Pour trouver une solution diplomatique à la crise russo-occidentale sur l’Ukraine, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a effectué hier une visite à Moscou, où il s’est entretenu avec le maître du Kremlin, Vladimir Poutine.
A cette occasion, le président russe a déclaré vouloir «continuer le travail en commun» avec les Occidentaux sur la sécurité européenne pour désamorcer la crise autour de l’Ukraine. «Nous sommes prêts à continuer le travail en commun. Nous sommes prêts à aller sur le chemin de la négociation», a-t-il déclaré à Moscou au cours d’une conférence de presse avec le chancelier allemand, selon des propos recueillis par l’AFP. Il a cependant regretté le rejet par les Occidentaux de ses principales exigences.
Ces revendications consistent à mettre fin à la politique d’élargissement de l’ Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), l’engagement de ne pas déployer d’armes offensives à proximité du territoire russe et le retrait d’infrastructures de l’Otan sur les frontières de 1997, avant que l’organisation n’accueille d’ex-membres du bloc soviétique. Le président russe a souligné qu’il ne renonce pas à ces demandes et qu’elles feraient partie du «complexe» des pourparlers russo-occidentaux. «Voulons-nous (d’une guerre) ou pas ?
Bien sûr que non. C’est pour cela qu’on a avancé nos propositions pour un processus de négociations», a-t-il observé. Il a aussi confirmé un «retrait partiel des militaires» de la frontière avec l’Ukraine, refusant cependant de le commenter. Il a également dit «ne pas pouvoir fermer les yeux sur la manière dont les Etats-Unis et l’Otan traitent le principe d’indivisibilité de la sécurité», jugeant que les Occidentaux s’efforcent de renforcer leur propre sécurité aux dépens de celle de la Russie. Il a en outre défendu le projet du gazoduc Nord Stream 2 qui relie son pays à l’Allemagne. «La Russie fournit actuellement plus d’un tiers des produits énergétiques de l’Allemagne, à la fois le pétrole (34%) et le gaz naturel (35%)», a-t-il déclaré, rappelant l’importante dépendance de Berlin aux hydrocarbures russes. «Même pendant la période de prix élevés du gaz et de pénurie de l’offre en Europe, nous avons continué à fournir les consommateurs allemands sur la base des prix fixés par des contrats à long terme», bien inférieurs aux prix du marché au comptant, a-t-il souligné. «Il s’agit d’un des plus grands projets d’infrastructure en Europe, destiné à renforcer significativement la sécurité énergétique sur le continent et à contribuer à la résolution (...) des problèmes environnementaux», selon le président russe, relevant qu’il s’agit d’un projet «purement commercial, pas politique».
«Possible de trouver une solution»
De son côté, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a qualifié l’annonce du retrait de troupes russes massées à la frontière ukrainienne comme étant un «bon signe». «Le fait que nous entendions maintenant que certaines troupes sont retirées est en tout cas un bon signe. Nous espérons qu’il y aura encore des suites», a déclaré, à Moscou, le dirigeant allemand, convaincu que les efforts diplomatiques pour éviter un conflit sont «loin d’être épuisés».
Pour ce dernier, «il est clair pour tous les Européens qu’une sécurité durable ne peut être obtenue contre la Russie, mais (est) possible uniquement avec la Russie». Ainsi, «il devrait donc être possible de trouver une solution», car «aussi difficile et grave que puisse paraître la situation actuelle», elle n’est, selon lui, «pas désespérée», a-t-il ajouté.
A son avis, les Occidentaux et la Russie doivent s’efforcer d’aboutir à un compromis sur les questions de sécurité européenne sans qu’aucune des parties n’ait à renoncer «à ses principes». Comme «il y a suffisamment de bases de discussion pour que les choses évoluent positivement et nous devons utiliser ces bases de discussion», a-t-il souligné.
Signe d’apaisement
Un peu plus tôt dans la journée, la Russie a ordonné le retour, dans leurs garnisons, d’unités déployées près de la frontière ukrainienne. «Les unités des districts militaires du Sud et de l’Ouest (zones frontalières de l’Ukraine, ndlr) qui ont achevé leurs tâches, ont déjà commencé à procéder au chargement sur les moyens de transports ferroviaires et routiers et commenceront à retourner vers leurs garnisons», a indiqué le porte-parole du ministère de la Défense russe, Igor Konachenkov. «Nous avons toujours dit qu’après l’achèvement des exercices (...), les troupes retourneront dans leurs garnisons d’origine. C’est ce qui se passe là, c’est le processus habituel», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. En revanche, il a dénoncé une campagne occidentale «absolument sans précédent visant à provoquer des tensions».
Et de relever : «C’est le genre d’hystérie qui ne repose sur rien.» Pour la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, «le 15 février 2022 entre dans l’histoire comme le jour de l’échec de la propagande guerrière de l’Occident. Ils sont humiliés et détruits sans qu’un coup de feu n’ait été tiré». De leur côté, les députés russes ont demandé le même jour au président Poutine de reconnaître l’indépendance des deux Républiques autoproclamées par les séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine. Entre-temps, la Russie poursuit ses manœuvres au Bélarus, voisin de l’Ukraine, entamées le 10 février pour s’achever le 20 du même mois.
Un peu plus tard, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a eu un nouvel échange téléphonique avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.
Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a recommandé à Vladimir Poutine d’approfondir le dialogue avec l’Occident, estimant qu’il y a «toujours une chance» de trouver un compromis. Washington estimait qu’une offensive russe contre son voisin est probablement imminente, son ambassade à Kiev a été abandonnée lundi pour être installée à Lviv dans l’ouest du pays. Des dizaines de pays ont appelé leurs ressortissants à partir d’Ukraine, en dépit des appels du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à ne pas céder à la panique.
La Russie, qui a déjà annexé la Crimée en 2014 et soutient des séparatistes prorusses dans un conflit dans l’est de l’Ukraine depuis huit ans, a constamment nié toute intention belliqueuse. Elle se dit, à l’inverse, menacée par l’expansion de l’Otan en Europe de l’Est et réclame des «garanties de sécurité», notamment l’assurance que l’Ukraine n’adhérera jamais à l’Otan et que l’Alliance éloigne ses infrastructures militaires des frontières russes.
Exigences rejetées par les Occidentaux qui ont proposé en échange des pourparlers sur d’autres sujets, comme le contrôle des armements, les visites réciproques d’infrastructures sensibles ou des discussions sur les craintes russes en matière de sécurité.