Une économie diversifiée, flexibilisée et ouverte de façon rationnelle sur le reste du monde est incontournable pour sortir de l’extraversion et retrouver une croissance forte et inclusive. Le manque de diversification des exportations et le poids des importations de produits de consommation (alimentaires et autres) sont le reflet de l’absence de diversification des sources d’activité économique.
Cette dernière est liée à des facteurs endogènes (politiques macroéconomiques et structurelles inadéquates et incohérentes) et des contraintes exogènes (marchés internationaux, facteurs géostratégiques). Un plan stratégique à long terme doit donc viser à éliminer ces contraintes et bâtir en simultanéité :
Un nouveau modèle de production et d’exportation : Reposant sur une variété de secteurs d’activité traditionnelles et à haute valeur ajoutée prenant en compte les défis du changement climatique et des nouvelles formes d’emploi. La mise en place de ce modèle implique des politiques macroéconomiques crédibles ; des institutions gouvernementales efficaces ; un environnement des affaires et un climat d’investissement favorables ; une ouverture commerciale et financière encadrée ; et une diversification des exportations.
Des politiques macroéconomiques appropriées et cohérentes : En appui de la production, de l’exportation et du maintien de la compétitivité extérieure (pour stimuler la création de biens échangeables), ce qui implique : (i) un assainissement budgétaire progressif et soutenu (mesures pour augmenter les recettes, rationaliser les dépenses et diversifier les sources de financement budgétaire) ; (ii) une politique monétaire ciblant la réduction des tensions inflationnistes, appuyée par le renforcement de l’indépendance de la Banque d’Algérie (BA), une supervision bancaire solide, un cadre de gestion de crise et surtout un réseau de banques commerciales performantes ; et (iii) une plus grande flexibilité du taux de change ainsi qu’une unification des taux de change pour soutenir les efforts de stabilisation de l’économie et favoriser un taux de change effectif réel en ligne avec son niveau d’équilibre.
Des politiques et des mesures favorisant une ouverture économique, commerciale et financière : Qui passe par : (i) l’élimination des restrictions et barrières tarifaires et non tarifaires pour engranger des gains de productivité et faciliter la diversification ; (ii) une discussion avec l’UE pour réaménager l’accord d’association actuel qui est défavorable à l’Algérie (après avoir adopté une stratégie de baisse progressive des barrières tarifaires et non tarifaires) ; (iii) la mise en place d’incitations à l’investissement plus neutres pour encourager la diversification des exportations ; (iv) l’accélération des discussions pour une adhésion à l’OMC rénové et (5) des mesures diverses pour attirer des investissements directs étrangers et l’épargne internationale.
Des mesures facilitant la diversification des exportations : Passant par : (i) le renforcement de la qualité du capital humain ; (ii) l’ouverture commerciale pour s’exposer à la concurrence et acquérir un savoir-faire ; (iii) l’amélioration de la qualité des institutions ; (iv) la disponibilité d’infrastructures de qualité (transports, téléphonie et pénétration internet); (v) la préparation des conditions pour ouvrir le compte capital de la balance des paiements à terme pour mobiliser l’épargne étrangère ; (vi) le développement du secteur financier et (vii) la mise en place d’instruments directs et indirects d’intervention pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’exportation et placer l’économie du pays sur le marché mondial (y compris la participation à des chaînes de valeur régionales).
Le mix macroéconomique et structurel actuel est incohérent et doit être réorienté. Une politique budgétaire expansionniste qui crée un effet d’éviction, absorbe des ressources qui auraient pu être orientées vers l’investissement et génère de l’inflation que la politique monétaire ne combat pas.
L’inflation érode la compétitivité extérieure qui est d’ailleurs aggravée par la politique d’appréciation du dinar suivie en 2022 par la BA pour combattre l’inflation, pénalisant ainsi le processus de promotion des exportations. De plus, le recul régulier de réformes structurelles et l’absence de mobilisation de l’épargne privée internationale privent le pays de ressources financières pour favoriser l’investissement privé productif et appuyer le processus de diversification économique. Pour finir, les politiques sectorielles ne sont pas suffisamment ciblées pour encourager la production et l’investissement dans les secteurs à haute valeur ajoutée (numérisation et vert). Feuille de route pour une diversification de l’activité économique en général et des exportations en particulier.
Avec un monde en plein bouleversement économique et géostratégique et au milieu d’une transition énergétique incontournable, le pays ne doit plus perdre du temps et doit à tout le moins et dans les délais les plus brefs se doter d’une stratégie de diversification de exportations cohérente avec une stratégie à long terme de réforme du modèle économique et social du pays. Trois grands volets :
Volet 1. Articuler des politiques macroéconomiques structurelles et sectorielles cohérentes : appuyant le retour aux grands équilibres, la diversification des activités de production et le ciblage de secteurs à haute valeur ajoutée et créer un éventail de produits échangeables.
Volet 2. Est liée elle-même à la diversification économique, processus complexe et long qui ne peut résulter que d’une transformation structurelle de l’économie tirée par de hauts niveaux de productivité provenant d’une réallocation intra et inter sectorielle des ressources.
En appui de cet objectif stratégique et sur la base de nombreuses études internationales, il serait souhaitable d’engager un véritable programme de réformes visant à :
(1) renforcer la qualité du capital humain par le biais d’une amélioration de la qualité des enseignements primaire, secondaire et supérieur pour rehausser la qualité du marché du travail, favoriser la création et in fine soutenir la croissance et les exportations; (2) favoriser l’ouverture commerciale qui permet de s’exposer à la concurrence et d’acquérir un savoir-faire ; (3) améliorer la qualité des institutions, mesurée par la qualité de la gouvernance (respect des contrats, arbitrage etc.) et le niveau de corruption pour inspirer confiance dans le label Algérie; (4) disposer d’infrastructures de qualité, notamment en matière de transports, téléphonie et pénétration internet incontournable pour s’insérer dans le circuit du commerce international électronique ; (6) œuvrer à l’ouverture du compte de capital à terme pour mobiliser l’épargne étrangère, notamment sous la forme d’investissements directs étrangers même si ils tendent à se diriger vers des secteurs où les pays ont un avantage comparatif, notamment le secteur minier ; (7) développer le secteur financier pour améliorer à la fois l’accès financier et l’allocation du crédit entre les secteurs (et entre les entreprises au sein des secteurs) et (8) mettre en place une politique industrielle qui s’appuie sur des instruments directs et indirects d’intervention pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’exportation et placer l’économie du pays sur le marché mondial.
Volet 3. Eliminer à terme la dualité du marché des changes (un objectif à moyen terme) qui s’articulerait autour de 4 grands axes : (1) un premier axe à court terme (12 mois) visant la réduction de l’écart entre le taux officiel et le taux parallèle ; (2) un second axe (moyen terme) pour renforcer le fonctionnement du marché officiel de change ; (3) un troisième axe (moyen terme) est d’assécher les sources d’offre du marché parallèle ; et (4) un quatrième axe (long terme) visant à l’unification à terme des deux marchés par le biais d’une libéralisation du compte capital de la balance des paiements pour faire bénéficier le pays d’entrées de ressources extérieures.
Un volet diversification économique. Cette dernière devrait mettre en place un modèle de production reposant sur une variété de secteurs d’activité devant améliorer les perspectives de croissance à long terme, Ce nouveau modèle devra, en outre, tenir compte des défis climatiques et des changements importants au niveau de l’emploi. La mise en place de ce modèle implique des politiques macroéconomiques crédibles, des institutions gouvernementales efficaces, un environnement des affaires et un climat d’investissement favorables et des réformes favorisant l’ouverture commerciale, la diversification des exportations et l’élimination à terme de la dualité des marchés de change.
Un volet macroéconomique : Pour soutenir la compétitivité extérieure et éviter les fluctuations du taux de change réel et la surévaluation réelle, le mix comprendra : (i) un assainissement budgétaire progressif et soutenu (mesures pour augmenter les recettes, rationaliser les dépenses et diversifier les sources de financement budgétaire) ; (ii) une politique monétaire ciblant la réduction des tensions inflationnistes, dans un contexte du renforcement de l’indépendance de la Banque d’Algérie (BA) et de la supervision bancaire, de la mise en œuvre d’un cadre de gestion de crise et de l’amélioration de la gouvernance des banques publiques et (iii) une plus grande flexibilité du taux de change pour soutenir les efforts de stabilisation, ce qui devra impliquer le maintien par la BA de sa politique de ciblage du taux de change effectif réel en ligne avec son niveau d’équilibre et la poursuite de la dépréciation nominale du dinar de façon progressive pour corriger la surévaluation tout en contenant les pressions inflationnistes à court terme.
Un volet ouverture commerciale : impliquant : (i) l’élimination des restrictions et barrières tarifaires et non tarifaires pour engranger des gains de productivité et faciliter la diversification ; (ii) une discussion avec l’UE pour réaménager l’AAUE (après avoir adopté une stratégie de baisse progressive des barrières tarifaires et non tarifaires) ; (iii) la mise en place d›incitations à l›investissement plus neutres pour encourager la diversification des exportations ; (iv) l’accélération des discussions pour une adhésion à l›OMC et (5) des mesures diverses pour attirer des investissements directs étrangers.
Un volet diversification des exportations : Passant par : (i) le renforcement de la qualité du capital humain ; (ii) l’ouverture commerciale pour s’exposer à la concurrence et acquérir un savoir-faire ; (iii) l’amélioration de la qualité des institutions ; (iv) la disponibilité d’infrastructures de qualité (transports, téléphonie et pénétration internet); (v) la préparation des conditions pour ouvrir le compte capital de la balance des paiements à terme pour mobiliser l’épargne étrangère ; (vi) le développement du secteur financier ; et (vii) la mise en place d’instruments directs et indirects d’intervention pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’exportation et placer l’économie du pays sur le marché mondial (y compris la participation à des chaines de valeur régionales).
Un dernier volet unification des marchés de change : Articulé autour de 4 axes : (i) identifier et évaluer les impacts d’une dépréciation sur les canaux (commerce international et secteur financier) par lesquels l’unification des taux de change (essentiellement une dépréciation du taux officiel) vont se répercuter sur les divers segments de l’économie ; (ii) déterminer un taux de change d’équilibre pour l’économie qui serait compatible avec la stabilité macroéconomique et extérieure à moyen terme ; (iii) déterminer un horizon temporel pour entamer la transition vers ce taux d’équilibre soit par le biais d’une approche qui unifie le taux de change instantanément ou une approche progressive s’étendant sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois et (iv) une politique de communication pour offrir la visibilité sur la démarche des autorités et rassurer les différents agents économiques.
Par Abdelrahmi Bessaha , Expert international