Conférence internationale d’Alger «Justice pour la Palestine» : Un collectif d’avocats pour traîner Israël devant la CPI et d’autres juridictions

02/12/2023 mis à jour: 03:01
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Les travaux de la Conférence internationale d’Alger «Justice pour le peuple palestinien» se sont tenus au CIC, avec la participation de délégations de plusieurs pays - Photo : D. R.

Un collectif d’avocats des barreaux d’Algérie, du Liban, de Jordanie, de Tunisie, de Mauritanie, de Libye et de Palestine a été installé pour engager «immédiatement» des plaintes auprès de la CPI (Cour pénale internationale) et des juridictions à compétence universelle, contre l’entité sioniste pour les crimes génocidaires commis en Palestine occupée.

Si la Palestine n’a pas d’armée pour la défendre des agressions violentes menées par l’alliance israélo-occidentale, elle peut, désormais, compter sur une armée d’avocats qui vont plaider sa cause auprès des juridictions internationales et poursuivre les auteurs des crimes génocidaires.

«Vous aurez un million de soldats, que nous représentons au sein de l’Union des avocats arabes, prêts à vous défendre», déclarait, jeudi dernier en début de matinée, Me Yahia Abou Aboud, président du Barreau national des avocats jordaniens, président du bureau exécutif de l’Union des avocats arabes et coordinateur du Club des juristes et de la législation, devant un parterre de plus de 500 professionnels du droit, dont des avocats et des magistrats qui ont pris part aux travaux de la conférence internationale d’Alger «Justice pour la Palestine».

En fin de journée, c’est à lui qu’a été confiée l’annonce des résolutions exécutoires et de la déclaration finale de la conférence d’Alger, tenue «en réponse à l’appel de l’Union nationale des barreaux d’Algérie et du Syndicat national des magistrats». Mais auparavant, il a évoqué, d’un ton poignant, la mort d’une jeune Palestinienne suite à un raid sioniste, qui devait rejoindre l’Algérie (jeudi) pour poursuivre ses études universitaires.

Avec une mine défaite, il a commencé par déclarer que «la conférence dénonce avec force l’agression israélienne commise contre la population de Ghaza à travers des bombardements incessants ciblant les bâtiments résidentiels, des infrastructures civiles vitales, les universités, des églises, des mosquées faisant des dizaines de milliers de martyrs et de blessés parmi les femmes, les enfants et les personnes âgées ainsi que par l’occupation du nord de Ghaza, la déportation de ses habitants, l’interdiction de l’entrée de l’aide humanitaire, de carburant, de médicaments, la coupure de l’électricité et de l’eau. Ce sont de graves violations du droit humanitaire.

Des actes qui constituent des sanctions collectives, des crimes de guerre, des crimes génocidaires et des crimes contre l’humanité», avant de préciser que la Conférence d’Alger a été organisée pour «réaffirmer la solidarité avec le peuple palestinien».

A ce titre, il a rappelé le travail des experts au sein des ateliers techniques chargés de documenter les crimes, des poursuites devant les tribunaux à compétence universelle, des communications destinées à la CPI et des plaintes aux ONG et institutions internationales et parlé des résolutions exécutoires ayant été validées, à savoir la transmission des notes d’information au bureau du procureur de la CPI selon la feuille de route judiciaire mise en place par la commission de suivie, le  dépôt des plaintes pénales contre les auteurs des crimes parmi les dirigeants israéliens, devant les juridictions à compétence universelle, arrêtées par la conférence et confiées à la commission de suivie, la saisine des ONG et des institutions internationales pour poursuivre les autorités d’occupation israéliennes et, enfin, l’installation d’un comité chargé d’exécuter les décisions de la conférence et de les suivre, composé du président de l’Union nationale de l’Ordre des avocats (UNOA), du président du Syndicat des magistrats algériens, du président du barreau jordanien et président actuel du bureau exécutif de l’Union des avocats arabes et coordinateur exécutif du club des juristes et de la législation de l’Union et du bâtonnier national de la Palestine. «Ces résolutions font partie de la feuille de route de la Conférence ainsi que de sa déclaration.

Nous vous avons épargné les détails qui font partie du plan de la stratégie de défense et des démarches de poursuite contre les dirigeants de l’entité d’occupation», a expliqué l’avocat jordanien, avant que Me Brahim Tairi, président de l’Unba, et Laidi Aoudeche, président du Snm, n’annoncent la clôture des travaux de la Conférence dont l’ouverture au Centre international de Conférences Abdellatif Rahal a eu lieu la matinée avec plusieurs interventions axées particulièrement sur «les graves violations commises par les dirigeants de l’occupant sioniste dans la Bande de Ghaza», «le rôle du Procureur de la CPI», «les mécanismes de saisine des organisations internationales pour les violations graves commises contre le peuple palestinien».

«Un million d’avocats vont plaider la cause palestinienne…»

Tous les conférenciers ont dénoncé le «silence», la «complicité» ainsi que l’«utilisation de la politique du deux poids deux mesures», lorsqu’il s’agit de la situation en Palestine. Pour Me Yahia Abou Aboud, «il faut unifier nos efforts pour soutenir et aider le peuple palestinien dans sa lutte pour son droit à l’autodétermination et son droit à la résistance contre l’occupation».

Lui emboîtant le pas, Me Mohamed Al Harini, président du barreau palestinien, est revenu sur les actes «génocidaires d’une cruauté inouïe» traités, depuis 2014, avec «un jeu de double standard où la victime est mise sur un pied d’égalité avec le bourreau. Entre-temps, Ghaza est soumise à une mort lente (…) des crimes contre l’humanité, de guerre et les génocides se poursuivent jusqu’à ce jour».

L’avocat fait état du lourd bilan des violentes agressions contre la population civile, en faisant remarquer «qu’il ne s’agit pas de donner de chiffres seulement, des enfants sont opérés sans anesthésie (…) des centaines de photos et de vidéos documentent les crimes de génocide contre l’humanité, devenus l’événement principal pour le monde entier depuis le 7 octobre dernier et qui auraient pu être une base sur laquelle des poursuites auraient dû être engagées contre l’occupant sioniste et ses dirigeants civils et militaires».

Président du Barreau national de Tunisie, Me Hatem Mezioui a été plus direct : «Nous allons poursuivre les criminels de guerre devant la CPI, le TPI (Tribunal pénal international) et les tribunaux à compétence universelle. Les mécanismes de ces procédures existent et les preuves sont là, devant les yeux de toute la communauté internationale. Nous n’avons qu’à les acter».

Le bâtonnier tunisien s’est offusqué contre «la position honteuse de certains barreaux qui se sont rangés du côté des bourreaux. Nous avons une armée de juristes pour défendre la Palestine contre les criminels de guerre, à leur tête Netanyahu». Me Gilles Devers, du barreau de Lyon, en France, a axé son intervention sur la plainte qu’il avait déposée devant la CPI, contre l’entité sioniste,  le 9 novembre dernier, procédure qualifiée de «combat juridique qui complète la lutte sur le terrain politique, économique et social».

Et parce que la CPI, juridiction qui dit que «la Palestine est un Etat à part entière», «elle est donc la juridiction devant laquelle, nous avons plus de chance d’avoir une victoire». Me Devers est revenu sur ses rencontres avec le procureur de la CPI qui lui «a clairement affirmé que trois personnes sont chargées de l’enquête déjà ouverte et qu’il est à la recherche des mesures urgentes à prendre, précisant qu’il n’avait pas besoin d’experts pour établir le génocide».

«nous combattons une alliance occidentale»

Me Devers a estimé que «l’enquête approfondie est en cours. C’est déjà un acquis. Il faut donc travailler pour que des mandats d’arrêt internationaux soient délivrés contre le premier ministre Benyamin Netanyahu, son chef des opérations militaires et son ministre de la Défense». Le procureur de la CPI, a-t-il souligné, «nous a déclaré, à propos du fait qu’il ne peut se rendre sur place,  que ce ne sont pas des criminels qui vont mettre des obstacles devant la justice. Alors faisons en sorte que les informations qui lui parviennent soient prises en compte pour juger l’affaire.

C’est un travail à long terme. Pour ce qui est des mesures urgentes, il nous a dit de lui apporter des éléments clairs et précis, tels que les déclarations haineuses et racistes de Netanyahu et ses ministres contre les Palestiniens. Nous avons bien progressé. Nous avons obtenu de nombreux documents de victimes, y compris de leurs familles résidantes à l’étranger, sur des faits avérés et racontés, des bombardements sur des immeubles résidentiels ou encore des camps de réfugiés où des familles entières ont été décimées. Il y a une forte attente du procureur. Nous devons l’aider».

Membre de la résistance palestinienne et de la direction du Hamas, Abou Zahri a entamé sa déclaration sous de fortes ovations de l’assistance. Il a déclaré : «Nous faisions face  uniquement à l’entité sioniste, nous l’aurions vaincue il y a très longtemps. Mais malheureusement, nous combattons une alliance occidentale dirigée par les USA.

Il nous faut, nous aussi, une alliance pour montrer que Ghaza n’est pas seule. Les crimes des colons sont abominables. Depuis des années, nous vivons l’horreur. Le 7 octobre était la seule voie de s’en libérer. Nous avons fait ce que l’Algérie a fait, pour se libérer du colonialisme. Le prix payé était-il lourd ? Je répondrais, si les Algériens avaient pensé aux sacrifices, nous ne serions pas, aujourd’hui, ici à débattre des droits des Palestiniens.»

D’autres intervenants ont évoqué les mécanismes alternatifs à la CPI, tels que les ONG et institutions internationales de défense des droits de l’homme. Certains conférenciers ont même parlé de mécanismes juridiques internationaux qui permettent de poursuive pour crimes de guerre, y compris les militaires (ayant la double nationalité), devant la juridiction de leur pays d’origine, lorsqu’elle est à compétence universelle. Et dans ce cadre, ils ont appelé à installer un comité international pour se charger de ces procédures.


 


 

 

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