Crise libyenne : Difficile mise en place d’une réconciliation nationale

12/01/2022 mis à jour: 12:00
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Un climat d’incertitude règne encore en Libye / Photo : D. R.

Empêchement de fait des élections du 24 décembre 2021 en Libye, avec l’absence de nouvelles dates. Divisions nuancées des belligérants locaux et hésitations des partenaires internationaux. Les armes et le pétrole, nœuds de la guerre et clés de la réconciliation.

Les Libyens ne sont pas encore parvenus à fixer de nouvelles dates à leur processus électoral, prévu le 24 décembre dernier, mais empêché par les divisions internes. Il semble, de plus en plus, que la situation est quasiment revenue au point mort, avec les interminables discussions sur la Constitution, la loi électorale et l’épineux contentieux de répartition de la rente pétrolière.

Dbeyba commence à apparaître comme un nouveau Al Sarraj, arrivé initialement en mars 2016 pour une année, avec à la clé des élections générales. Al Sarraj est resté cinq ans, sans réaliser le moindre terme dudit accord.

Les islamistes libyens, colonne vertébrale du pouvoir depuis la chute de Gueddafi en 2011, ont clairement exprimé leur opposition au processus électoral, déclenché par la conférence de Genève de février 2021. «Les dirigeants islamistes sont conscients du risque de subir la sanction des urnes, tant leur bilan au pouvoir fut catastrophique», explique le politologue Ezzeddine Aguil.

Toutefois, si les islamistes sont les mal-aimés d’une bonne partie de la population locale, ils demeurent très influents parmi les formations armées de l’Ouest libyen, surtout avec le soutien de la Turquie et des miliciens syriens. «C’est pour s’assurer que les élections du 24 décembre ne mènent pas aux mêmes contestations que celles de juin 2014, perdues par les islamistes, et à l’origine de la guerre civile, que le report du processus électoral a été décidé», estime le juge Jamel Bennour. Les islamistes pourraient facilement rejeter le verdict des urnes, ajoute Bennour, soucieux de la forte présence des milices armées dans l’Ouest libyen.

La question du départ des troupes étrangères, milices et forces régulières, n’a, par ailleurs, pas trouvé d’issue en raison des intérêts partisans couvés par ces diverses forces, les Turcs et les milices syriennes à l’Ouest, contre les Russes des Wagners et les milices africaines, à l’Est.

En effet, la commission militaire «5+5» n’est pas parvenue à appliquer ses décisions sur le terrain, concernant le retrait simultané des forces, malgré l’initiative prise, côté Est, avec le départ de 300 miliciens. 

«Il est clair que les islamistes de l’Ouest ont peur de se retrouver ‘seuls et à découvert’ face à la population. Ils n’ont confiance en personne», affirme le politologue Ezzeddine Aguil, qui ajoute que «les islamistes préfèrent un compromis politique à un scrutin»

Le retour des discussions inter-libyennes à la case départ confirme cette orientation de recherche d’un compromis politique, avec un remake des discussions sur la Constitution, la loi électorale et la répartition des richesses pétrolières.

Risques

La rue libyenne ne cesse d’exprimer sa lassitude par rapport aux partis politiques, notamment les islamistes. «La révolution de 2011 n’a rien apporté de concret aux citoyens, en rapport avec l’amélioration de leur vécu quotidien ; loin de là, leur situation s’est détériorée», constate le juge Jamel Bennour, inquiet pour l’avenir des Libyens. 

«Le pétrole est en train de partir, sans qu’il y ait d’intérêt au développement du pays, c’est grave !», ajoute-t-il, en demandant des concertations avec des objectifs «autres que la répartition du gâteau du pouvoir».

«Le bilan de la dernière décennie est loin d’être positif et appelle à se concentrer sur des enjeux stratégiques servant les intérêts du peuple libyen», assure l’économiste libyen Kamel Mansouri, conscient de la gravité de la situation en Libye.

Le politologue Ezzeddine Aguil exprime même des craintes par rapport au risque de reprise de la guerre en Libye. «S’il est vrai que les Libyens ont caché leurs armes, les groupes armés sont toujours présents dans le paysage politique, notamment à l’Ouest, puisque les forces régulières sont formées de ces mêmes groupes, ce qui constitue un véritable risque de dérapage», explique-t-il, en rappelant que «le différend entre Dbeyba et la commission militaire ‘5+5’ concerne ces groupes armés ; les militaires étant attachés à l’appartenance au corps militaire ou paramilitaire, pour éviter les dérapages». 

La Libye ne parvient pas encore à finaliser sa réconciliation.

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