Abdoulaye Bathily a jeté l’éponge mardi 16 avril, lors de la réunion du Conseil de sécurité sur la Libye. Il n’est pas parvenu à créer les mécanismes pouvant pallier les déformations de comportement des belligérants libyens afin d’aboutir à une solution satisfaisante pour tous. L’envoyé sénégalais accuse les dirigeants libyens de «placer leurs intérêts personnels au-dessus des besoins du pays». Il trouve que «les Nations unies ne pouvaient assurer pareil processus politique».
La démission de Bathily va entraîner la prise en charge de la mission onusienne en Libye, de manière intérimaire, par l’Américaine Stéphanie Khoury, nommée il y a quelques temps comme vice-envoyé spécial, sans avoir encore pris son poste. Encore une fois, et comme lors du départ du précédent envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassen Salamé, c’est encore une Américaine qui assure l’intérim.
L’autre fois, ce fut Stéphanie Williams, cette fois c’est Stéphanie Khoury. Les Américains sont donc parvenus à remplacer Bathily par l’un des leurs sans devoir passer par un vote du Conseil de sécurité, qui aurait provoqué un veto russe, en attendant un difficile compromis autour d’une autre personnalité.
Sur le terrain, nul ne pleure le départ de Bathily. Tous les intervenants sur la scène libyenne sont d’accord sur l’échec de la mission de Bathily et sur le fait qu’il ne soit pas parvenu à dénouer les nœuds de la crise libyenne. Les représentants de l’Est libyen, parlement et armée, l’accusent même d’être proche des propositions de l’Ouest, en omettant le gouvernement de l’Est de sa proposition au dialogue, vouée à l’échec. Bathily n’avait même pas validé le départ de Dbeiba et l’installation d’un gouvernement restreint d’union nationale pour chapeauter les élections.
Dans un entretien avec RFI, le spécialiste Libye auprès de l’Institut royal de Londres, Jalel Harchaoui, a également évoqué l’absence de soutien occidental à l’envoyé de l’ONU. «Les Etats-Unis et la France continuent à privilégier le fait de faire plaisir à l’Egypte, plutôt que d’en faire abstraction et d’aider la Libye à sortir de la crise», a-t-il dit.
«Source d’énergie»
Pour sa part, le politologue libyen, Ezzeddine Aguil, a déclaré à El Watan que «les puissances occidentales voient la Libye comme source d’énergie et emplacement stratégique et tout le monde prend sa part», ajoutant que «puisque le pétrole coule à flot, les tiraillements se limitent à la lutte d’influence comme l’indique la concurrence russo-américaine autour de la Libye».
La réunion du mardi 16 avril du Conseil de sécurité à New York sur la Libye, a vu Abdoulaye Bathily jeter l’éponge. Durant la même réunion, les représentants des Etats-Unis et de la Fédération de Russie se sont échangés des accusations d’implication avec les groupes armés locaux. Le délégué américain a insisté dans son intervention sur la nécessité du départ des troupes russes présentes depuis des années dans l’Est libyen.
Pour sa part, le délégué russe s’est interrogé sur le nouveau service sécuritaire libyen entraîné par une entreprise américaine en lien avec le Pentagone. Le délégué russe a indiqué que «ces entraînements se déroulent en dehors du contrôle de l’Etat libyen, alors que l’objectif est la formation d’une Armée nationale libyenne et le départ progressif des troupes étrangères».
Et si la présence des troupes russes Wagner, appelé aujourd’hui contingent russe en Afrique, est connue de tous, en soutien à Khalifa Haftar dans l’Est libyen depuis 2015, la présence des Américains de la société Amentum date de 2023 à l’Ouest libyen, dans le cadre d’un contrat avec le gouvernement Dbeiba. Les hommes d’Amentum sont installés à la base militaire de Myitiga, à Tripoli.
La mission principale d’Amentum consiste à contrer la présence des Russes aux côtés de Haftar à l’Est et, également, à encadrer l’intégration des milices dans les forces régulières. «C’est dire qu’Américains et Russes s’adonnent aux mêmes manipulations en Libye», a ajouté Ezzeddine Aguil.
La conclusion du politologue insiste sur le fait que «les Américains craignent surtout l’obtention par les Russes d’une base navale dans l’Est libyen, ce qui leur permettrait de renforcer leur présence en Méditerranée et de soutenir leurs alliés en Afrique, notamment le Mali, le Burkina, le Niger et l’Afrique centrale». Il est donc clair que le dossier libyen est encore loin de sa clôture.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami