Le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP PSD) – qui représente l’ensemble des groupes politico-militaires du Nord – dénonce la décision de Bamako de mettre fin unilatéralement à l’Accord de paix, signé sous l’égide des Nations unies en 2015.
La dénonciation, jeudi par Bamako, de l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger expose le Mali à un nouveau cycle d’instabilité et d’insécurité qui risque d’être d’une plus grande intensité que les précédentes crises.
Les tensions deviennent plus que jamais vives entre le pouvoir central et les groupes politico-militaires du nord du pays. Le cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP PSD), qui représente l’ensemble de ces groupes, dénonce la décision de la junte de mettre fin unilatéralement à l’Accord de paix, signé sous l’égide des Nations unies en 2015 dans la capitale malienne.
Le CSP PSD affirme qu’il prend acte de cette décision qui rend caduc un accord de paix qui «a entériné l’unité du Mali, antérieurement consacrée par l’Accord préliminaire de Ouagadougou de juin 2013». Cette instance signataire de l’Accord d’Alger au nom des groupes politico-militaires du Nord estime que «la décision de Bamako remet totalement en cause tous les principes et les clauses» énoncés dans l’Accord.
«Graves dérives de la junte»
Le CSP PSD prend ainsi à témoin la communauté internationale de la gravité de la décision unilatérale prise par la junte et saisit cette occasion pour «réitérer sa reconnaissance à l’endroit de toute la médiation internationale et particulièrement à l’Algérie comme cheffe de file pour tous les efforts consentis pour promouvoir la paix et la stabilité au Mali». Il invite par-là même la communauté internationale, en tant que garante de l’Accord d’Alger, «à assumer toutes ses responsabilités vis-à-vis du défi auquel la junte malienne expose toutes les parties».
Tout en invitant toutes les populations du Mali à dénoncer les «graves dérives de la junte aux conséquences obligatoirement désastreuses», le CSP PSD appelle aussi l’ensemble des mouvements du nord du pays à «revoir et actualiser leurs objectifs respectifs pour faire face à cette nouvelle donne». Il félicite «la population de l’Azawad pour sa résilience et sa patience pendant les huit ans du processus de paix» et l’appelle à «rester soudée derrière ses objectifs».
Le CSP PSD conclut sa déclaration par la dénonciation de ce qu’il qualifie de «graves violations des droits de l’homme perpétrées par la coalition FAMA/Wagner contre les civils» et appelle dans ce sillage la communauté internationale à «diligenter une enquête pour juger les coupables».
Le CSP PSD a déjà alerté, par le passé, sur les violations par le pouvoir de Bamako de nombreuses clauses de l’Accord d’Alger.
Il est allé jusqu’à agiter le menace de la reprise des hostilités quand l’armée malienne a décidé d’attaquer des positions de la coalition des mouvements du nord du pays, au lendemain du retrait en août 2023 des premiers contingents de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).
Si le CSP PSD a opté pour un repli stratégique des forces de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), c’est parce qu’il avait encore espoir que la médiation internationale réussisse à convaincre Bamako de la nécessité de mettre en œuvre l’Accord de paix.
Avec la décision prise par le gouvernement d’Assimi Goïta de se retirer officiellement de cet accord, rien ne semble pouvoir désormais dissuader les groupes politico-militaires du Nord de reprendre les armes.
S’il ne le déclare pas encore de manière claire dans leurs réactions officielles, le CSP PSD le laisse entendre, surtout que les mouvements du Nord se disent être en «légitime défense» depuis que l’armée malienne a pris d’assaut en été 2023 l’emprise onusienne dans la localité de Ber, sans aucune forme de considération aux dispositions des arrangements sécuritaires en vigueur.
La situation risque de dégénérer à tout moment. Des observateurs soutiennent que ce n’est certainement pas avec des mercenaires que le régime de Bamako, issu du coup d’Etat de 2021, va ramener la paix au Mali. Il est illusoire de penser en effet que la crise pourrait être réglée avec les armes ou avec une simple reconquête de la ville de Kidal, grâce aux mercenaires de Wagner auxquels Assimi Goïta aurait cédé deux mines d’or en contrepartie de leur appui militaire aux forces maliennes engagées au nord du pays.
Menace terroriste grandissante
Si les groupes du Nord reprennent les armes, l’armée malienne, aux modestes moyens humains et matériels, ne sera plus en mesure d’y faire face, surtout que la menace terroriste continue à peser grandement sur le Mali. Une telle confrontation va inéluctablement laisser le champ libre aux groupes terroristes qui redoubleront de férocité dans le reste du pays.
Le scénario de 2012 où des groupes terroristes ont pris le contrôle de plusieurs grandes villes du Nord risque de se répéter. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a récemment alerté sur la recrudescence du terrorisme dans la région du Sahel, dont le Mali est l’une des cibles des groupes affiliés à Al Qaïda et Daech (groupe Etat islamique). Les attaques terroristes se sont multipliées ces deux dernières années au Mali.
En septembre 2023, le Mali a été la cible de deux attaques terroristes qui ont fait en tout 64 morts dont 49 civils. Les deux attaques distinctes ont visé «le bateau Tombouctou sur le fleuve Niger et la une position de l’armée malienne à Bamba, dans la région de Gao au nord. Pour faire face à cette menace terroriste grandissante, le Mali a besoin de l’ensemble de ses forces, mais surtout d’une stabilité durable.
Or, la voie empruntée par les dirigeants actuels ne fait qu’entretenir les germes de la division qui risque de mener le pays vers une désastreuse guerre civile. Par leur soif de pouvoir, Assimi Goïta et ses acolytes prennent le risque de renvoyer le Mali à la case départ.