Strident coup de gueule de la Chambre africaine de l’énergie (AEC) : à peine quelques jours après la clôture de la 30e édition de l’Investing in African Mining Indaba qui s’est tenue du 5 au 8 février au Cap (Afrique du Sud), cette instance représentant la voix du secteur de l’énergie du Continent africain s’est fendue d’un sévère communiqué où elle «rejette avec véhémence la notion et l’état d’esprit selon lesquels les Africains ne sont en quelque sorte pas qualifiés pour diriger et accueillir des événements importants tels que Investing in African Mining Indaba sur leur propre territoire».
Estimant inacceptable que «l’avenir énergétique de l’Afrique soit défini et dirigé par des entités qui visitent le continent de manière sporadique et qui n’ont pas une véritable compréhension de ses complexités», la CAE affirme ne plus tolérer que «des décisions cruciales concernant l’avenir énergétique de l’Afrique soient dictées par ceux qui ne donnent pas la priorité à la majorité silencieuse du continent - 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne vivant dans l’obscurité et 900 millions n’ayant pas accès à des combustibles de cuisson propres».
A ses yeux, les voix de ces personnes «doivent guider les décisions africaines en matière d’énergie, et leurs besoins doivent être prioritaires dans l’élaboration du paysage énergétique du continent».
Pointant particulièrement du doigt le britannique Hyve Group, basé à Londres, qui est un organisateur international de salons, conférences, expositions et autres événements d’envergure mondiale, notamment dans le domaine énergétique, l’AEC trouve insultant et condescendant de suggérer que «les Africains doivent s’en remettre à une petite société britannique, le groupe Hyve, pour organiser des événements tels que Mining Indaba».
Pour elle, cet état d’esprit «incarne la même attitude que celle que les États africains producteurs de pétrole et de gaz rencontrent dans leur transition énergétique : ils sont exclus de la table des décisions et leur transition est définie pour eux».
D’autant que, de par ses grandes ressources de minerais dont regorge son sol, tels que le cobalt, manganèse, chrome, platine,…,etc, essentiels dans cette transition énergétique ainsi qu’aux technologies vertes, le continent occupe une position stratégique mondiale.
Haussant davantage le ton, NJ Ayuk, président exécutif de l’AEC, considère que «ce type de prise de décision, cette suggestion selon laquelle les Africains ne sont pas qualifiés pour diriger l’Indaba minier ou un événement d’investissement minier, et que nous devons supplier une petite société britannique (Hyve Group) pleine de libérateurs de café au lait avec leurs idées fantaisistes sur l’énergie africaine de le faire, illustre le même type d’état d’esprit que les États africains producteurs de pétrole et de gaz rencontrent en matière de transition énergétique».
S’adressant à ses semblables Africains, le responsable s’emportera contre le fait que la transition soit encore «définie pour vous sans que vous soyez sur la table» et que «l’agenda soit défini et conduit par eux». Et de trancher : «Vous n’êtes pas sur la table. Vous êtes au menu».
«Etat d’esprit insultant»
Exprimant toujours sa colère face à ce qui s’apparente à un ‘‘tutorat’’ maître-élève, continuellement appliqué par l’Occident envers l’Afrique, M Ayuk, renchérit : «C’est le même état d’esprit insultant et condescendant qui a conduit les groupes environnementaux et les pays occidentaux à suggérer qu’ils savent ce qui est le mieux pour l’Afrique alors qu’ils font pression sur nos dirigeants pour qu’ils prennent des décisions en matière de transition énergétique qui ne sont pas dans l’intérêt de l’Afrique».
Abondant dans le même sens, le ministre namibien des Mines et de l’Energie, Tom Alweendo, qualifie de «fatigante» l’’idée selon laquelle les Africains «sont en quelque sorte incapables de gérer leurs propres affaires». Pour lui, «il est temps que nous prenions pleinement en main notre propre destin, tout en collaborant avec des partenaires de même sensibilité».
Par ailleurs, l’AEC a tenu à dénoncer «la tentative éhontée de la Semaine africaine du pétrole d’usurper le discours sur l’énergie en Afrique» qui «entrave les progrès du continent et nuit aux Africains», est-il rapporté dans un autre communiqué parvenu à notre rédaction.
En effet, y est-il précisé, l’événement «AOW : Investing in AfricanEnergy», anciennement connu sous le nom de Semaine africaine du pétrole, se serait «engagé dans une campagne de rebranding pour se présenter comme un allié du développement énergétique de l’Afrique». Pourtant, s’y offusque-t-on, «ce nouveau nom ne reflète pas l’Afrique ou son peuple et constitue une gifle à la stratégie de développement des ressources du continent et à ses vastes besoins en énergie».
Cette initiative de changement de marque de la Semaine africaine du pétrole étant considérée comme «un revers pour le programme de développement énergétique du continent», alors que les pays pétroliers et gaziers africains s’emploient à mutualiser leurs efforts afin d’«éradiquer la pauvreté énergétique et promouvoir la durabilité».
La désillusion de l’institution énergétique est clairement perceptible et les desseins inavoués des puissances et décideurs occidentaux semblent l’insupporter de plus en plus : «L’AOW prétend tenir compte des intérêts de l’Afrique, mais il a fondamentalement et continuellement contredit cette affirmation.»
Le stratagème visant à «se faire passer pour des amis de l’énergie africaine, tout en rejetant le pétrole et le gaz comme piliers fondamentaux du développement énergétique de l’Afrique» constitue, aux yeux de l’AEC, «une campagne de déformation flagrante et manifeste, destinée à semer la confusion et à redéfinir le discours énergétique de l’Afrique en utilisant la voix de quelqu’un d’autre».
En termes plus clairs, «l’industrie pétrolière et gazière de l’Afrique n’est pas seulement importante, elle est impérative pour que le continent abolisse la pauvreté énergétique d’ici 2030 - un pilier central de la mission de la Chambre africaine de l’énergie (AEC)», conclut-on.
Le timing choisi pour dire haut et fort basta à la tutelle occidentale sur l’Afrique est des plus opportuns. Le «rappel à l’ordre» de la Chambre africaine de l’énergie intervient au moment où l’Algérie s’apprête à accueillir le 7e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du forum des pays producteurs de gaz (GECF), prévu du 29 février au 2 mars 2024.
Les défis énergétiques actuels et l’avenir de l’industrie gazière seront au cœur des débats de ce crucial regroupement auquel devraient prendre part les principaux pays exportateurs de gaz au monde, soit 70% des réserves mondiales prouvées de gaz, plus de 40% de la production commercialisée, 47% des exportations par gazoduc et plus de la moitié des exportations de GNL dans le monde.