui surfait sur un soulèvement à venir dans les banlieues à cause de l’immigration. Les thèmes «décivilisation et ensauvagement auxquels font écho des syndicats de police qui parlent de ‘‘guerre’’ contre ‘‘les nuisibles’’ », sont dangereux, selon Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS qui fustige cette sémantique, estimant que c’était là «un vocabulaire colonial». Pour lui, il faut remonter aux causes : «Il est temps que la classe politique en prenne conscience et déchire le voile d’ignorance qu’elle préfère se mettre sur les yeux (…). 

Les mauvaises pratiques policières sapent les fondements de la République. Il est temps d’y mettre un terme. Seule une réforme systémique le permettra, en commençant par l’abrogation de la loi de 2017» qui permet aux policiers une plus grande latitude dans l’usage de leurs armes. 

Ce que refuse la droite dite républicaine qui ne trouve rien à redite à l’odieuse cagnotte en ligne pour soutenir le policier qui a tué Nahel (plus de 1,5 M d’euros€ recueillis). Et qui fait de la surenchère sur l’extrême-droite qui s’assagit faussement, lorgnant sur l’échéance électorale de 2027 avec le pouvoir à portée d’urnes. 

Après que la France a été en feu, droite et extrême-droite ne pleurent pas sur la misère des quartiers relégués, proposant leur arsenal de mesures coercitives qui ne résout rien : le retour des peines de prison planchers, la suppression des allocations aux familles incriminées, la déchéance de nationalité… Et plus de places en prison ! Rien ou presque pour dire le mal-être de pans entiers de populations qui crée le carburant de la révolte. 

La gauche à la recherche d’arguments neufs  

Quant à la gauche, un peu larguée par une critique maladroite des pillards, elle a du mal à réagir avec des arguments neufs. C’est sous Mitterrand en 1982-83 que les premières mesures de la politique de la ville ont été initiées avec des milliards investis au fil des ans. Même si la droite, et même Macron ont décousu cet effort, relancer ce type de programme n’est pas porteur politiquement. Hier mardi, le président Emmanuel Macron a reçu les maires qui ont beaucoup souffert de la vague sans précédent de pillage, estimant que le «pic des violences» est passé. Le chef de l’Etat «souhaite débuter un travail minutieux et de plus long terme pour comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces événements». Il faut s’atteler, dit-il, à «un ordre durable, républicain, c’est la priorité absolue». 

De nombreux analystes progressistes auraient envie de lui demander comment rattraper un retard et un laxisme de plusieurs décennies. Car les multiples causes sont répertoriées, surtout depuis les trois semaines d’embrasement de 2005 après la mort de deux jeunes poursuivis par des policiers : «Rapports conflictuels avec la police, discriminations et ségrégation sociale, sous-dotation en dépenses publiques, chômage...», précise Libération. Pour Ali Rabeh (d’origine algérienne), maire de Trappes, (Générations) il faut «des changements structurels des politiques publiques» pour «garantir la mixité sociale dans nos quartiers».

«La France a une histoire longue de radicalisation de l’emprise policière» 

L’un des détonateurs premiers est explicité par le professeur Emmanuel Blanchard : «La France a une histoire longue de racialisation de l’emprise policière. Si l’on ne prend pas en compte l’histoire coloniale, on ne comprend pas pourquoi le nombre de personnes trouvant la mort dans des interactions avec des policiers est, en France, beaucoup plus élevé – de deux à cinq fois – que dans des pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni». L’universitaire connaît le sujet, lui qui a écrit La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962 (Nouveau Monde, 2011) et Histoire de l’immigration algérienne en France (La Découverte, 2018). 

Il ajoute, dans Le Monde, que depuis 2017, «une hausse importante des tirs mortels», «liés à des refus d’obtempérer. Cet assouplissement des conditions d’usage des armes n’a pas conduit à une augmentation aléatoire des tirs : ils se concentrent sur les populations les plus contrôlées, en particulier les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes». Sur le site The Conversation, François Dubet, professeur des universités émérite, explique que «les politiques urbaines ratent leurs cibles. 

Depuis 40 ans, de considérables efforts ont été consacrés à l’amélioration des logements et des équipements. (…) En revanche, la mixité sociale et culturelle s’est plutôt dégradée. Le plus souvent, les habitants sont pauvres, précaires, et sont immigrés ou issus des immigrations successives. Mais surtout, ceux qui ‘‘s’en sortent’’ quittent le quartier et sont remplacés par des habitants encore plus pauvres et venant d’encore plus loin ».

Enfin, pour Eric Marliere, professeur de sociologie à Lille, dans les émeutes, il «s’agit de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un ‘‘système’’ qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années». 

Et il précise : «Il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers». Autant dire que, contre ces implacables et incontournables «déterminismes», il faudrait un programme responsable dont on ne sait pas aujourd’hui en France qui pourrait l’assumer dans un climat que les thèses d’extrême-droite rendent explosif.

France 
De notre correspondant  Walid Mebarek

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