Crise politique en Tunisie : Le président Saïed dissout le Conseil supérieur de la magistrature

07/02/2022 mis à jour: 01:11
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Le président tunisien Kaïs Saïed

Le président tunisien, Kaïs Saïed, a annoncé, avant-hier, tard dans la soirée, sa décision de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). «Qu’il se considère une partie du passé, à partir de ce moment», a dit le président tunisien, en allusion au CSM, lors de son allocution devant les hauts cadres du ministère de l’Intérieur, auxquels Saïed a rendu visite dans leur département. 

Le Président a rappelé que le CSM n’a rien fait pour débloquer de grandes affaires, comme celle des assassinats politiques qui traîne depuis neuf ans. Le président tunisien s’est déplacé au ministère de l’Intérieur pour expliquer son opposition à l’interdiction de manifester, proclamée quelques heures auparavant par le ministère. «La situation pandémique a évolué ces derniers jours et les gens peuvent manifester dans le respect de la loi», leur a-t-il expliqué, en insistant sur son respect des libertés et des droits en Tunisie, dans le cadre du respect des lois en vigueur. «Nous avons laissé les gens dire des mensonges pour ne pas porter atteinte à la liberté d’expression. 

Mais, il est fondamental de préserver l’Etat et ses institutions», a insisté le Président, qui avait régulièrement, depuis son investiture en 2019, critiqué les manquements de la justice concernant les délits électoraux, les assassinats politiques et les affaires terroristes. «Une affaire concernant une personne lamda est liquidée rapidement alors que d’autres affaires, plus graves, traînent dans les couloirs de la justice, sans aucune intervention du CSM», a-t-il remarqué, accusant l’instance de complaisance.

«Le choix de la date d’annonce de la dissolution du CSM n’est pas fortuit puisqu’il coïncide avec le 9e anniversaire de l’assassinat de Chokri Belaïd, qui a connu plein de tergiversations de la justice, allant de la disparition d’éléments importants, comme l’ordinateur de l’un des accusés, à la manière de traîner l’affaire», a expliqué hier à El Watan le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Sami Tahri, exprimant implicitement un soutien à la décision présidentielle.

 Tahri était présent à la commémoration de l’assassinat de Belaïd, sur les lieux du crime à El Menzah 6,où des slogans ont été levés accusant Ghannouchi et Ennahdha d’être derrière cet assassinat et demandant la vérité sur les assassinats politiques. 

Une marche a ensuite été organisée, avec la participation de plusieurs centaines de personnes, sur le boulevard Mohammed V au centre-ville de Tunis, où les mêmes slogans anti-Ennahdha avec, notamment, une affiche proclamant : «Justice indépendante et équitable ; fidélité aux martyrs et alignement sur la patrie», exprimant indirectement le soutien à la décision de la veille du président Saïed.

Réactions

La première des réactions est celle de Youssef Bouzakher, président du CSM, qui a déclaré à Mosaïque FM que «la Constitution ne permet pas au président de la République de dissoudre le CSM» et que cette instance «va continuer à exercer ses fonctions», poursuivant ainsi sur les mêmes positions annoncées par l’assemblée générale du CSM, tenue fin décembre dernier. L’autre réaction est venue de Ghazi Chaouachi, secrétaire général du parti Ettayar et avocat, qui a déclaré que «cette décision ne concrétise pas l’indépendance de la magistrature, malgré le fait que le CSM n’ait rien fait pour mettre à niveau le secteur». Chaouachi a annoncé «son rejet de cette décision» et appelé les juges à résister. Pour lui, «la décision ne devrait pas passer par des décrets, mais par des concertations associant tout le monde». «C’est un procédé non constitutionnel, que nous refusons», a-t-il conclu. 

Dans la rue, une manifestation a été organisée hier devant le siège du CSM, demandant sa dissolution, en réaction à la déclaration d’intention du président Saïed de le dissoudre. Les sensibilités proches de Saïed ne ratent pas une occasion pour exprimer leur appui à ses décisions. Hier quelques centaines de personnes ont réagi à la déclaration du président Saïed, en attendant le décret annonçant cette dissolution promise. Une bataille juridique pourrait s’en suivre, dans les conditions exceptionnelles vécues en Tunisie.

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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